En septembre 2019, le célèbre défenseur des droits humains avait épuisé toutes les voies légales pour garantir sa liberté, mais son esprit persistant continue de supporter les conditions difficiles de la Jaw prison à Bahreïn.
Dans une interview avec Frontline Defenders dans laquelle il a parlé de ses expériences en prison, Nabeel Rajab a dit: J'ai un combat à poursuivre et une lutte à mener pour mon peuple. La prison ne m'a pas vaincu, j'ai vaincu la prison.
C’est en partie grâce à des leaders comme Nabeel Rajab et Abdulhadi Al-Khawaja que le soulèvement du Bahrain en 2011 est connu aujourd’hui comme l’un de très rares mouvements pro-démocratie au Moyen-Orient et en Afrique du Nord à s’en tenir constamment aux idéaux de la résistance non-violente.
En dépit de la volonté affichée du régime de Bahrain de réprimer toute critique de ses politiques par tous les moyens, les manifestants – sous la direction et le leadership de quelques personnalités de l’opposition – continuent de réclamer paisiblement mais fermement des réformes démocratiques.
Rajab, un entrepreneur en construction et une figure de proue dans ce domaine, a fait de la lutte pour les droits humains et l’égalité son affaire depuis les années 1990, lorsque la première vague de protestations de masse a réuni les gauchistes, les libéraux et les islamistes contre l’Etat injuste.
Contexte
En 2000, avec d’autres personnes impliquées dans des cercles des militants du Bahrain, Rajab a fondé la Société des droits humains du Bahrain, l’une des premières organisations des droits humains de cette nation insulaire. Depuis lors, il a contribué à fonder et à faire fonctionner deux groupes de la société civile bien respectés et indépendants : le Centre des droits humains du Bahrain et le Centre du Golfe pour les droits humains. Les deux groupes sont tous membres du réseau de IFEX.
Comme Twitter a gagné en popularité durant les soulèvements arabes de 2011, Rajab a transféré en ligne son activisme et son travail de défense des droits humains. Avec plus de 300 mille suiveurs sur les médias sociaux, les mots de Rajab en ligne avaient beaucoup de poids à Bahrain et à travers toute la région. Ils ont également été à la base de plusieurs de ses démêlés avec la loi.
En mai 2012, il a été accusé d ‘« outrage à un organe statutaire via Twitter » et a été détenu pendant trois semaines. Au début de juillet 2012, il a été accusé d’insulte au premier ministre dans un tweet et fut condamné à trois mois de prison. Le 16 août 2012, il a été condamné à trois ans de prison pour activités politiques illégales impliquant l’utilisation de sites de réseautage social. Il a été libéré le 24 mai 2014, après avoir purgé deux années pleines de prison.
Sa dernière confrontation avec la justice a eu lieu le 13 juin 2016. Il a été détenu pour avoir « répandu de fausses informations et des rumeurs » pour avoir tweeté et retweeté des déclarations qui critiquaient les actions des forces armées de Bahreïn au Yémen, où elles ont rejoint la coalition saoudienne dans sa lutte contre les rebelles Houthi.
Rajab a été gardé dans une cellule isolée jusqu’en décembre 2016, lorsqu’un juge a consenti à une demande de libération provisoire après que l’accusation n’a pas fourni de preuves suffisantes liant les tweets à son compte. Cependant, Rajab a été immédiatement arrêté de nouveau le même jour en raison des entretiens qu’il a accordés en 2015 et 2016, dans lesquels il avait commenté le mauvais bilan de Bahreïn en matière de droits humains.
En avril 2017, Rajab a subi une intervention chirurgicale pour retirer un ulcère de son dos. Après son retour dans sa cellule de la prison après l’opération, sa convalescence a fait l’objet de risques supplémentaires en raison des conditions pénitentiaires insalubres, ce qui l’a conduit à retourner à l’hôpital pour des soins médicaux d’urgence.
Le 10 juillet 2017, n’ayant pu assister à ses audiences pendant sa convalescence, Rajab a, par conséquent, été condamné par contumace à deux années de prison. Reconnu coupable de « diffusion délibérée de fausses informations et de rumeurs malveillantes dans le but de discréditer l’État », sa sentence a été condamnée à Bahreïn et dans le monde avec des protestations des gouvernements de l’UE, des États-Unis, de l’Allemagne et de la Norvège. Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a demandé la libération de Rajab dans une déclaration du 14 juillet, ajoutant que « Les défenseurs des droits humains à Bahreïn doivent être en mesure d’accomplir leur travail sans crainte de représailles et ne devraient pas être détenus ou poursuivis pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression. Critiquer le gouvernement ne devrait pas être un crime. »
En février 2018, pendant qu’il purgeait ses deux années de condamnation, Rajab a été condamné à cinq ans de prison pour des pots sur son compte Twitter en 2015, aussi pour avoir redistribuer des twittes sur des allégations de torture à la prison de Jaw au Bahreïn et les tueries des civils dans le conflit du Yémen par la coalition conduite par l’Arabie Saoudite. En prévision de son audience du 31 décembre dans son affaire, plus de 50 ONG avaient demandé sa liberté inconditionnelle. Malheureusement, la Cour de cassation du Bahreïn a confirmé sa peine de prison, une décision qu’IFEX a vigoureusement condamnée.
Le 17 septembre 2019, la demande de Rajab d’une peine non privative de liberté a été rejetée sans justification par la Haute Cour d’appel de Bahreïn. Ayant épuisé toutes les voies légales pour garantir sa liberté, la famille de Rajab a répondu à la décision du tribunal, en déclarant que « le rejet après rejet pour un homme qui est en prison pour un tweet est une manifestation de l’injustice que subie notre père ».
Alors que sur le plan international il est admiré et soutenu, à l’intérieur du Bahrain Rajab est considéré par certains comme un personnage public sectaire. Afin de rallier le soutien à sa répression brutale de l’opposition, le régime du Bahrain et les médias caisse de résonance de la ligne officielle ont lancé une campagne de dénigrement contre un grand nombre de leaders du mouvement dont Rajab. Ils ont abordé la question dans des termes sectaires et ont accusé l’opposition de travailler avec l’Iran pour imposer un régime chiite au Bahrain et à son peuple. Rajab a été accusé, à titre individuel, par beaucoup de personnes proches du gouvernement d’être un espion chiite décidés à détruire l’identité nationale du Bahrain.
Sachant bien avec quelle facilité il peut être discrédité sur des lignes sectaires, Rajab fait attention à ne pas utiliser le discours sectaire dans son travail. Il milite pour et est solidaire avec toutes les communautés sans exception qui souffrent de l’injustice. En 2003, Rajab a fondé l’un des premiers comités de protection des travailleurs migrants dans les pays du Conseil de coopération du Golfe (GCC). Il tire toujours la sonnette d’alarme sur la vulnérabilité exceptionnelle des travailleurs migrants et l’exploitation de leurs communautés par des entreprises et des représentants du gouvernement à travers le GCC.
Comme la situation à Bahreïn reste volatile, avec le gouvernement qui continue de faire condamner les voix discordantes pour leur expression pacifique et à appliquer les exécutions, Rajab continue de commenter les événements à Bahreïn et dans la région environnante via le compte Twitter @NABEELRAJAB
Illustration de Florian Nicolle