Dr Agnès Callamard est une fervente défenseure des droits humains en général et du droit à la liberté d'expression et d'information en particulier. Ancienne membre du Conseil de l'IFEX, Callamard a plaidé pour un changement positif au travers de son travail au sein de la société civile, à l'université et aux Nations Unies. Elle est Secretaire générale d’Amnesty International.
La censure tue. Elle affame et réduit au silence. Elle refuse aux gens l'accès à l'information essentielle à leur vie.
Dans sa vie professionnelle, Agnès Callamard a été en première ligne d’un large éventail des préoccupations en matière des droits humains, apportant des contributions significatives dans la recherche universitaire, dans la société civile et aux Nations Unies.
En 2003, elle a fondé le Humanitarian Accountability Partnership (Le Partenariat pour la responsabilité des humanitaires, qui fait maintenant partie de Core Humanitarian Standard Alliance), le premier organisme d’autorégulation des organisations humanitaires. Elle a été coordonnatrice des politiques de recherche pour Amnesty International et a travaillé au Centre for Refugee Studies de Toronto.
De 2004 à 2013, Callamard a été directrice générale d’ARTICLE 19, une organisation basée au Royaume Uni dédiée à la défense et à la promotion de la liberté d’expression et d’information. Sous sa direction, l’organisation a connu une croissance significative, tant du point de vue de sa couverture géographique que de son influence.
Alors qu’elle était avec ARTICLE 19, Callamard a servi pendant deux mandats comme membre du Conseil de l’IFEX, le réseau mondial des organisations de défense et de promotion de la liberté d’expression.
Callamard est titulaire d’un doctorat en sciences politiques de la New School for Social Research basée à New York. Elle a publié des articles sur la relation entre la liberté d’expression et la responsabilité, la transparence, la discrimination et l’intolérance, ainsi que d’autres axés plus largement sur les droits humains, les droits des femmes et les mouvements de réfugiés.
Elle était directrice de Global Freedom of Expression à l’Université de Columbia, un programme lancé en 2014 par le président de l’université, Lee Bollinger, pour enquêter, documenter et renforcer la liberté d’expression. Sa base de données mondiale de jurisprudence sur la liberté d’expression et l’accès à l’information, appuyée par un réseau d’experts internationaux, est rapidement devenue une ressource essentielle. En 2016, cette base a été élargie avec des données espagnoles. Le membre de l’IFEX, la FLIP (Fundación para la Libertad de Prensa) et l’Externado University (Colombie), ont contribué à l’analyse de cas de certaines des plus importantes jurisprudences d’Amérique Latine sur la liberté d’expression.
Le 1er août 2016, Callamard a été nommé Rapporteur spécial des Nations Unies sur les exécutions sommaires, avec pour mandat « d’examiner les situations d’exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires en toutes circonstances et pour quelque raison que ce soit ». Dans ce rôle, elle a effectué des visites sur terrain dans des pays, a transmis des appels urgents aux gouvernements pour le compte des personnes à risque et a produit des rapports à l’intention du Conseil des droits de l’homme et de l’Assemblée générale des Nations Unies.
En tant qu’expert indépendant sur les exécutions extrajudiciaires pour l’ONU, Callamard est intervenue dans certains des cas de meurtre les plus médiatisés au monde.
En 2017, dans une déclaration conjointe avec trois autres rapporteurs spéciaux des Nations Unies, elle a été l’une des premiers officiels des Nations Unies à réclamer une enquête indépendante sur le meurtre de la journaliste maltaise Daphne Caruana Galizia.
En 2019, elle a publié les résultats d’une enquête de six mois sur le meurtre en 2018 du journaliste saoudien Jamal Kashoggi au consulat de l’Arabie Saoudite à Istanbul, en Turquie. Citant de nombreuses violations du droit international, Callamard a écrit que «[le] meurtre était le résultat d’une planification élaborée impliquant une coordination étendue et d’importantes ressources humaines et financières. Il a été supervisé, planifié et approuvé par des responsables de haut niveau. C’était prémédité. » Elle a ajouté qu’il existait « des preuves crédibles… de la responsabilité individuelle des hauts fonctionnaires saoudiens, y compris celle du prince héritier » (Mohammad bin Salman). Callamard a appelé le Conseil des droits de l’homme, le Conseil de sécurité ou le Secrétaire général de l’ONU à mener une enquête criminelle internationale.
En janvier 2020, Callamard et David Kaye, le rapporteur spécial des Nations unies sur la liberté d’expression, ont exprimé publiquement leurs inquiétudes concernant les allégations d’une possible implication du prince héritier d’Arabie Saoudite dans la surveillance (via des logiciels espions numériques) de Jeffery Bezos, PDG d’Amazon et propriétaire du Washington Post (le journal pour lequel Jamal Kashoggi travaillait). Ils ont dit:
« Les allégations renforcent d’autres informations signalant un schéma de surveillance ciblée des opposants présumés et de ceux qui revêtent une importance stratégique plus large pour les autorités saoudiennes, y compris des nationaux et des non-nationaux. Ces allégations sont également pertinentes pour l’évaluation continue des suppositions concernant l’implication du prince héritier dans le meurtre, en 2018, du journaliste saoudien du Washington Post, Jamal Khashoggi … Le prétendu piratage du téléphone de M. Bezos et d’autres personnes, exige une enquête immédiate de la part des Etats-Unis et d’autres autorités compétentes ».
Le travail de Callamard a fait la une des journaux internationaux, mais il a également fait d’elle l’objet de diverses menaces et intimidations. En 2017, le président philippin Duterte a menacé de la gifler si elle enquêtait sur lui pour des exécutions extrajudiciaires présumées; il avait déjà fait une menace similaire lorsqu’elle avait critiqué sa violente campagne de « guerre contre la drogue » (qui avait fait des milliers de morts).
En 2021, Callamard est retournée à Amnesty International, cette fois pour prendre la tête de l’organisation en tant que Secrétaire générale.
Illustration de Florian Nicolle