Alors que les relations diplomatiques entre Cuba et les États-Unis reprennent après 53 ans, l’espoir est grand de voir les restrictions être allégées contre les courageux auteurs et journalistes, comme la bloggeuse indépendante Yoani Sánchez.
Après avoir été accusée de cyber-terrorisme à la télévision nationale en 2010, Yoani Sánchez a répondu en déclarant à ses amis : Si vous êtes insulté par les médiocres ou les opportunistes, si vous êtes calomnié par les employés d'une machinerie puissante mais mourante, prenez-le comme un compliment.
Pendant plus d’un demi-siècle, les Cubains qui osaient s’exprimer se retrouvaient emprisonnés, attaqués, harcelés dans la rue et dans les médias et bien trop souvent forcés à l’exil. Alors que les relations diplomatiques entre Cuba et les États-Unis reprirent après 53 ans, l’espoir était grand de voir les restrictions contre courageux écrivains et journalistes, qui ont continué à exprimer leurs opinions, auraient pu allégées. Yoani Sánchez, la bloggeuse indépendante la plus célèbre de Cuba en fait partie.
Diplômée en philologie, Sánchez crée en 2004 le magazine Consenso, un forum de réflexion et débats. Trois ans plus tard, en 2007, elle commence son propre blog, Generación Y. Son public croît rapidement et atteint plus d’un million d’abonnés, dont parmi eux des responsables politiques internationaux. Le Président Obama décrit ses textes comme « fournissant au monde une fenêtre unique sur les réalités de la vie quotidienne à Cuba ». Sans surprise, en moins d’un an, le blog est bloqué par les autorités et n’est accessible que depuis l’étranger.
En 2014 Sánchez lance le site internet d’information 14ymedio qui fournit des informations libres de toute propagande. Dans une interview avec Forbes en 2014, elle explique les défis quotidiens auxquels elle fait face pour maintenir le site : son équipe est harcelée, parce que le site est bloqué, les lecteurs cubains doivent y accéder via des proxys ou à l’aide de versions hors-ligne distribuées sur clef USB ou imprimées. Même sans la censure, la faible connectivité internet sur l’île en général est déjà une difficulté.
Depuis qu’elle a commencé à bloguer, Sánchez a été mise sous surveillance, arrêtée, harcelée et accusée d’être contre-révolutionnaire et cyber-terroriste. En 2009, elle explique qu’elle et un autre blogueur, revenant d’une manifestation pacifiste, ont été embarqués de force dans un véhicule anonyme où des hommes les ont battus avant de les relâcher sur le bord de la route. Lorsqu’ils ont appelé à l’aide auprès des piétons, ils ont déclaré que leurs ravisseurs avaient répondu en criant de ne pas y prêter attention et en qualifiant les blogueurs de contre-révolutionnaires.
En 2012 Yoani Sánchez passe 30 heures en prison alors qu’elle essayait de relater le procès d’un activiste espagnol accusé de la mort d’un célèbre dissident tué dans un accident de voiture. Au cours de son arrestation, elle perd une dent. Le jour de sa libération, dans un tweet provocateur elle déclare : « Un petit peu de vanité féminine : ne vous rappelez pas de moi avec une dent en moins, rappelez-vous de moi libre et volant sur le petit oiseau bleu de Twitter, entière !! »
Comme de nombreux autres dissidents cubains, Sánchez a eu de grosses difficultés à obtenir une autorisation de quitter le territoire : sa demande de visa lui a été refusée plus de 20 fois en cinq ans. Mais en 2013, elle reçoit l’autorisation de partir pour un voyage de 80 jours en Europe, Amérique Latine et aux États-Unis pour participer à des conférences et des évènements. Mais même à l’étranger, des manifestants pro-Castro la harcèlent. Au Brésil, sa présentation doit être annulée lorsque des manifestants interrompent l’évènement, la dénonçant comme agent de la CIA et accusant son blog Generación Y de diffuser de la propagande anti-Cuba. Elle subit des protestations similaires à New York et en d’autres occasions au cours de son voyage.
Son travail est internationalement reconnu. Elle fait partie de la liste de Time Magazine des 100 personnes les plus influentes en 2008. Son blog est parmi les 25 meilleurs blogs de 2009. Parmi les autres prix reçus, elle est nommée en 2010 Héroïne de la liberté de la presse par l’International Press Institute.
Malgré la censure et le blocage de ses sites, Yoani Sánchez continue d’écrire et publier des articles sur 14ymedia et Generación Y, dont beaucoup sont repris par le Huffington Post.
Avec son engagement constant pour un plus grand respect des droits et libertés à Cuba, Yoani a dirigé un mouvement qui comprend plusieurs sources de nouveaux médias qui défient la censure du régime.
Yoani a continué à signaler cela, malgré la soi-disant « ouverture » du gouvernement cubain et son rapprochement avec les États-Unis, il n’y a vraiment eu des changements significatifs.
En 2015, Sánchez a remporté le prix ICFJ Knight International Journalism. Elle est l’auteure de Havana Real: One Woman Fights to Tell the Truth About Cuba Today. (La Havane réelle: Une femme se bat pour dire la vérité sur Cuba aujourd’hui).
Plus récemment, en 2021, elle a écrit sur les protestations croissantes dans le pays, le mouvement San Isidro et les tentatives infructueuses des autorités cubaines pour contrôler Internet.
Illustration de Florian Nicolle