"La détention de Shawkan était déjà inacceptable, déclare RSF. "Le simple fait d'avoir fait son travail de photographe n'aurait jamais dû lui faire passer ne serait-ce qu’un seul jour en prison."
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 15 novembre 2018.
Ce 14 novembre 2018, cela fait trois mois que le photojournaliste égyptien Shawkan aurait dû être libéré. Selon le parquet, sa détention va même être prolongée jusqu’à la mi-février 2019. Reporters sans frontières demande aux autorités égyptiennes de le libérer immédiatement.
Cela fait maintenant trois mois que le photojournaliste égyptien Mahmoud Abou Zeid, plus connu sous le nom de Shawkan, aurait dû recouvrer la liberté. Arrêté le 14 août 2013, alors qu’il s’apprêtait à couvrir la sanglante dispersion d’un sit-in en soutien aux Frères musulmans déchus, finalement condamné à 5 ans de prison après avoir été arbitrairement détenu pendant le même nombre d’années, Shawkan est censé être libre depuis le 14 août 2018. Pourtant, il continue d’être maintenu derrière les barreaux.
En Egypte, il est fréquent d’observer un délai de plusieurs jours, voire de quelques semaines, entre la décision de libération d’un prisonnier et sa libération effective. Mais ce délai s’éternise pour Shawkan, car d’après son avocat, le photoreporter n’a toujours pas été en mesure de payer les frais de justice ou une éventuelle amende dont il doit s’acquitter avant d’être libéré. Le non paiement de ces frais permet normalement de prolonger la détention de trois mois après la date de la fin de la peine. Cependant, la raison pour laquelle Shawkan n’a pas été en mesure de régler cette somme s’avère kafkaïenne : jugé dans un procès de masse, Shawkan est apparemment victime d’un encombrement judiciaire; l’administration n’a toujours traité son dossier et ne lui a toujours pas signifié ce qu’il devait à la justice. Le photographe ne peut pas régler quoi que ce soit, vu qu’il n’a toujours pas été informé de la somme dûe…. Et selon l’avocat de Shawkan, le parquet a décidé d’infliger à Shawkan un prolongement de détention de 6 mois, ce qui ne lui permettrait de sortir de prison que mi-février 2019.
« La détention de Shawkan était déjà inacceptable, déclare Sophie Anmuth, responsable du bureau Moyen-Orient à Reporters sans frontières (RSF). Le simple fait d’avoir fait son travail de photographe n’aurait jamais dû lui faire passer ne serait-ce qu’un seul jour en prison. La prolongation de sa détention pour des raisons administratives injustes est encore plus incompréhensible et son maintien en prison est contraire à tous les principes du droit. Shawkan doit être libéré immédiatement. »
Une fois sorti de prison, Shawkan ne sera pas pour autant totalement libre : en liberté conditionnelle pendant cinq ans, il pourrait devoir passer ses nuits au commissariat – à moins de parvenir à faire casser ce jugement en appel.
L’Egypte occupe la 161e place sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse 2018 établi par RSF. Le journalisme indépendant y est moribond. Au moins 38 journalistes professionnels ou non y sont actuellement privés de liberté pour leur travail d’information.