Reporters sans frontiers deplore les autorités bélarusses pour leur harcèlement des voix critiques et pour censurer la couverture des élections législatives.
(RSF/IFEX) – 21 septembre 2012 – « La campagne en vue des élections législatives du 23 septembre 2012 se termine comme elle a commencé, sous le signe du harcèlement des voix critiques. Quiconque cherche à redonner une dimension politique à des élections que les autorités aimeraient voir perçues comme une simple formalité est, au mieux, censuré, sinon violemment réprimé », a déclaré Reporters sans frontières à deux jours du vote.
Les débats télévisés, pré-enregistrés et diffusés en différé, sont largement censurés. Au cœur du problème : l’appel au boycott du scrutin, lancé par plusieurs partis d’opposition. La présidente de la Commission électorale centrale, Lidziya Yarmoshyna, a annoncé le 11 septembre que sept débats pré-enregistrés ne seraient pas diffusés, car certains candidats y lançaient des appels à boycotter les élections.
Anatol Lyabedzka, leader du Parti civique uni (UCP), a affirmé à Reporters sans frontières que 32 candidats de sa formation avaient vu leurs spots électoraux censurés à la télévision ou à la radio. La presse d’Etat a refusé de publier les professions de foi de 11 candidats, contrairement à la loi. En outre, d’après lui, la plupart des candidats de l’UCP ont été contraints de modifier le texte de leurs interventions face à la menace des autorités de leur barrer l’accès aux médias.
« La censure des appels au boycott est une mesure politiquement motivée et complètement illégale », a déclaré Anatol Lyabedzka. L’article 47 du code électoral définit clairement les motifs qui justifient de priver un candidat d’accès aux médias : l’appel au boycott n’y figure pas.
Le 18 septembre, l’Association des journalistes bélarusses (BAJ), partenaire de Reporters sans frontières, a présenté les résultats de son monitoring de la campagne électorale pour la période du 2 au 15 septembre. « Les médias d’Etat ont non seulement essayé de marginaliser les acteurs clés [de la campagne], c’est-à-dire les candidats ; mais ils ont aussi cherché à empêcher les électeurs de s’informer sur leurs programmes et d’en discuter », conclut le rapport.
Les médias d’Etat, souligne la BAJ, se sont employés à dépolitiser la campagne électorale en marginalisant candidats et discussions politiques, pour se concentrer sur les aspects techniques du scrutin. De manière générale, les médias d’Etat n’ont accordé aux élections qu’une place marginale dans leurs programmes. Ainsi, sur la période étudiée, le bulletin d’information « Panarama » de la chaîne télévisée Belarus 1 y a consacré 1,88% de sa couverture, contre 2,82% à la météo et 14,7% aux actualités sportives.
Le 18 septembre 2012, sept journalistes ont été brutalement interpellés à Minsk (capitale) alors qu’ils couvraient une action de protestation menée par des activistes du mouvement d’opposition Zmena. Les cameramen Pavel Padabed (BelaPAN) et Alyaksandr Barazenka (Belsat), ainsi que les photographes Syarhey Hryts (Associated Press), Tatsyana Zyankovich, Vasil Fedosenka (Reuters), Dmitry Rudakov et Aleksei Akulov (ZDF) ont été emmenés dans un véhicule banalisé au poste de police, où ils ont été séparés. Au moment de l’interpellation, un officier a frappé Syarhey Hryts, brisant ses lunettes et le faisant saigner. Les journalistes ont été relâchés environ une heure et demie plus tard, sans aucune explication et sans qu’aucune charge ne soit retenue contre eux. La police avait supprimé la plupart des images de la manifestation avant de leur rendre leur équipement. Le lendemain, le procès des activistes de Zmena s’est tenu à huis clos, au tribunal du district Frunzenski de Minsk ; les journalistes n’ont même pas pu s’entretenir avec les proches des accusés.
Reporters sans frontières a par ailleurs appris qu’Anne Gelinek, correspondante à Moscou de la chaîne télévisée allemande ZDF, n’avait pas pu se rendre à Minsk comme elle le souhaitait pour couvrir les élections. La délivrance d’un visa lui a été refusée sans explication. Cet incident rappelle le cas de Gesine Dornblüth, correspondante de Deutschlandradio à Moscou, victime d’un refus similaire en août dernier.
Le Bélarus pointe à la 168e place sur 179 dans le classement mondial de la liberté de la presse 2011/2012 réalisé par Reporters sans frontières. Il figure parmi les pays listés comme « Ennemis d’Internet » par l’organisation pour leur recours systématique à la cybercensure.