À la veille du Congrès de l'Union internationale des magistrats (UIM), le TMG de l'IFEX réitère sa profonde inquiétude face à la persécution continue des magistrats indépendants.
(IFEX-TMG) – Le 2 novembre 2010 – À la veille du Congrès de l’Union internationale des magistrats (UIM) qui se tiendra à Dakar, au Sénégal, le Groupe d’observation de la Tunisie issu de l’Échange international de la liberté d’expression (TMG de l’IFEX), une coalition mondiale de 20 membres de l’IFEX, réitère sa profonde inquiétude face à la persécution continue des magistrats indépendants en Tunisie et des conséquences que cela entraîne pour la liberté d’expression.
Le TMG de l’IFEX a écrit en septembre à l’UIM, une organisation internationale et professionnelle dont l’objectif principal est de « sauvegarder l’indépendance de la magistrature, » pour partager ses conclusions alarmantes au sujet du harcèlement incessant des membres élus démocratiquement du bureau de l’Association des magistrats tunisiens (AMT) depuis leur éviction en 2005. (Voir : http://ifex.org/tunisia/2010/09/17/judges_persecuted/fr/ )
« Ces juges sont visés à cause de leur appui à l’indépendance du système judiciaire et de leur opposition à la mainmise du gouvernement sur le Conseil supérieur de la magistrature de Tunisie, » a déclaré le président du TMG de l’IFEX, Rohan Jayasekera, du groupe Index on Censorship.
Le Conseil supérieur de la magistrature a la responsabilité de la nomination et de la promotion des juges, ainsi que de l’application des mesures disciplinaires, mais il est administré par le Ministère de la Justice et présidé par le Président Zine El Abidine Ben Ali, qui désigne la majorité de ses membres.
L’État a entrepris d’exercer une mainmise accrue après que le Congrès de 2004 de l’AMT eut adopté à une écrasante majorité une résolution qui demandait la modification de ses statuts et la restructuration du Conseil supérieur de la magistrature, afin de lui donner plus d’indépendance et de le protéger contre l’intimidation.
Depuis sa deuxième mission d’enquête en Tunisie en septembre 2005, le TMG de l’IFEX a documenté diverses formes de persécution des juges indépendants et l’accroissement du recours au système judiciaire pour persécuter les journalistes critiques et les défenseurs des droits de la personne. Le TMG de l’IFEX croit qu’un système judiciaire indépendant, dégagé de l’influence de l’État, est essentiel à la sauvegarde de la libre expression.
Les constatations de la sixième et dernière en date des missions d’enquête sont consignées dans un rapport publié en juin à Beyrouth, « Derrière la façade : Comment un système judiciaire politisé et des sanctions administratives minent les droits de la personne en Tunisie ». (Voir : http://ifex.org/tunisia/2010/06/21/rapportdumissiontmg2010.pdf )
De nombreux magistrats ne souhaitent pas se prononcer sur les problèmes auxquels ils sont confrontés dans l’exercice de leur fonction. « Non pas parce qu’ils ne croient pas à l’indépendance de la magistrature, mais parce que ce que nous vivons effraie tout le monde. Aucun magistrat n’aime affronter les périls que nous subissons, » dit l’un des juges persécutés actuellement.
Le bureau actuel de l’AMT, qui est soutenu par le gouvernement, ferme les yeux depuis cinq ans sur la persécution des magistrats indépendants, persécution qui passe par des affectations de magistrats sans leur consentement, le refus de promotions, des réductions salariales sans explication, des restrictions imposées à la liberté de mouvement, voire des agressions.
Le Conseil National de l’AMT a même adopté le 18 octobre une résolution qui remerciait le Président Ben Ali de son « appui constant aux intérêts matériels et moraux des juges, » et qui s’en prenait à Amnistie Internationale à cause de son rapport paru en juillet sur le prix élevé que paient à l’heure actuelle les juges indépendants et les défenseurs des droits de la personne de Tunisie.
« Nous espérons que le Congrès de Dakar donnera à l’Union internationale des magistrats l’occasion d’entreprendre une action qui pourrait mettre bientôt fin à la persécution des juges indépendants et contribuer à faire naître une nouvelle ère où la magistrature ne sert plus d’instrument au gouvernement pour étouffer les libertés d’expression et d’association, » a conclu Amadou Kanoute, du bureau d’ARTICLE 19 au Sénégal, qui dirigeait le printemps dernier la mission du TMG de l’IFEX en Tunisie.
À la veille du Congrès de l’UIM, qui se déroulera à Dakar du 6 au 11 novembre, des associations de juges de partout dans le monde se sont engagées à appuyer les juges indépendants en Tunisie.