Un véritable débat public va enfin pouvoir se dérouler sur un texte certes de nature commercial, mais aux répercussions considérables pour la liberté d'expression", signale RSF
(RSF/IFEX) – Le 23 avril 2010 – Reporters sans frontières se félicite de la publication, le 21 avril 2010, par la Commission européenne, du texte de projet du traité ACTA (Anti-Counterfeiting Trade Agreement), visant à lutter contre la contrefaçon et qui faisait l’objet jusqu’ici de négociations confidentielles entre une quarantaine de pays. Le texte dans son état actuel comporte cependant un certain nombre de dispositions potentiellement dangereuses pour la liberté d’expression sur Internet.
« Même s’il est regrettable que les positions des différents États impliqués n’apparaissent pas sur ce document, un véritable débat public va enfin pouvoir se dérouler sur un texte certes de nature commercial, mais aux répercussions considérables pour la liberté d’expression. Nous demandons aux négociateurs de ne pas sacrifier la liberté de parole sur le Net et l’accès à l’information en ligne au nom de la lutte contre le piratage et la contrefaçon des œuvres protégées par les droits d’auteur. Il est essentiel de modifier les dispositions pouvant instaurer un Hadopi international ou un filtrage du Web, en contradiction avec le principe de la neutralité du Net. La notion de l’accès à Internet comme droit fondamental devrait apparaître clairement, dès l’introduction de ce texte. Les procédures judiciaires doivent par ailleurs être définies plus précisément, en garantissant la transparence et le respect des droits de la défense, » a déclaré Reporters sans frontières.
L’organisation a ajouté : « Pour le moment, ce traité est négocié principalement par des pays démocratiques, mais il a vocation à s’étendre à d’autres, comme la Chine, qui ne disposent pas de protections satisfaisantes de la liberté d’expression et des données personnelles ».
Le texte consolidé aborde différents sujets, de la contrefaçon de médicaments au téléchargement illégal d’œuvres protégées par le droit d’auteur. La section 4 du texte concerne spécifiquement la sphère numérique. Le texte reste en majorité très général, avec des dispositions sujettes à interprétation par les États.
Si la riposte graduée n’est plus directement évoquée dans cette version du texte, certaines dispositions pourraient tout de même permettre la coupure de l’accès à Internet. L’une des « options » du traité mentionne en effet la possibilité pour les États concernés de mettre en place la « suspension de l’accès à l’information ». Par ailleurs, l’accord prévoit que les autorités judiciaires pourront délivrer des injonctions, y compris en début de procédure en cas de « violation imminente », afin d’empêcher la poursuite de l’infraction. Le texte actuel permettrait également aux ayants-droit d’obtenir l’identification, auprès des fournisseurs d’accès, de l’utilisateur soupçonné d’atteinte à la propriété intellectuelle. La protection des données personnelles est ainsi mise en danger et peut, dans les pays répressifs, conduire à la mise en danger de dissidents, journalistes ou militants des droits de l’homme.