Passionnée par ce qu’elle appelait les "causes oubliées", Camille Lepage était partie en Centrafrique avant même les débuts de l’opération Sangaris, pour témoigner du quotidien des populations victimes de cette guerre fratricide.
La mort de la photographe freelance Camille Lepage, à l’âge de 26 ans est une tragédie pour le journalisme. Son corps a été retrouvé dans une voiture entre Bouar et Garoua Boulai, à l’ouest de la République centrafricaine sur la route menant au Cameroun. « La dépouille mortelle de Mme Lepage a été trouvée lors d’une patrouille de la force Sangaris, à l’occasion d’un contrôle effectué sur un véhicule conduit par des éléments anti-balaka, dans la région de Bouar » a dit l’Elysée.
« Nous sommes profondément choqués de cette tragique disparition d’une jeune journaliste qui faisait preuve d’un extraordinaire courage dans son travail quotidien », déclare Christophe Deloire secrétaire général de Reporters sans frontières. « Nous avons eu la chance de la côtoyer entre deux reportages. En décembre 2013 déjà elle nous faisait part du climat de tensions croissantes pour les journalistes en Centrafrique. Sa mort odieuse montre à quel point les journalistes sont exposés au danger dans leur recherche de l’information, en République centrafricaine comme sur d’autres terrains de conflit ».
Malgré son jeune âge, Camille Lepage avait déjà une riche expérience de reporter photographe. Après avoir sillonné l’Europe au début de sa carrière, elle avait couvert la Révolution égyptienne en 2011 avant de s’envoler vers l’Afrique où elle a capté les premiers pas du nouveau Soudan du Sud en 2012 et rappelé l’horreur des conflits des Monts Nuba au Soudan. Passionnée par ce qu’elle appelait les « causes oubliées », elle était partie en Centrafrique avant même les débuts de l’opération Sangaris, pour témoigner du quotidien des populations victimes de cette guerre fratricide. Là, selon ses confrères, elle s’est illustrée par son courage, allant toujours au devant de l’action, au contact des ex-Seleka dans les quartiers de Bangui ou couvrant les opérations de désarmement.
En septembre 2013, Reporters sans frontières lui avait prêté un gilet pare-balles pour un précédent reportage en République centrafricaine.
Le conflit en République centrafricaine, qui a débuté avec la prise de Bangui par la coalition rebelle des Seleka en mars 2013, a porté un grave coup à la liberté de l’information en Centrafrique. Les sièges de la majorité des radios et journaux ont alors été pillés par les rebelles des Seleka. Avec l’intensification du conflit en décembre 2013 et la montée des milices anti-balakas, les menaces se sont multipliées contre les journalistes, accusés par les deux bords de faire le jeu de l’une ou l’autre des factions. Nombre d’entre eux ont été contraints de se cacher ou de quitter le pays après avoir fait l’objet de menaces de mort. Aujourd’hui encore, la majorité des journalistes centrafricains n’exerce plus et ceux qui l’osent se voient régulièrement menacés.
La République centrafricaine a enregistré la plus grande chute au Classement de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières, avec une perte de 44 places. Situé à la 65ème place en 2013, le pays figure à la 109ème place sur 180 pays dans l’édition 2014 du Classement.
Selon le bilan établi par Reporters sans frontières, 75 journalistes sont morts dans le monde dans l’exercice de leur fonction en 2013. Depuis le début de 2014, 17 journalistes ont été tués dans l’exercice de leurs fonctions. Camille Lepage est la 18ème de cette liste funèbre.