Dans sa contribution à la série de l'IFEX marquant la Journée internationale de la femme, Palatino écrit sur les femmes qui défient le patriarcat au Pakistan, luttent pour la démocratie à Hong Kong, défient le blocus des communications au Cachemire et dirigent le sit-in contre le CAA (Citizenship Amendment Act - Amendement de la loi sur la citoyenneté) à Shaheen Bagh en Inde.
Ceci est une traduction de la version originale de l’article.
Aurat: les femmes marchent contre le patriarcat
En 2018, plusieurs groupes féministes au Pakistan ont organisé des marches sous la bannière de « Hum Auratien » ou simplement Aurat (« Nous les femmes » en ourdou) à temps pour la Journée internationale de la femme le 8 mars. Ces marches, organisées dans les villes de Karachi, Lahore et Islamabad, ont mobilisé des milliers de personnes qui ont appelé à mettre fin à la violence sexiste et demandé la protection des femmes et la fourniture de services à toutes les minorités sexuelles.
L’année dernière, les Marches Aurat se sont étendues à sept villes, et les participants ont continué de soulever des problèmes économiques, reproductifs et politiques affectant les femmes, en particulier celles issues des communautés marginalisées.
Conceptualiser la Marche Aurat et la transformer en un événement de protestation annuel est une réalisation exceptionnelle. Au-delà de cela, elle a uni différents réseaux pour lutter contre le patriarcat et contester les politiques qui permettent la violence contre les femmes. Depuis sa création, elle s’est efforcée de favoriser l’inclusivité, accueillant chaleureusement la participation de tous ceux qui se sont engagés à lutter contre la violence sexiste.
Mais son succès a également généré des réactions , en ligne et hors ligne, des franges conservatrices de la société. Les participants ont été harcelés, intimidés et ciblés par des trolls vicieux. Certaines attaques provenaient de femmes.
Sadaf Khan, travaillant pour le membre de l’IFEX Media Matters for Democracy (MMfD), explique la réaction intense à la Marche Aurat. « Je pense que la marche brise tant de tabous et soulève tellement de questions qui brisent un peu le statu quo. La plupart des femmes ne sont pas à l’aise avec cela, peut-être à cause de la misogynie intériorisée, et aussi parce que leur système de croyance est menacé. »
Cette année, la Marche Aurat devrait gagner plus de soutien du public malgré de nouveaux cas d’ actes violents contre les organisateurs. Les groupes de femmes ne sont pas découragés. Certains ont adapté et interprété la chanson anti-viol qui a été composée et jouée au Chili, avant de devenir un air mondial.
L’affiche ci-dessous reflète la vision du manifeste de la Marche Aurat: Promouvoir l’autonomisation des femmes, construire des espaces plus sûrs et lutter pour l’égalité des droits.
@shehzilm
Mon affiche pour @MarcheAurat de cette année. Au milieu: une fille poursuit ses études, en haut: les femmes au cœur de notre économie – les travailleuses à domicile et les agricultrices, en bas: les arcades mènent à un monde où les filles et les femmes sont en sécurité à l’extérieur.
Ceux qui plaident pour l’égalité doivent pouvoir le faire en toute sécurité. Les organisatrices de la marche à Karachi ont déclaré à IFEX, par courrier électronique, qu’elles avaient formé une équipe pour contrer les attaques en ligne – une équipe qui restera également en place après la manifestation. elles ont ajouté que les réactions sont inévitables dans une société dominée par le patriarcat et la peur du changement, mais elles sont prêtes pour la longue bataille à venir.
« La culture paritaire ne se construit pas en un jour. Notre réponse aux réactions sera pérenne, alors que nous continuons à lutter contre les injustices perpétrées par le patriarcat dans les semaines, les mois, les années et les décennies qui vont suivre cette marche. »
Des femmes « furieuses contre le pouvoir » à Hong Kong
Depuis juin 2019, plus de deux millions de personnes ont rejoint les manifestations de rue à Hong Kong pour appeler au retrait des projets de loi modifiant la loi sur l’extradition, qui, selon les critiques, donneraient un contrôle politique encore plus important aux autorités de Pékin. Ces manifestations massives ont conduit à la suspension de la législation proposée, mais cela n’a fait qu’encourager davantage de personnes à pousser pour davantage de réformes dans la gouvernance, y compris l’introduction du suffrage universel.
Des femmes de tous horizons participent activement à ce mouvement de protestation. Dans un fil Twitter populaire de l’activiste hongkongaise Uwu – « La place d’une femme est dans la résistance » – décrit les nombreux rôles essentiels des femmes dans la campagne pour la démocratie. Uwu met cela en contraste avec l’attitude « misogyne » du gouvernement envers les manifestantes, qui « traite également les petites filles comme des animaux dociles et tranquilles à gâter ». L’image ci-dessous capture mieux la participation des femmes à la résistance de Hong Kong, que ce soit en tant qu’étudiantes, militantes masquées, secouristes, journalistes, professionnels et travailleurs migrants. « Des mères, des nanas, des tantines – elles sont dans les rues, furieuses contre le pouvoir. »
De la part de TG aujourd’hui. La « marche du progrès » suggère une femme qui se lève lentement … mais regarde de plus près! La femme la plus à gauche sur le sol brandit un panneau qui dit « démocratie », les parapluies sont utilisés comme défense, etc. Une femme peut être furieuse contre le pouvoir, dans tous les rôles possibles.
Agnes Chow, l’une des jeunes icônes activistes, est considérée par beaucoup comme une « déesse de la démocratie » en raison de son rôle de premier plan dans le Mouvement parapluie de 2014 en tant que manifestante adolescente, sa décision de défier le parti au pouvoir en se présentant à une fonction publique (elle a été disqualifiée en tant que candidate), et sa présence constante aux rassemblements de 2019, malgré les menaces et les persécutions judiciaires.
« La démocratie, pour moi, c’est comme l’air. Nous ne réalisons pas vraiment à quel point c’est important, mais une fois qu’il n’y a plus d’air, nous luttons pour cela », écrit-elle.
Une autre militante populaire est Denise Ho, une chanteuse pop dont le catalogue de musique a été retiré des sites de streaming chinois en raison de son implication dans le mouvement démocratique. Elle a témoigné au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies et au Congrès des États-Unis sur la situation à Hong Kong – des actions qui ont provoqué la colère du gouvernement de Pékin. Regardez son intervention puissante au Forum de la liberté d’Oslo à Taïwan en 2019.
Même ceux qui ont simplement exprimé leur soutien aux manifestants ont été pris pour cible et punis par les autorités. Rebecca Sy, présidente de l’Association Hong Kong Dragon Airlines Flight Attendant, a déclaré qu’elle avait été licenciée par Cathay Dragon, la compagnie aérienne où elle travaillait depuis 17 ans, pour ses publications sur Facebook au sujet des manifestations. Elle a ensuite écrit pourquoi elle avait décidé de briser le silence. « Je n’ai pas d’autre choix, car si je ne m’exprime pas, la compagnie penserait simplement qu’il n’y a rien de mal. »
Les résidents étrangers ont également fait preuve de solidarité à leur manière. La journaliste ethnique sud-asiatique Nabela Qoser a obtenu le soutien du public pour ses questions pertinentes lors des conférences de presse du gouvernement. L’écrivaine indonésienne et travailleuse domestique migrante Yuli Riswati a documenté les manifestations, ce qui lui a valu une plus grande attention, mais a poussé les autorités à l’expulser pour violation de visa.
Des femmes protestent contre la coupure des communications au Cachemire
Le 5 août 2019, le Cachemire et le Jammu ont été coupés du reste du monde après une coupure des communications imposée par les autorités indiennes. Les interruptions ont gravement perturbé la vie des Cachemiris ordinaires et ont empêché les journalistes de rendre totalement compte des développements dans la région.
Les journalistes et les étudiants ont été parmi les premiers à exprimer leur désaccord sur le blocus prolongé. Ils ont été rejoints par des résidentes qui souhaitaient restaurer non seulement Internet mais aussi les droits fondamentaux des Cachemiris. Le 15 octobre, une manifestation silencieuse a été menée par des femmes dans la capitale, Srinagar, au cours de laquelle elles arboraient des pancartes exigeant le respect des droits et du statut spécial du Cachemire. Elles ont été arrêtées pour cette manifestation pacifique, mais leur témérité a résonné au-delà des frontières du Cachemire.
Ces femmes ont été emprisonnées au « Cachemire normal ». Le gouvernement Modi n’a pas fini son jeu au Cachemire
India: les femmes manifestantes de Shaheen Bagh
Shaheen Bagh n’est plus seulement un quartier de New Delhi. Il est devenu le symbole d’un mouvement de protestation dynamique, après qu’un contingent dirigé par des femmes ait occupé une rue principale de la communauté et exigé le retrait de l’ amendement de la loi sur la citoyenneté (Citizenship Amendment Act – CAA) de l’Inde en décembre 2019.
La CAA a été largement critiquée pour légitimation de la discrimination, car elle exclut les musulmans en offrant la citoyenneté aux migrants fuyant la persécution religieuse. Les manifestations anti-CAA ont été massives, y compris la formation d’une longue chaîne humaine, des expressions de solidarité de la part des stars de Bollywood et une riposte contre les forces gouvernementales.
Le sit-in de Shaheen Bagh est en cours depuis décembre et son succès dans le maintien de la participation des femmes et des enfants dans la communauté a inspiré des actions similaires dans d’autres parties de l’Inde. Malgré les menaces de dispersion, le sit-in s’est élargi et a obtenu un soutien populaire.
Des pétitions ont été signées demandant à la Cour suprême de superviser le retrait d’une manifestation continue sur une voie publique. Mais les femmes tiennent bon. Elles ont démontré leur ténacité dans l’organisation de la manifestation et la lutte contre la campagne de désinformation des trolls soutenus par l’État.
En moins de deux mois, Shaheen Bagh est devenu synonyme d’un mouvement croissant dont les objectifs incluent la lutte contre la discrimination et le sectarisme; et plus important encore, le renforcement de la démocratie. Les manifestants de Shaheen Bagh n’ont clairement pas encore fini de faire l’histoire.
Regardez cette vidéo pour en savoir plus et vous inspirer des manifestantes de Shaheen Bagh.