En dépit de son incarcération, le caricaturiste Mohamed Saba'aneh continue de speak out for palestiniens with his art.
Le caricaturiste palestinien Mohamed Saba’aneh paie le prix des opinions qu’il exprime par ses dessins : une peine de cinq mois de prison dans une geôle israélienne. Pourtant, cette violation de sa liberté d’opinion et d’expression ne l’empêche pas de se battre pour ce en quoi il croit. Trois mois après son arrestation, Al-Hayat Al-Jadida a publié en première page une nouvelle caricature de Saba’aneh qu’il a fait parvenir de la prison Al-Naqab, dans le désert du Négev.
J’ai rencontré la femme de Saba’aneh, Athaar, une semaine environ avant que sa caricature ne soit publiée, et elle m’a dit avec assurance : « Je suis sûre que Mohamed dessine en prison, car il n’aime pas perdre son temps. Quand il rentrait à la maison après sa journée de travail au journal Al-Hayat Al-Jadida, il se retirait dans son bureau où il passait des heures à dessiner. »
Athaar a vu son mari pour la dernière fois au tribunal le 4 avril 2013; depuis cette date elle n’a plus communiqué avec lui. Elle attend toujours la permission de lui rendre visite. Jusqu’à maintenant aucun membre de sa famille n’a pu le voir. « Il me manque beaucoup, et ma vie a terriblement changé. Il avait le visage blême la dernière fois que je l’ai vu », dit Athaar. « Quand je me suis approchée de lui, il m’a demandé si ses dessins étaient publiés dans le journal, et il m’a priée de porter un dossier contenant des caricatures qu’il n’avait jamais publiées. »
Saba’aneh a commencé à dessiner dès l’enfance. Son talent s’est épanoui au collège, jusqu’à ce que sa carrière de caricaturiste démarre au journal Al-Hayat Al-Jadida, où ses dessins paraissaient chaque jour à un endroit qui leur était réservé. « Il veut ardemment combattre l’injustice avec ses dessins, et il ne se laissera jamais réduire au silence », ajoute-t-elle en souriant, avec un soupçon de tristesse dans le regard. « Je ne puis vous dire à quel point nous nous sommes disputés à cause de sa détermination pour son travail – lorsque j’entrais dans son bureau à la maison, il m’accusait de le déranger dans sa réflexion. »
La mère de Saba’aneh a joué un rôle immense en favorisant ses talents artistiques. Elle avait l’habitude de conserver les dessins de l’artiste palestinien Naji Al Ali, aujourd’hui décédé, et selon son ami Mohamed Abu Azeza, Saba’aneh avait dès l’enfance pris l’habitude de les étudier. « L’environnement social dans lequel il a baigné pendant son enfance a joué un rôle important en élargissant son horizon artistique », dit Abu Azeza, qui connaît Saba’aneh depuis 1997 et qui a travaillé avec lui pendant six ans. « Mohamed est un type pratique; il n’est pas romantique, mais il déborde d’une immense émotion qu’il exprime par sa colère et son sens critique. »
Saba’aneh, ou « Saboo » comme l’appellent ses amis, s’est acquis une réputation chez les Palestiniens parce qu’il canalise la souffrance de son peuple et ses luttes quotidiennes au moyen de ses dessins, en particulier grâce à « Abu Fayek« , un personnage de son invention apparu en 1998 et inspiré de son grand-père Fayek Saba’aneh, en qui il voyait l’archétype du Palestinien.
Plusieurs mois avant son arrestation, des sites web israéliens comme Palestinian Media Watch se sont mis à accuser Saba’aneh d’être un ennemi d’Israël à cause de ses dessins, dans lesquels il s’est attaché dernièrement à traiter des grèves de la faim des prisonniers palestiniens, ainsi que des questions internes de la vie des Palestiniens, comme la hausse des prix des denrées, le conflit entre le Fatah et le Hamas, et l’incapacité de l’Autorité palestinienne à payer les salaires de ses employés. Sa dernière caricature avant d’être arrêté a paru le jour de la Saint-Valentin.
L’arrestation de Saba’aneh a été accueillie avec inquiétude par les institutions palestiniennes de défense de la liberté d’expression, tel le Centre palestinien pour le développement et la liberté des médias (Palestinian Center for Development and Media Freedoms (MADA), qui a organisé des manifestations et des protestations en collaboration avec le Ministère de l’Information, le syndicat des journalistes et Al-Hayat Al-Jadida. Sur la scène internationale, la réaction s’est également exprimée par la voix du Comité pour la protection des journalistes (CPJ), de Reporters sans frontières (RSF) et du Cartoon Movement.
L’artiste palestinien Ahmed Dari a dédié une chanson à Saba’aneh, « Saboo’ ya Saboo’ ta plume n’est pas autorisée« , tandis que de nombreux caricaturistes lui ont consacré des dessins. Son ami Marouane Jabir tient une page sur Facebook, « Liberté pour Mohamed Saba’aneh« , et sa femme suit de près et archive tout ce qui se publie sur son mari. « La solidarité locale et internationale avec Saba’aneh m’aide à surmonter la situation; je reçois continuellement des appels d’amis et de ses collègues », dit Athaar.
Depuis son arrestation le 16 février 2013 et jusqu’au 6 mars 2013, Saba’aneh, qui est connu pour son sens de l’humour, a passé des jours difficiles à subir des interrogatoires. On l’a contraint à accepter les charges portées contre lui de « communication avec des parties hostiles à l’État d’Israël »; pendant cette période on a exercé sur lui des pressions énormes et on l’a empêché de voir sa famille ou même un avocat.
La famille de Saba’aneh, ses amis, ses collègues attendent sa remise en liberté le 16 juillet 2013. « Je vis maintenant seule à la maison et je refuse de fermer son bureau en attendant son retour, je veux que tout ait l’air normal, » dit Athaar.
Quelque poignante que soit l’histoire de Saba’aneh, elle ne doit pas nous faire oublier celles de 20 familles qui ont subi depuis 2000 la perte de leurs fils dans l’exercice de leurs fonctions tandis qu’ils assuraient la couverture des nouvelles en Palestine, ou de ceux qui croupissent toujours en détention administrative, notamment Amer Abu Arafa, détenu depuis le 21 août 2012, et Walid Khaled, qui a passé des années en détention dans les prisons israéliennes, ou Khader al-Zahar, qui a perdu une jambe lors de la dernière agression israélienne à Gaza, ou encore Mohamed Othman, devenu paraplégique après avoir été visé par les Forces israéliennes à Gaza.
Les violations israéliennes incessantes commises contre les journalistes palestiniens sont la manifestation d’un plan systématique qui vise à supprimer la liberté d’expression et à garantir que ces violations ne sont pas dénoncées sur la scène locale ou internationale. De toute évidence, les caricatures de Mohamed Saba’aneh, qui illustrent de manière créative la souffrance des Palestiniens, irritent Israël. Aujourd’hui il en paie le prix. Ce qui suscite mon admiration et ma fierté, ce sont les journalistes palestiniens qui publient et diffusent des images de leurs agressions, et qui les agrémentent des mots : « et la couverture continue ».
Riham Abu Aita est Directeur des relations publiques au Centre palestinien pour le développement et la liberté des médias (Palestinian Center for Development and Media Freedoms, MADA).