En mai 2000, Jineth Bedoya Lima a été enlevée et agressée sexuellement alors qu’elle enquêtait sur une affaire en Colombie. Des années plus tard, la justice ne fait que commencer.
Jineth Bedoya Lima est une journaliste d’investigation primée et une défenseure des droits des femmes victimes de violence en Colombie. Reconnue pour ses reportages sur les activités des paramilitaires colombiens, elle suivait un indice portant sur les allégations de ventes d’armes entre les paramilitaires et des fonctionnaires du gouvernement colombien dans une prison de sécurité maximale, le 25 mai 2000. Jineth a été enlevée de la prison, torturée et agressée sexuellement dans le seul but de faire passer un « message à la presse ».
Quinze ans plus tard, les deux premiers auteurs viennent à peine d’être condamnés pour ces actes, et le cas de Jineth est devenu synonyme de l’impunité qui sévit dans le système judiciaire en Colombie. Bien que plusieurs auteurs ont été identifiés et appréhendés, obtenir des condamnations a été un processus très lent, et le pouvoir judiciaire a commis plusieurs erreurs.
En l’absence de justice, la Fondation pour la liberté de la presse – FLIP, un membre de l’IFEX, a présenté une demande à la Commission interaméricaine des droits de l’homme (IACHR) en 2011. L’affaire a progressé à travers les Procédures de l’IACHR depuis lors et en janvier 2019, l’IACHR a approuvé son Rapport sur le fond de l’affaire.
Loin d’être intimidée, Jineth est devenue une ardente défenseure de la liberté de la presse et des droits des femmes en Colombie et s’est servie de son combat pour mettre fin à la violence sexuelle contre les femmes, notamment dans le cadre de sa campagne « Maintenant ce n’est plus le moment de se taire ».
Dans une décision historique publiée le 18 octobre 2021, la Cour interaméricaine a déclaré l’État colombien responsable de la violation des droits de Bedoya à l’intégrité personnelle, à la liberté personnelle, à l’honneur et à la dignité, à la liberté de pensée et d’expression, et d’avoir manqué à son devoir de soins à Bedoya en tant que femme journaliste. La Cour a ordonné à l’État colombien de fournir une série de réparations, y compris une indemnisation, la mise en œuvre d’une politique efficace et de mesures systémiques pour protéger les femmes journalistes et la mise en place d’un programme de sensibilisation sur la question de la violence sexiste inspiré par la campagne de Bedoya.
Il s’agit de la première décision d’un tribunal international des droits humains qui analyse l’utilisation de la violence sexuelle comme méthode pour réduire au silence une femme journaliste et qui crée un précédent dans le respect des normes internationales des droits humains pour protéger les femmes journalistes qui ont été victimes de violences sexuelles. Celle-ci a également promu la nécessité pour les gouvernements d’élaborer des normes de diligence raisonnable accrue concernant les femmes journalistes.
Si vous avez aimé lire cet article, regardez cette courte vidéo sur le combat de Jineth pour la justice. Nous l’avons coproduite, début 2020, avec FLIP (Fundación para la Libertad de Prensa), membre de l’IFEX, pour marquer la Journée colombienne de la journaliste.
Acteurs clés
Ce que font les membres de l’IFEX
La Fondation pour la liberté de la presse a assisté Jineth devant la justice colombienne et à la commission régionale des droits de l’homme. La fondation mène activement campagne pour une meilleure protection des journalistes en Colombie et travaille à réduire le niveau d’impunité dans tout le pays.
Le Comité de protection des journalistes a plaidé pour que justice soit rendue dans l’affaire Jineth Lima depuis les premiers jours qui ont suivi son attaque. Récemment, une délégation du CPJ-FLIP a rencontré le président Santos pour exiger de mettre fin à l’impunité et que des progrès soient réalisés dans plusieurs affaires d’attaque contre des journalistes en Colombie, y compris celle de Jineth Bedoya Lima.
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