La guerre en Syrie, l'instabilité en Somalie et la violence des Talibans au Pakistan ont été les principaux facteurs ayant contribué au nombre élevé des journalistes tués dans l'exercice de leur profession en 2012, selon ce que rapportent les membres de l'IFEX.
Le nombre des journalistes tués à cause de leur travail a augmenté de façon spectaculaire en 2012, tandis que des journalistes ont été attaqués en zone de combat ou visés délibérément par des assassins. La guerre en Syrie, l’instabilité en Somalie et la violence des Talibans au Pakistan ont été les principaux facteurs de l’un des bilans les plus lourds pour les médias à l’échelle mondiale, selon ce que rapportent les membres de l’IFEX.
La Syrie est devenue un « cimetière des fournisseurs de nouvelles« , indique Reporters sans frontières (RSF). Les journalistes ont été attaqués en zone de combat ou ou visés délibérément par des éléments favorables au gouvernement qui souhaitent camoufler les atrocités commises par le régime. Les journalistes ont aussi été visés par des groupes d’opposition armés qui tolèrent de moins en moins la critique. Les journalistes internationaux étant bloqués et les médias intérieurs traditionnels étant sous la coupe de l’État, les journalistes citoyens se sont emparés des appareils photographiques et des cahiers de notes pour documenter le conflit – et au moins 13 d’entre eux ont été tués pour cela, selon le Comité pour la protection des journalistes (CPJ). Les deux tiers environ des journalistes tués en Syrie portaient un appareil photo, a constaté le CPJ. Les journalistes citoyens et les citoyens de la Toile ont été durement frappés dans de nombreux pays en 2012, fait remarquer RSF, mais plus particulièrement en Syrie.
« Cela ressemble à la première guerre sur YouTube », a dit au CPJ Paul Wood, correspondant de la BBC au Moyen-Orient. « Il y a un type avec une mitraillette et deux autre gars à côté de lui avec des téléphones qui prennent des photos. » Les journalistes locaux courent des risques de tous les bords, dit-il, tandis que les journalistes internationaux sont confrontés à des difficultés particulières liées aux efforts qu’ils font pour couvrir le conflit clandestinement.
Les morts liés aux combats constituent une proportion supérieure du bilan que par les années passées, d’après l’analyse de fin d’année réalisée par le CPJ des journalistes tués dans l’exercice de leur profession. Au moins 70 journalistes ont été tués en 2012 en lien direct avec leur travail, le troisième bilan en importance que le CPJ ait jamais recensé. Les journalistes qui travaillaient en ligne constituent plus du tiers du bilan des morts de 2012, ce qui représente un accroissement considérable par rapport à 2011, ajoute le CPJ.
Des recensements annuels ont aussi été réalisés par RSF [88], l’Institut international de la presse (IIP) [133], la Fédération internationale des journalistes (FIJ) [121] et l’Association Mondiale des Journaux et des Éditeurs de Médias d’Information (WAN-IFRA) [68]. Selon RSF et l’IIP, l’année 2012 a été la plus meurtrière depuis que ces groupes ont commencé à tenir des statistiques en 1995 et 1997, respectivement. Les chiffres définitifs reflètent les différences de méthodologie et des critères utilisés par les organisations dans le recensement des journalistes tués.
D’après RSF, ceux qui sont responsables de la violence contre les journalistes en Somalie sont soit des milices armées comme Al-Shebaab ou des officiels du gouvernement local qui veulent faire taire les médias d’informations. Pas un seul assassinat de journaliste en Somalie n’a donné lieu à des poursuites depuis dix ans, dit le CPJ. Les journalistes locaux ont déclaré au CPJ que cette fiche parfaite d’impunité peut être attribuée à des institutions faibles et corrompues, et que cet état de fait encourage encore plus d’homicides.
La violence endémique au Baluchistan et les représailles des talibans ont été à l’origine des attentats visant les journalistes au Pakistan, indique RSF. Le Baluchistan est la région la plus pauvre du Pakistan et le théâtre d’une violence prolongée entre séparatistes, antiséparatistes, divers groupes ethniques et tribus, les forces de sécurité pakistanaises et les agences de renseignement, ainsi que les groupes alignés sur les talibans, selon ce que rapporte le CPJ. En même temps, l’impunité qui entoure les crimes commis contre les journalistes au Pakistan continue de sévir. Le secrétaire général de la Fondation de la presse du Pakistan, Owais Aslam Ali, a déclaré à l’IIP que, des 48 journalistes tués au cours des dix dernières années, seul l’assassinat du reporter du Wall Street Journal Daniel Pearl en 2002 avait donné lieu à des poursuites et à des condamnations.
On continue de faire taire les journalistes au Mexique, où la presse joue un rôle critique en braquant les projecteurs sur les activités des cartels de la drogue et des politiciens corrompus qui les soutiennent, souligne l’IIP. Le CPJ prévient toutefois que l’incapacité du gouvernement mexicain à procéder à des enquêtes minimales dans de nombreux cas rend difficile pour le CPJ de déterminer un mobile.
Dans certains cas, couvrir le trafic de drogue ou oser critiquer les officiels locaux et souligner la corruption s’est avéré mortel au Brésil en 2012. Le pays a connu peu de journalistes qui ont perdu la vie entre 2005 et 2010, ce qui rend la récente poussée particulièrement alarmante chez les journalistes locaux, dit le CPJ.
Il y a quand même certains développements positifs. Si on exclut la Syrie, le nombre des pertes de vie a décliné au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, et on rapporte l’assassinat d’un seul journaliste aux Philippines.
L’IIP avait critiqué la Somalie et d’autres pays qui connaissent une longue histoire d’attentats contre des journalistes pour leur incapacité à mettre en œuvre des politiques destinées à limiter ces incidents. Néanmoins, en décembre 2012, le nouveau président de la Somalie, Hassan Sheikh Mohamud, a promis de créer un groupe de travail chargé d’enquêter sur les meurtres dans le secteur des médias, une décision que l’IIP a saluée et qui, espérons-le, constituera un premier pas efficace pour enrayer le cycle de la violence.
Il y a certains indices d’un engagement renouvelé à s’attaquer à ces questions à l’échelle mondiale. Le Plan d’Action des Nations Unies sur la sécurité des journalistes et la question de l’impunité a été lancé officiellement lors d’une réunion en novembre 2012. Les membres de l’IFEX et des délégués d’autres groupes de la société civile qui participaient à cette réunion ont exprimé leur soutien au plan et formulé des recommandations pour sa mise en œuvre. La mise en œuvre du Plan d’Action des Nations Unies commencera d’abord en Irak, au Mexique, au Népal et au Pakistan. « Nous comptons maintenant que le Plan d’action des Nations Unies sur la sécurité des journalistes et la question de l’impunité s’acquittera de son mandat », dit la FIJ. « La situation est tellement désespérée que l’inaction ne représente plus une option. »