Un projet de loi sur les médias en Uruguay est perçu comme une étape positive, et comme un modèle de législation pour la région.
Le 22 mai 2013, le gouvernement de l’Uruguay a présenté un projet de loi au parlement sur les services de communication audiovisuelle (Servicios de Comunicación audiovisuel ou le SCA, en espagnol). Cette loi, qui devrait ensuite être examinée par le Sénat d’ici la fin de l’année, propose une pléthore de nouvelles réglementations de la presse pour le pays. Centro de Archivos y Acceso a la Información Pública (CAinfo), basé à Montévidéo, et Reporters Sans Frontières (RSF), tous deux membres de l’IFEX, ont eux aussi examiné cette loi et, avec un optimisme prudent, sont d’avis que ce projet de loi est un pas dans le bon sens pour renforcer le paysage médiatique uruguayen.
La SCA a été comparée à des lois semblables en Argentine et en Équateur, mais les similitudes s’arrêtent avec les dispositions sur la concentration des médias et la restriction des programmes pour protéger les mineurs. Il existe dans ces deux pays une tension palpable entre le gouvernement et les médias.
Le classement mondial de la liberté de la presse 2013, établi par RSF, classe l’Uruguay en 27e positions sur 179, soit l’un des pays d’Amérique latine les mieux classés. L’Argentine est en 54e position et l’Équateur à la 119e. Le classement de la liberté de la presse 2013, établi par Freedom House, range l’Uruguay dans la catégorie des pays « libres », l’Argentine dans celle des pays « partiellement libres » et l’Équateur dans les pays « sans liberté » de la presse.
En Argentine, un climat de polarisation entre les médias et certains organes de distribution privés anime tous les débats. La décision du gouvernement de privatiser la distribution de la presse écrite, par exemple, est perçue comme une attaque contre les médias privés. Edison Lanza, directeur de CAinfo, a déclaré dans une entrevue accordée à RSF que le calendrier proposé pour la mise en œuvre de la loi en Uruguay s’étalerait sur cinq ans, ce qui donnerait le temps nécessaire aux médias de s’adapter aux nouvelles réglementations. En comparaison, les entreprises de distribution de l’Argentine n’ont eu qu’une seule année pour se conformer à la loi. L’échéance concernant la réduction de la concentration des médias a forcé certains distributeurs comme le Groupe Clarín en Argentine à se départir en toute urgence de ses parts dans plusieurs entreprises avant qu’elles ne soient bradées par le gouvernement.
La nouvelle loi en Uruguay concernant les restrictions d’horaire sur les programmes voudrait allonger d’une demi-heure, c’est-à-dire de 6 h à 22 h, la plage horaire dont le contenu doit convenir à toutes les audiences. Une décision récente en Équateur pour inclure des représentants du Conseil sur les enfants et les adolescents sur le nouveau Conseil pour la réglementation et le développement de l’information et de la communication laisse présager des préoccupations semblables pour les enfants en Équateur. La législation uruguayenne, à l’instar de celle en Équateur, ne prévoit pas de conseil de supervision gouvernemental.
Selon le Knight Centre, une troisième disposition importante de la SCA concernerait le pourcentage minimum de temps d’antenne consacré aux émissions produites dans le pays, qui se chiffrerait à 60 % pour la télévision et 30 % pour la radio. Cette disposition est identique à celle du Canada, où le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes garantit 60 % de contenu canadien sur les stations de radiodiffusion.
Cette loi se distingue également des autres lois en Amérique latine par son souci de transparence en matière d’octroi des licences. Le système actuel, dans lequel les licences peuvent être révoquées sans discernement, sera remplacé, selon une déclaration du président José Mujica, par un système de licences à durée limitée et renouvelables. Le processus d’appel d’offres pour les licences se veut transparent et intégrera une consultation publique, rapporte RSF.
D’ailleurs, le processus de consultation publique fut un élément important et positif dans l’élaboration du projet de la SCA. Les organisations de la société civile déplorent souvent le manque de transparence et de consultation lorsque de nouvelles lois sur les médias sont votées. Un processus opaque peut générer des lois qui donnent au gouvernement un trop grand contrôle sur les médias ou qui comprennent des termes imprécis et ouverts à l’interprétation, souvent au détriment des médias.
Bien sûr, ce projet de loi est également critiqué, notamment parce qu’il ne précise pas que cette nouvelle réglementation sur la concentration des médias devrait s’appliquer au secteur public tout comme au secteur privé, que les articles relatifs à l’autorégulation des médias portent à confusion et que des garanties pour la liberté d’expression devraient également s’appliquer au contenu en ligne. Toutefois, la consultation publique a toujours le potentiel de pouvoir améliorer ce projet de loi.
Bien que certaines dispositions de la SCA uruguayenne peuvent être critiquées et comparées à celles des pays voisins, ce projet de loi n’est aucunement comparable à la Loi sur les Communications de l’Équateur, qui est souvent appelé la « ley mordaza » (loi du bâillon). M. Lanza ne pense pas que cette expression sera utilisée pour la SCA de l’Uruguay.
Contrairement à l’Argentine, où la loi sur les communications est mise en œuvre dans un climat de polarisation extrême entre les médias et le parti au pouvoir; à l’Équateur, où la loi sur les communications a été adoptée par un président qui « a utilisé pratiquement tous les conseils du guide antipresse pour intimider et faire taire ses adversaires dans les médias », le climat actuel en Uruguay est plus propice à un dialogue constructif et inclusif sur le rôle des médias dans le pays.
Les espoirs sont grands pour l’Uruguay où, comme le dit RSF, la loi « représente à tous égards un bon modèle de régulation pour d’autres pays du continent, où la liberté de l’information pâtit de criants déséquilibres ».