Les autorités ont interdit des événements organisés par l'Association Marocaine des Droits Humains (AMDH), une association exprimant ouvertement ses critiques, ont mis cinq activistes en accusation pour « atteinte à la sûreté intérieure » après qu’ils ont organisé un atelier bénéficiant d’un financement étranger sur le journalisme citoyen, et ont systématiquement interdit les manifestations des activistes pro-indépendance au Sahara occidental.
Cet article a été initialement publié sur hrw.org le 27 janvier 2016.
La tolérance envers les voix critiques au Maroc et au Sahara occidental a diminué en 2015, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui dans son Rapport mondial 2016 (version abrégée en français).
Les autorités ont interdit des événements organisés par l’Association Marocaine des Droits Humains (AMDH), une association exprimant ouvertement ses critiques, ont mis cinq activistes en accusation pour « atteinte à la sûreté intérieure » après qu’ils ont organisé un atelier bénéficiant d’un financement étranger sur le journalisme citoyen, et ont systématiquement interdit les manifestations des activistes pro-indépendance au Sahara occidental. Les grâces royales accordées pendant l’année 2015 n’ont concerné aucun des nombreux activistes condamnés durant les années précédentes dans des procès inéquitables.
« Il se peut que le Maroc ne soit pas secoué par les troubles et les massacres comme nombre d’autres pays du Moyen Orient, mais il n’est pas non plus le modèle de réformes qu’il prétend », a déclaré Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch.
Dans son Rapport mondial 2016, dont la version anglaise de cette 26e édition comprend 659 pages, Human Rights Watch passe en revue les pratiques en matière de droits humains dans plus de 90 pays. Dans son essai introductif, le directeur exécutif Kenneth Roth explique que la propagation des attaques terroristes au-delà du Moyen-Orient ainsi que les flux massifs de réfugiés cherchant à fuir la répression et les conflits ont conduit de nombreux gouvernements à restreindre les droits humains dans un effort peu judicieux visant à protéger la sécurité de leurs pays. Dans le même temps, des gouvernements autoritaires partout dans le monde, craignant la contestation pacifique dont l’effet est souvent amplifié par les médias sociaux, ont entamé à l’encontre d’organisations indépendantes la plus intense vague de répression de ces dernières années.
Il y a eu certaines avancées au Maroc au cours de l’année écoulée, notamment la reconnaissance légale, pour la première fois, octroyée à une organisation de défense des droits humains sahraouie très critique à l’égard de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, ainsi que le statut juridique temporaire accordé aux étrangers reconnus comme des réfugiés par le HCR, l’agence des Nations Unies pour les réfugiés. Une nouvelle loi mettant fin aux procès militaires d’accusés civils est entrée en vigueur, mais elle n’a pas bénéficié rétroactivement aux prisonniers déjà condamnés par des tribunaux militaires.
Toutefois, les accusés devant des tribunaux civils n’ont eu aucune garantie de bénéficier d’un procès équitable. Les tribunaux ont condamné des personnes dans des procès qui semblaient être fondés sur des motifs politiques, en se basant sur des déclarations préparées par la police tout en omettant d’enquêter sur les allégations de certains accusés selon lesquelles la police leur avait extorqué ces déclarations sous la contrainte ou bien les avait falsifiées. Des personnes ont été placées en détention en vertu de lois criminalisant l’homosexualité et l’adultère.
Au cours de l’année 2015, le gouvernement et le parlement ont délibéré sur plusieurs projets de lois ayant des implications majeures pour les droits humains, notamment des lois sur les protections pour les personnes employées comme domestiques, sur les violences domestiques, sur le droit d’asile, sur les droits des personnes en situation de handicap, ainsi que sur un nouveau code pénal et code de la presse. En 2016, les résultats de ce processus législatif pèseront lourdement sur le bilan des droits humains, en fonction des protections des droits qui auront ou non force de loi, et en fonction des clauses portant atteinte aux droits qui seront abandonnées ou modifiées.
L’année qui débute révèlera également si le Maroc entend maintenir l’interdiction des visites imposée à Amnesty International et à Human Rights Watch en 2015, ou bien revenir à une politique d’ouverture générale à l’égard des organisations internationales de défense des droits humains.