(RSF/IFEX) – Jean-Pierre Rey, journaliste photographe à l’agence Gamma, interpellé et placé en garde à vue à Paris, le 3 septembre 2001, par la Division nationale antiterroriste (DNAT), est le cinquième journaliste, en vingt mois, à avoir fait l’objet d’une telle mesure de la part de la justice française. RSF s’inquiète du nombre croissant d’affaires […]
(RSF/IFEX) – Jean-Pierre Rey, journaliste photographe à l’agence Gamma, interpellé et placé en garde à vue à Paris, le 3 septembre 2001, par la Division nationale antiterroriste (DNAT), est le cinquième journaliste, en vingt mois, à avoir fait l’objet d’une telle mesure de la part de la justice française.
RSF s’inquiète du nombre croissant d’affaires en France dans lesquelles la justice exerce une pression sur les journalistes pour les contraindre à révéler l’origine de leurs informations. L’organisation a fait part de sa préoccupation à la ministre de la Justice, Marylise Lebranchu, dans une lettre qu’elle lui a adressée le 4 septembre.
RSF dénonce l’utilisation d’une mesure de privation de liberté, comme la garde à vue, pour contraindre le journaliste à se comporter en auxiliaire de justice ou de police. La mise en garde à vue de Rey par la DNAT, a ainsi manifestement pour objet de « recueillir » les informations du journaliste, spécialiste des affaires corses.
RSF rappelle que le principe de la protection des sources est la seule garantie d’un journalisme d’enquête et d’investigation indépendant. Réaffirmé par la réforme du 4 janvier 1993 du Code de procédure pénale, le droit à la protection des sources journalistiques est néanmoins régulièrement mis en cause en France. Au cours des vingt derniers mois, quatre autres journalistes ont été placés en garde à vue dans des circonstances similaires.
Le 14 décembre 1999, Hubert Levet, collaborateur régulier du quotidien économique « Agefi » (Agence économique et financière) a été interpellé suite à une plainte contre X de la direction de l’entreprise Aérospatiale-Matra pour « divulgation d’informations financières confidentielles ». Le journaliste a été placé en garde à vue, puis mis en examen par une juge d’instruction du pôle financier du tribunal de grande instance de Paris (consulter l’alerte de l’IFEX du 21 décembre 1999).
Le 1er mai 2000, Victor Robert, journaliste de l’agence de presse CAPA, a été placé en garde à vue dans les locaux de la DNAT à Paris, pour y être entendu dans le cadre de l’enquête sur l’attentat meurtrier contre un restaurant McDonald’s, à Quévert en Bretagne. Robert était entendu en tant que témoin, pour avoir été le destinataire d’un communiqué de l’Armée révolutionnaire bretonne niant toute participation à l’attentat. Il a refusé de dévoiler ses sources et a été relâché après 31 heures de garde à vue.
Le 17 octobre 2000, le journaliste français et producteur de télévision Arnaud Hamelin, directeur de l’agence Sunset Presse, a été placé en garde à vue, dans le cadre de l’information judiciaire ouverte contre l’ancien ministre des Finances, Dominique Strauss-Kahn, « et tous autres », pour « soustraction de document à la justice ». Le journaliste a été interrogé sur les conditions dans lesquelles avait été organisé l’enregistrement de la cassette vidéo contenant une confession du financier occulte présumé du RPR, Jean-Claude Méry, et sur les circonstances ayant conduit à la publication du contenu de la cassette dans le journal « Le Monde » les 22 et 23 septembre 2000. Hamelin avait été libéré après 48 heures mais mis en examen pour « recel d’informations protégées par le secret professionnel » (consulter les alertes de l’IFEX des 19 et 18 octobre 2000).
Le 16 janvier, Dominique Paganelli, journaliste à Canal +, a été mis en garde à vue à la DNAT, dans le cadre d’une enquête sur un double attentat commis en 1999 contre des bâtiments publics à Ajaccio.
RSF note, par ailleurs, que la Cour de cassation a récemment validé l’existence pour les journalistes d’un délit de « recel de violation du secret de l’instruction » ou du « secret professionnel », qui autorise une mise en cause toujours plus systématique par les tribunaux français du droit d’informer.
RSF a rappelé à la Garde des sceaux que la Cour européenne des droits de l’homme, dans sa dernière condamnation de la France en 2000 pour « violation de la liberté d’expression d’un journaliste », avait appelé la justice française à rechercher « un moyen raisonnablement proportionné à la poursuite des buts légitimes visés, compte tenu de l’intérêt d’une société démocratique à assurer et à maintenir la liberté de la presse ».