Le ministre kazakh de la Culture et de l'Information a annoncé de mesures visant à restreindre drastiquement la circulation de l'information en cas d'urgence.
(RSF/IFEX) – le 14 septembre 2012 – Reporters sans frontières fait part de sa profonde inquiétude après l’annonce, par le ministre kazakh de la Culture et de l’Information, de mesures visant à restreindre drastiquement la circulation de l’information en cas d’urgence.
« M. Mynbaï propose ni plus ni moins de soumettre à une censure stricte la couverture de tous les événements dramatiques, a déclaré l’organisation. Nous appelons les autorités à renoncer à ce projet extrêmement dangereux pour le droit à l’information des citoyens kazakhs. Ce n’est pas en contrôlant le flux de l’information que les autorités parviendront à dissiper les rumeurs, mais au contraire en communiquant en temps et en heure, avec responsabilité mais dans la plus grande transparence possible. »
« La législation existante assure déjà la protection de la sécurité nationale; elle punit déjà l’incitation à la violence et à la haine, a poursuivi Reporters sans frontières. Quel est le véritable objectif de cette proposition? Il ne faudrait pas que le gouvernement d’Astana utilise le prétexte de la désinformation pour imposer le blackout sur des événements sensibles. Le blocus de l’information imposé sur les émeutes de Janaozen, prouve hélas que le régime y est enclin. »
Le ministre de la Culture et de l’Information, Darkhan Mynbaï, est intervenu en conseil des ministres le 11 septembre 2012, lors d’une discussion sur les moyens d’améliorer le système d’alerte de la population en cas d’urgence. Dans les pays de l’ex-URSS, l’ensemble des événements exceptionnels mettant en danger la sécurité des citoyens (catastrophes naturelles, accidents de transports, attentats terroristes) sont désignés sous le nom de « situations d’urgence » – dont la réponse est supervisée par un ministère éponyme. Si la discussion portait initialement sur les catastrophes naturelles, le champ de cette annonce est donc très large.
« Dans les situations d’urgence, nous trouverons un accord avec la direction des médias d’État pour empêcher la diffusion d’informations non-officielles ou d’interprétations alternatives des informations officielles », a déclaré M. Mynbaï. En particulier, il sera interdit de « mettre en question la véracité des informations [officielles] ou la compétence du porte-parole », de « critiquer l’action des autorités » ou d' »inciter les citoyens à agir d’une manière ou d’une autre ». Et ce, « à travers tous les médias: télévision, presse écrite, Internet ». Le ministère a précisé que de tels accords étaient également recherchés avec les médias privés.
Officiellement, l’objectif affiché est de « couper court aux rumeurs » et de « mieux informer les populations ». Le gouvernement a annoncé une profonde réforme du système d’alerte d’ici 2015, qui mettrait à contribution un « pool » de journalistes en lien permanent avec le ministère des Situations d’urgence. En mai 2011, la panique s’était emparée d’une partie de la population d’Almaty (Sud-Est) après que des rumeurs évoquant de possibles répliques de tremblements de terre survenus à 75 km de la capitale économique se soient répandues sur les réseaux sociaux. Cependant, les médias locaux soulignent que ces rumeurs avaient avant tout été facilitées par le silence des autorités.
Le Kazakhstan, traditionnellement vu comme l’un des piliers de la région, est confronté depuis plus d’un an à des défis inédits qui ébranlent son image de stabilité: violents conflits sociaux, attentats terroristes … De nombreux syndicalistes et opposants politiques sont actuellement jugés pour leur implication présumée dans les émeutes de Janaozen (Ouest), réprimées dans le sang en décembre 2011. La région avait alors été coupée du monde: télécommunications coupées, déplacements de journalistes interdits, blocage de Twitter dans tout le pays… Depuis lors, la pression s’est nettement accentuée sur les médias indépendants.
Le Kazakhstan figure à la 154e place sur 179 pays dans le dernier classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières. Le pays a en outre été placé « sous surveillance » par l’organisation, en mars 2012, pour son recours croissant à la cybercensure.