La journaliste Reeyot Alemu a écrit des articles qui dérangeaient la politique du gouvernement avant qu'elle ait été arrêtée et condamnée à quatorze ans de prison pour des accusations de « terrorisme ».
En juillet 2005, dans une interview avec CBS News, la journaliste Reeyot Alemu a réfléchi sur le travail qui lui a valu la prison : « Que puis-je faire? Juste garder le silence ou contribuer à quelque chose? Je choisis de contribuer à quelque chose et je suis prêt à payer le prix. Ceci est ma décision. »
Des lois anti-terroristes sont communément utilisées à mauvais escient par des régimes autoritaires pour, d’une part, faire taire les critiques et, de l’autre, pour échapper à la désapprobation internationale en tentant de légitimer leurs actions sous le couvert de la lutte contre le terrorisme. L’Ethiopie est l’un de ces pays où les journalistes ont été à tort étiquetés terroristes et ont passé des années en prison. Parmi eux se trouve Reeyot Alemu.
Arrêtée en juin 2011 à l’école secondaire où elle enseignait, Alemu a d’abord été prise pour interrogatoire au centre de détention de la police de Maekelawi à Addis-Abeba, tristement célèbre pour ses horribles conditions dont des rapports de prisonniers battus et suspendus aux plafonds. C’est là que la journaliste a été détenues jusqu’à sa condamnation à 14 ans de prison en janvier 2012 aux côtés de quatre autres, tous accusés de planification « d’actes terroristes », d’appartenance à une organisation terroriste et de « blanchiment d’argent ». Amnesty International les a adoptés comme prisonniers d’opinion condamnés en se fondant sur des preuves basée principalement sur les articles qu’ils avaient publiés et leurs commentaires sur les listes de distribution de courriels à propos des plans pour des manifestations pacifiques. Ceux-ci ne pouvaient pas être considérés comme preuves de lien avec le terrorisme. Human Rights Watch a admis, disant qu’il y avait des irrégularités sérieuses dans ce procès dont le fait que les cinq accusés n’étaient pas autorisés à rencontrer leurs avocats durant leurs trois mois de détention préventive et que le tribunal avait refusé d’entendre leurs plaintes de torture et de mauvais traitements.
Le Comité de Protection des Journalistes avait cité l’Ethiopie comme le quatrième pays le plus censuré dans le monde en 2014, et « le pire geôlier de journalistes en Afrique ». Sa législation anti-terroriste a été dénoncée par les Nations Unies qui ont publié une déclaration très ferme demandant le retrait de la loi anti-terroriste utilisée pour limiter la liberté d’expression. Alemu a écrit que le but de cette loi « est de permettre au régime actuel de gouverner confortablement sans aucune critique, ni opposition ou concurrence ».
Les preuves fragiles contre Alemu sont un parfait exemple de l’utilisation abusive de cette loi. En août 2012, une cour d’appel a abandonné les charges à son encontre relatives à l’argent reçu de l’étranger, en reconnaissant que cet argent représentait des paiements reçus par la journaliste pour des articles qu’elle avait écrits pour Ethiopian Review basée aux États-Unis et que les accusations de complot en vue d’organiser des attaques terroristes étaient sans fondement. Toutefois, cette cour d’appel a confirmé l’accusation selon laquelle les écrits de la journaliste auraient fait la promotion du terrorisme. La peine de Alemu a été réduite à cinq ans.
Il n’y avait pas de preuve démontrant que les écrits de Alemu faisaient l’apologie du terrorisme. Au lieu de cela, ses articles, publiés dans l’hebdomadaire Feteh (Justice) contestant les politiques gouvernementales, peuvent être la vraie raison pour laquelle elle a été ciblée. A titre d’exemple, quelques jours avant son arrestation, elle avait écrit sur le projet controversé du barrage d’Abay (Nile), se demandant comment il était financé. Dans les mois précédant son arrestation, elle a fait l’objet d’une campagne de harcèlement dans les médias pro-gouvernementaux et a même reçu des appels menaçants.
Alemu a été, contre toute attente, libérée en juillet 2015, ensemble avec plusieurs autres personnes détenues en vertu des lois anti-terroristes, quelques jours seulement avant la visite du président américain Barack Obama en Ethiopie. Pendant la plupart de ses quatre ans de prison, Alemu a été détenue à la tristement célèbre prison de Kality où il lui a été refusé des soins adéquats après l’ablation d’une tumeur au sein et le traitement essentiel pour ses autres problèmes de santé.
Lauréat du Prix 2013 UNESCO-Guillermo Cano pour la Liberté de la Presse dans le monde et du Prix 2012 du Courage en Journalisme décerné par la Fondation Internationale des Femmes de Medias, Alemu est diplômée en anglais qui a embrassé le journalisme en 2009 à côté de l’enseignement. Elle a écrit pour Awramba Times, puis pour Feteh. En 2010, elle a créé sa propre maison d’édition et un magazine mensuel dénommé Change. Ces deux entreprises ont fermé depuis.
Après sa libération, Alemu a déclaré à sur la Voix de l’Amérique : « Je suis sûr que je vais continuer à écrire parce que c’est mon travail, c’est aussi ma passion et aussi je veux servir mon pays. Je veux faire de l’Ethiopie un pays démocratique. Il y va de ma responsabilité en tant que citoyen et en tant que journaliste aussi ».
Illustration de Florian Nicolle