Dareen Tatour était largement inconnue avant son arrestation, le 11 octobre 2015, peu avant l'aube. Après avoir affiché un poème sur YouTube quelques jours auparavant, elle risque présentement jusqu'à huit ans d'emprisonnement dans une prison israélienne pour incitation à la violence. Plus de 300 célèbres écrivains, poètes, traducteurs, éditeurs, artistes, et intellectuels publics ont, depuis, exigé sa libération. Le 23 Juin 2018, sa peine était de nouveau élargie. Elle est supposée recevoir une peine le 31 juillet 2018.
Dans un article publié sur The Electronic Intifada, Dareen Tatour a été citée disant: On m'a envoyée en prison pour avoir écrit un poème. Mais la poésie est devenue la clé de ma porte vers la liberté et je vais m'accrocher à celle-ci jusqu'à la fin.
Dareen Tatour était une poétesse largement inconnue avant son arrestation, le 11 octobre 2015, peu avant l’aube. Cette citoyenne israélienne, d’origine palestinienne, âgée de 33 ans faisait de la poésie depuis son jeune âge, dans un anonymat relatif. Jusqu’à son arrestation, elle a mené une vie tranquille avec ses parents dans le village de Reineh à Nazareth.
Il y a quelques années, Tatour a commencé à afficher en ligne sa poésie sur son blog, sur YouTube et sur Facebook. Elle a posté des images des palestiniens victimes de la violence israélienne, ainsi que des images de protestations et du vécu quotidien sous l’occupation. Ces images étaient accompagnées, en fond sonore, de la voix de Tatour déclamant sa poésie.
Les écrits de Tatour tournent autour des thèmes tels que la perte d’un être cher, la résistance, l’amour et la souffrance nationale. Avant ses ennuis avec la justice israélienne, à en croire Tatour elle-même, ses messages et vidéos n’arrivaient pas à obtenir plus de 20 à 30 vues (j’aime) chacun. « Je ne savais pas que l’écriture pouvait changer quoi que ce soit. J’étais entrain d’écrire juste pour m’exprimer », a-t-elle dit à Mondoweiss.
En octobre 2015, alors que la violence dans les territoires palestiniens occupés et dans Israël a couté la vie à 199 Palestiniens et 28 Israéliens, Tatour a découvert qu’elle n’a pas besoin d’être une grande figure du monde littéraire pour provoquer la colère du gouvernement israélien. Ses mots comptaient beaucoup, peu importe comment ils étaient sciemment mal traduits et mal interprétés devant la cour.
Comme Tatour a vécu des exécutions extrajudiciaires de jeunes palestiniens dans son entourage, elle s’est reportée sur les médias sociaux pour exprimer son indignation et sa douleur. Elle a posté un poème sur YouTube intitulé « Résistez mon peuple, résister-leur ». Ce poème, qui, au moment de son arrestation, n’avait que 113 vues, deviendra plus tard l’argument principal de l’affaire contre elle.
Selon Adalah-NY, une organisation basée à New York qui milite pour le Boycott, le Désinvestissement et les Sanctions (BDS) contre Israël, au cours de la dernière année et surtout depuis le mois d’octobre 2015, les forces de sécurité israéliennes ont arrêté plus de 400 Palestiniens à cause de leurs activités sur des médias sociaux. Tatour est l’une d’entre eux.
Après son arrestation peu avant l’aube, menée sans mandat de recherche ni d’arrêt, la poétesse a passé les trois premiers mois de détention allant d’une prison à une autre. Elle-même et sa famille n’ont pris connaissance des charges portées contre elle qu’au bout de 20 jours d’emprisonnement. Elle était détenue pour « incitation à la violence » à cause de deux messages postés sur Facebook et d’une vidéo sur YouTube comme indiqué plus haut.
Le 14 janvier 2017, Tatour a été libérée et placée en résidence surveillée en attendant son procès, qui a débuté en mars.
En résidence surveillée, il est interdit à Tatour d’accéder à Internet et elle doit porter un bracelet électronique à la cheville. Jusqu’en mai 2017, lorsque les conditions de sa résidence surveillée étaient allégées, elle devait rester à l’intérieur en tout temps. Elle peut maintenant quitter sa maison entre 9 h et 19 h, pourvu qu’elle soit accompagnée de « gardiens » bénévoles, des amis et proches approuvés par le tribunal.
Au lieu de l’autoriser de passer son assignation à résidence à la maison de ses parents à Reineh, sa famille a dû louer un appartement loin de leur village et près de la capitale Tel Aviv. Son frère et sa belle-sœur ont dû quitter leurs emplois et leur maison à Reineh et s’installer avec elle afin d’être ses gardes bénévoles.
Le 17 juillet 2016, lors de l’audience finale de l’affaire, il a été convenu que Tatour serait autorisée à purger sa résidence surveillée à Reineh avec sa famille, où elle reste.
Alors que l’arrestation et le procès de Tatour ont été des expériences émotionnellement éprouvantes pour elle-même et sa famille, ils l’ont, tout de même, poussée au devant de la scène internationale. Plus de 300 écrivains, poètes, traducteurs, éditeurs, artistes, et intellectuels publics de renom – d’Alice Walker et Richard Falk à Naomi Klein et Jacqueline Woodson – s’étaient unis pour demander la libération immédiate de Tatour. PEN International avait également pris sur elle le cas de Tatour.
Selon Mondoweiss, au lieu d’être réduite au silence par son conflit avec le gouvernement israélien, Tatour a consacré les longues heures de résidence surveillée à la rédaction d’un nouveau recueil de poèmes qui tourne autour de ces expériences.
Le plaidoyer de la défense dans le procès de Tatour a commencé le 6 septembre. Elle devait témoigner devant le tribunal ce jour-là, mais son témoignage a été reporté au 9 novembre, quand elle a témoigné et a admis d’avoir publié le poème. Le procès s’est depuis concentré sur des problèmes avec la traduction policière du poème en hébreu comparée aux traductions des experts.
En juillet 2018, Tatour a été condamné à cinq mois de prison pour une prétendue « incitation au terrorisme », dont trois ont été réduits en raison de la peine déjà purgée. Elle a été libérée en septembre 2018.
L’écriture créative et l’activisme de Tatour ont été largement reconnus, notamment par le Prix du livre palestinien 2023, le Prix danois Carl Scharenberg et le prix OXFAM Novib/PEN 2019 pour la liberté d’expression.
Illustration de Florian Nicolle