Depuis sa création par RSF en 2015, l'opération Collateral Freedom a permis à une trentaine de médias censurés dans leur pays d'être débloqués, et ce grâce à la technique dite du "mirroring".
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 11 mars 2019.
A l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre la cyber-censure le 12 mars, Reporters sans frontières (RSF) remet en ligne 22 sites de médias censurés dans leur pays. Une opération lancée en 2015 et qui a déjà permis à des millions de citoyens d’accéder à une information libre et indépendante.
Depuis sa création par Reporters sans frontières (RSF) en 2015, l’opération Collateral Freedom a permis à une trentaine de médias censurés dans leur pays d’être débloqués, et ce grâce à la technique dite du « mirroring ». Au total, 142 millions de visites ont été générées grâce à cette opération, sur des sites initialement censurés par les autorités. Pour cette cinquième édition, RSF débloque 22 sites au total, et ce dans 12 régimes dans lesquels la presse n’est pas libre (Chine, Arabie saoudite, Iran, Vietnam…).
« Témoigner des atteintes aux droits humains en Arabie Saoudite »
#CollateralFreedom permet d’aider à informer les citoyens dans des pays où la presse est complètement muselée. En Arabie saoudite, à la 169e place du Classement mondial de la liberté de la presse, le site d’ALQST (Advocating for Human Rights – le plaidoyer pour les droits humains) relaie des informations récoltées dans le pays pour les diffuser à travers le monde. « Nous faisons face à d’immenses difficultés, raconte à RSF le dirigeant du site, Yahya Assiri, depuis Londres où il vit en exil. Les tentatives des autorités saoudiennes de nous faire taire sont systématiques. Et parmi ces techniques ; le blocage de notre site. »
Le journaliste, comme d’autres dissidents saoudiens, a notamment été visé par des tentatives de hacking de son téléphone, pour le surveiller. « Nous essayons de contourner la censure en diffusant nos informations sur d’autres plateformes, mais l’idéal, pour témoigner sur la situation des droits humains en Arabie saoudite, c’est ce système de site miroir, qui nous permettra d’accroître notre audience plus facilement. »
« Informer les Pakistanais qui ont soif de vérité »
Parmi les nouveaux médias débloqués, Safenewsrooms.org, fondé par le journaliste pakistanais en exil à Paris Taha Siddiqui, Prix Albert Londres 2014. Au Pakistan – 139e sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse – plusieurs attaques mortelles sont enregistrées chaque année contre les journalistes. Quelques semaines après son lancement en mai 2018, le site, qui documente justement la censure des médias en Asie, et particulièrement au Pakistan, a été lui-même censuré. « Notre site permet aux internautes d’accéder à une information honnête et indépendante, que l’Etat ne veut pas qu’ils lisent. Il a été bloqué sans raison, témoigne Taha Siddiqui. Grâce à cette opération, nous pourrons de nouveau informer les Pakistanais qui ont soif de vérité. Et nous voyons qu’ils sont nombreux, comme en attestent les chiffres d’audience atteints jusqu’au blocage du site. »
En Chine, où plus de 50 journalistes et blogueurs sont derrière les barreaux, le China Digital Times, qui diffuse des informations non censurées sur le pays, a également été remis en ligne grâce à l’opération Collateral Freedom. Le média est soutenu par le laboratoire « contre-pouvoir » de l’École d’information de l’Université Berkeley en Californie.
« Collateral Freedom est notamment mise en oeuvre grâce à une communauté de développeurs engagés pour la liberté de la presse. Cette chaîne de la solidarité entre hackers éthiques et défenseurs des droits humains aide RSF à remettre en ligne des médias indépendants dans des pays qui sont de véritables trous noirs de l’information. Et prouve que la solidarité est la meilleure réponse face à la censure en ligne », souligne Elodie Vialle, responsable du Bureau Journalisme & Technologie de RSF.
Pour débloquer ces trois sites, ainsi que 19 autres, RSF utilise en effet la technique dite du miroir, qui consiste à remettre en ligne une copie conforme du site, synchronisée en temps réel, et hébergée sur de grands services informatiques tels que Fastly, Amazon ou OVH. Pour les autorités des pays concernés, bloquer l’accès à ces sites miroirs est très difficile, car il faudrait pour cela couper la connexion à l’ensemble des services des géants du web sur leur territoire. Une telle entreprise générerait des dommages collatéraux importants pour ces régimes ennemis d’Internet, et c’est ce que leur rappelle RSF à travers l’opération Collateral Freedom.
#CollateralFreedom génère un coût d’hébergement des sites conséquent. Aidez-nous à maintenir cette opération, en permettant à des millions de citoyens privés d’une information libre de continuer à y accéder.