À l'occasion de la Journée de la liberté de la musique, l’IFEX reconnaît les droits à la libre expression des musiciens et se penche sur cinq cas survenus au cours de la dernière année, où des gens ont tenté de faire cesser la musique.
La Journée de la liberté de la musique a lieu le 3 mars de chaque année.
Cette année, des performances, des conférences et d’autres célébrations dans au moins 17 pays vont souligner la Journée. Le compositeur bahreïni Ahmed Ali Al Ghanem a composé une pièce en l’honneur de la journée, et la rend disponible pour tous les musiciens.
Cette journée sert à réfléchir à l’importance de la musique dans notre vie – mais aussi à prendre note des menaces dirigées contre elle. Freemuse, une organisation internationale qui défend le droit à la liberté d’expression des musiciens et des compositeurs, a rendu publiques cette semaine ses statistiques de 2013 sur les violations de la libre expression des musiciens. Les incidents recensés ne sont « que la pointe de l’iceberg. Des centaines de cas de persécution et d’agression, sans parler des milliers d’incidents de censure, ne sont jamais signalés », fait remarquer le directeur de Freemuse, Ole Reitov.
À l’occasion de la Journée de la liberté de la musique, l’IFEX se joint à la célébration de la capacité qu’a la musique d’inspirer, d’enrager et d’éveiller l’intérêt – à communiquer au-delà de toutes les barrières, nationales, culturelles, générationnelles ou linguistiques. Cette année nous soulignons la journée en rappelant quelques cas que les groupes membres de l’IFEX ont couverts en 2013, lorsque ceux qui veulent faire taire la voix des autres se sont tournés vers des musiciens. Nous invitons tout le monde à prendre un moment aujourd’hui pour célébrer les musiciens et ceux qui suivent de près, défendent et promeuvent leur droit à la libre expression.
GRÈCE : Meurtre politique d’un artiste hip hop antifasciste
Je ne pleurerai pas, je n’aurai pas peur
Le monde est devenu une grande prison
et je cherche un moyen d’en briser les chaînes.
Il y a un endroit qui m’attend,
une haute montagne dont le sommet m’attend.
C’est pourquoi encore une fois j’étends les deux mains très haut,
pour voler un peu de lumière aux étoiles.
Je ne peux pas la ramener sur terre et j’étouffe presque
à cause de cette misère humaine, autant que de chagrin.
Extraits de l’une des chansons de Pavlos Fyssas.
Le meurtre en septembre 2013 de Pavlos Fyssas, un artiste hip hop antifasciste de 34 ans, a déclenché des protestations en Grèce. Cet homicide, qui aurait été perpétré par un partisan d’Aube Dorée, un parti de droite, est survenu dans le sillage d’une série d’agressions commises par l’Aube Dorée contre des immigrants et des demandeurs d’asile.
En réponse à cet homicide, un manifestant a déclaré : « [l]e régime, en coopération avec l’Aube Dorée, procède clairement à une escalade de la confrontation avec les dissidents politiques. C’est pourquoi nous sommes ici aujourd’hui. Et nous devons accroître l’intensité de cette lutte politique. Partout. »
TUNISIE : Rapper emprisonné pour une chanson qui critiquait la police
Le 5 décembre 2013, un tribunal tunisien a condamné le rapper Alaa Yacoubi à quatre mois de prison pour avoir insulté la police et violé l’éthique en rapport avec une de ses chansons.
En août, Yacoubi, qui se produit sous le nom de « Weld El 15 », ainsi que le rapper Ahmed Ben Ahmed, connu sous le pseudonyme « Klay BBJ », ont organisé une fête dans la ville de Hammamet. Une des chansons interprétées par Yacoubi faisait la critique de la police. Les deux rappers ont par la suite dû répondre à des accusations de diffamation publique. Klay BBJ a fini par être acquitté tandis que Weld El 15 a été détenu après l’annonce du verdict.
Ce n’est pas la première fois que Weld El 15 doit répondre à des accusations à cause des paroles critiques de ses chansons. Il a déjà reçu une peine de six mois avec sursis pour une chanson intitulée « Les policiers sont des chiens ».
CUBA : Musicien interdit à cause de ses opinions politiques
Le 17 septembre 2013, le pianiste cubain Robertico Carcassés donnait un spectacle public en compagnie d’autres musiciens locaux pour souligner l’anniversaire de l’arrestation à Miami de cinq agents de renseignement cubains connus sous l’appellation des « Cinq Cubains ».
Lorsqu’il a interprété la chanson « Cubanos por el mundo », Carcassés a commencé à improviser les paroles. Comme on le voit sur la bande vidéo, il a appelé au « libre accès à l’information pour que je puisse me faire ma propre opinion, au droit d’élire le président au suffrage direct et non par une autre méthode, et à la fin de l’embargo des États-Unis et à l’auto-embargo [de Cuba] ».
L’nstitut cubain de la musique a suspendu Carcassés et lui a interdit « indéfiniment » de donner des spectacles sur l’île.
CORÉE DU NORD : Des citoyens risquent d’être « durement » punis parce qu’ils écoutent ou vendent des CD de musique étrangère
Dans un document soumis aux Nations Unies en septembre 2013, le groupe Human Rights Watch rapporte que des Nord-Coréens sont punis pour des actions ordinaires comme de vendre ou simplement de posséder des DVD et des CD au contenu non autorisé, comme de la musique de Chine et de Corée du Sud.
Les CD et DVD étrangers, à ce qu’il paraît, seraient de plus en plus répandus en Corée du Nord, « mais resteraient cachés parce que toute personne prise à les vendre risque d’être arrêtée, de subir de mauvais traitements en détention et d’être envoyée dans des prisons où elle est torturée et soumise aux travaux forcés. »
OUGANDA : Les artistes qui « ne sont pas prudents » courent le risque fâcheux d’attirer l’attention
Durant les années qui ont suivi la dictature d’Idi Amin Dada, années remplies d’optimisme en raison du changement de gouvernement, les artistes ougandais sont devenus plus critiques. Cependant, les autorités n’ont pas embrassé universellement cette nouvelle attitude. Les musiciens qui élevaient une voix critique ont été censurés, achetés, voire déportés.
La police a par exemple interrogé le chanteur Nnabbi Omukazi à propos d’une chanson que l’on croyait faire référence à un jeune député critique mort plus tôt en 2013. La chanson a été bannie des ondes.
Les stations de radio ont d’abord été interdites de diffuser une chanson de Ssentamu Kyagulanyi (alias Bobi Wine) qui critiquait le traitement des petits vendeurs de Kampala par les autorités municipales. Lorsque le Directeur général de l’Autorité de la Capitale Kampala a commencé à subir des pressions à cause de la chanson, l’artiste a été invité à participer à des pourparlers pour mettre fin aux hostilités, et s’est vu attribuer un lucratif contrat en 2013 afin de promouvoir les activités de la ville. Une décision perçue comme une tentative pour neutraliser ses critiques.
D’autres musiciens ont décidé de rester prudents en évitant les questions controversées. La musicienne Sarah Zawedde a déclaré à Index on Censorship que « les plus grandes menaces à la liberté artistique en Ouganda viennent des sphères culturelle, religieuse et politique ».
Pour en savoir plus et pour rester informés sur la question des droits des musiciens à la libre expression, nous vous suggérons de prendre l’habitude de consulter régulièrement les mises à jour sur Freemuse.org, de vérifier la section sur la censure sur IFEX.org, et de vous abonner aux rapports mensuels sur la liberté artistique (Artistic Freedom) produits par ARTICLE 19.
http://musicfreedomday.org/