Ananta Bijoy Das est le troisième blogueur assassiné au Bangladesh en trois mois. Tous critiquaient le fondamentalisme et promouvaient la liberté de pensée et d'expression.
Le meurtre du blogueur bangladais Ananta Bijoy Das a déclenché de vives réactions de la part de la société civile et a renforcé les inquiétudes existantes relatives à la liberté d’expression et à l’impunité dans le pays. Il s’agit du troisième meurtre d’un blogueur laïque en trois mois. Washiqur Rahman a été tué à coups de machette en mars, alors qu’en février des assaillants ont tué Avjit Roy et gravement blessé sa femme alors qu’ils étaient en visite à Dhaka depuis les États-Unis. Tous critiquaient le fondamentalisme religieux. Tous défendaient la liberté d’expression et de pensée. Tous promouvaient la tolérance.
Le 12 mai 2015, Das était attaqué dans une rue animée à proximité de son domicile à Sylhet, dans le nord-est du Bangladesh. D’après la police, les assaillants masqués et armés de machettes ont attaqué le blogueur alors qu’il se rendait à son travail. Il a été emmené à l’hôpital et déclaré mort à son arrivée.
Das était un célèbre blogueur athée, qui contribuait régulièrement à Mukto-Mona(« Esprit libre »), un blog écrit par Avijit Roy. Il était aussi rédacteur du magazine scientifique Jukti (« Raison »). Dans ses textes, il critiquait le fondamentalisme religieux et les attaques contre les libres penseurs. En 2006, il avait gagné le Prix du Rationalisme de Mukto-Mona, pour son « intérêt profond et courageux dans la diffusion d’idées et de messages humanistes dans une zone non seulement reculée, mais qui ne compte pas plus d’une poignée de rationalistes. »
Ces collègues auteurs ont déclaré que Das était sur une liste de cibles établie par les mêmes combattants qui sont derrière l’assassinat en février dernier de Roy, citoyen américain. Il avait également reçu des menaces de mort. Asif Mohiuddin, un des amis du blogueur, s’est exprimé dans une interview : « Depuis deux mois, j’essayais d’aider Ananta Bijoy à sortir du pays. J’essayais de rassembler ses documents et de les soumettre auprès de quelques organisations pour le faire partir parce qu’il était menacé depuis longtemps. »
Alors que la nouvelle de son meurtre agite les médias sociaux, des centaines de manifestants sont descendus dans les rues pour exiger des actions de la part du gouvernement et demander que les assassins soient traduits en justice.
D’après Human Rights Watch, les meurtres de Das et des autres blogueurs arrivent en pleine impasse politique entre le parti au pouvoir, l’Awami League, et les principaux opposants : le parti national du Bangladesh et le Jamaat-e-Islami. Au cours des dernières années, le gouvernement a pris des mesures drastiques contre les opinions dissidentes et la société civile.
Les membres de l’IFEX font partie de ceux qui ont vivement condamné l’attaque. Nous partageons quelques déclarations ci-dessous.
FÉDÉRATION INTERNATIONALE DES JOURNALISTES (FIJ)
« Avec ce troisième meurtre en moins de trois mois, les attaques contre les blogueurs laïques au Bangladesh atteint actuellement des niveaux épidémiques. L’augmentation des agressions de la liberté d’expression et le déclin de la sécurité pour les travailleurs des médias est un sujet extrêmement préoccupant. Les blogueurs sont attaqués de toutes parts et l’inaction du gouvernement est une tendance inquiétante. L’échec du gouvernement pour mettre fin à ces attaques contribue à un sentiment d’impunité, » a déclaré [FR] IFJ Asia Pacific.
COMITÉ POUR LA PROTECTION DES JOURNALISTES (CPJ)
« Compte-tenu de la série de meurtres au Bangladesh, le Premier Ministre Sheikh Hasina doit prendre des mesures urgentes pour assurer la sécurité des blogueurs critiques de son gouvernement » a déclaré Sumi Galhotra, chercheur associé pour le programme CPJ Asie. « Les autorités peuvent montrer leur implication pour restreindre ces tendances violentes en trouvant les assassins de Ananta Bijoy Das et les amener devant la justice ».
PEN INTERNATIONAL
« Ce troisième et extrêmement brutal assassinat en à peine trois mois est horrifiant, » a déclaré Marian Botsford Fraser, président du comité international PEN pour les auteurs en prison. Il y a un schéma de violence grandissant contre les écrivains et les journalistes au Bangladesh, qui semblent pris pour cible uniquement pour l’expression pacifique de leurs points de vue. Les autorités doivent prendre des mesures urgentes pour amener les responsables devant la justice et s’assurer que d’autres citoyens potentiellement menacés soient protégés de manière adéquate.
INDEX ON CENSORSHIP
La PDG de Index, Jodie Ginsberg, a déclaré : « Nos condoléances à la famille d’Ananta Bijoy Das. Comme Avijit Roy et Washiqur Rahman, il a été pris pour cible simplement pour avoir exprimé ses propres croyances. Nous sommes consternés par ces meurtres et appelons le Bangladesh et la communauté internationale à faire plus pour protéger de tels auteurs. »
HUMAN RIGHTS WATCH
Ce schéma d’attaque vicieuse sur les auteurs laïques et athées ne réduit pas uniquement au silence les auteurs mais envoie également un message glaçant à tous ceux qui, au Bangladesh, embrassent des points de vue indépendants sur les questions religieuses » a déclaré Brad Adams, directeur de la section Asie. « Le gouvernement du Bangladesh doit agir rapidement pour traduire en justice les responsables de ces attaques brutales. Il doit être déclaré publiquement qu’attaquer la liberté de religion et d’expression ne sera plus toléré. »
FREEDOM HOUSE
« Freedom House condamne ce meurtrer : non seulement parce que sa vie lui a été prise, mais aussi parce que cette attaque ciblait la liberté d’expression » a déclaré Daniel Calingaert, Vice-président éxecutif. « Le gouvernement bangladais devrait s’assurer que les activistes et les journalistes sont libres d’exprimer leurs points de vue sans craindre des violences et amener devant la justice les responsables de ces attaques. »
REPORTERS SANS FRONTIÈRES
« Nous dénonçons le troisième meurtre barbare d’un blogueur au Bangladesh en l’espace de trois mois qui fait craindre de futures attaques envers les blogueurs laïques », a déclaré Lucie Morillon, directrice des programmes de Reporters Without Border. « Qu’attendent les autorités pour retrouver et punir les coupables ? La liberté de l’information et de pensée semblent en proie à un danger grandissant. Il est primordial de protéger toutes les plumes libres du pays et de ne pas céder face à l’impunité ».
Agissez
Exige que le Premier Ministre Sheikh Hasina protège immédiatement les auteurs menacés au Bangladesh.
Ajoutez votre voix.