Écoutez la musique que font les musiciens du Mali contre la censure musicale des extrémistes religieux.
La musique est l’une des exportations les plus importantes du Mali. Elle a pénétré tous les genres, depuis le blues jusqu’au rock indie, tandis que des musiciens comme Toumani Diabaté et le regretté Ali Farka Touré sont devenus en Occident des vedettes que tout le monde connaît. Mais le patrimoine musical légendaire du Mali a subi un coup terrible l’an dernier, après que des militants liés à al-Qaida se furent emparés du nord du pays et eurent interdit toute la musique populaire.
Un groupe composé de 40 des artistes les plus populaires du Mali – dont Diabaté, Habib Koité et Bassekou Kouyate – s’est réuni récemment pour enregistrer une chanson appelant à la paix dans le pays devant l’insurrection islamique. Lancée le 19 janvier, la chanson « Mali-ko » (Paix), visait à donner une voix aux musiciens réduits au silence.
Fatoumata Diawara, qui en a eu l’idée, chante « Que se passe-t-il au Mali ? Voulons-nous vraiment nous entretuer ? Voulons-nous vraiment nous trahir les uns les autres ? Nous permettre d’être divisés ? »
Auditionnez « Mali-ko » ici :
Ces dernières semaines, depuis que les armées française et africaines ont commencé à entrer dans la partie nord et à reprendre les villes clés, on entend de nouveau de la musique dans les rues du Mali.
D’après les dépêches, cependant, bien des gens craignent que le retour à la normale sera de courte durée. Le Mali vit sous l’état d’urgence depuis le 12 janvier, soit depuis le lendemain de l’arrivée des troupes françaises. En vertu d’un décret gouvernemental, les rassemblements publics, y compris les concerts publics, sont interdits. Quelques individus déterminés ont bravé l’état d’urgence et les barrages de sécurité pour profiter des boîtes de nuit de Bamako, mais la crise continue de frapper la scène musicale.
Au moins Diawara garde confiance. « Nous devons exister – voilà pourquoi j’ai fait cet album », a-t-elle dit à Channel 4 News, basée au Royaume-Uni. « Nous devons préserver notre histoire, notre culture; nous ne pouvons pas tout laisser tomber aussi vite. »
À peu près à ce temps-ci de l’année, le Mali accueillerait normalement le légendaire Festival au désert, en plein Sahara, près de Tombouctou. Le festival a été annulé cette année en raison de l’insécurité qui règne dans la région, et se tiendra plutôt cet automne au Burkina Faso voisin. En dépit de la crise, les musiciens s’apprêtent déjà à accueillir de nouveau le festival à quelque distance de Tombouctou en 2014.
Comme l’a déclaré au Guardian Manny Ansar, le directeur du festival, « la musique est importante comme événement quotidien. Ce n’est pas juste une business. C’est à travers notre musique que nous connaissons l’histoire et notre propre identité. Nos aînés nous ont donné des enseignements par la musique. C’est par la musique que nous déclarons notre amour et que nous nous marions – et que nous critiquons et commentons les gens autour de nous. »
Un nouveau CD qui présente de la musique enregistrée lors du festival de l’année dernière sort le 19 mars, sous l’étiquette Clermont Music. Vous pouvez écouter deux plages du CD ici :
« Adibar », de Ali Farka Touré All Stars, met en vedette Mamadou Kelly
« Démocratie », de Tartit
À l’occasion de la Journée de la liberté de la musique (3 mars), cette année, Freemuse, une organisation qui se consacre à la liberté d’expression musicale, braque les projecteurs sur les musiciens du Mali et honore le Festival au désert de sa récompense annuelle, le prix Freemuse.
Cliquer ici pour lire un extrait abrégé et condensé tiré de son rapport exhaustif, Music, Culture and Conflict in Mali, qui porte sur ce à quoi ressemblait la scène musicale dans le nord du pays sous la sharia, et sur la façon dont la capitale, Bamako, était touchée.