DRF a partagé avec l’IFEX les enseignements transférables qu’ils ont retenus en inaugurait le premier service d’assistance téléphonique pour les personnes victimes de cyberharcèlement.
Le réseau IFEX, qui compte plus de 100 organisations membres dans plus de 60 pays, croit en la puissance de la synergie. Ce même engagement est à l’origine de cette série occasionnelle d’aperçus de campagnes organisées par des membres de l’IFEX. Le but est de partager certaines des campagnes créatives sur lesquelles des membres ont travaillé, de sorte que d’autres puissent apprendre de leurs expériences. Vous pouvez toutes les voir ici.
En 2016, Digital Rights Foundation (DRF) inaugurait, au Pakistan, le premier service d’assistance téléphonique pour les personnes victimes de cyberharcèlement. DRF a partagé avec l’IFEX d’où leur ait venu l’idée de la campagne, les principaux défis qu’ils ont rencontrés au cours de l’élaboration du projet, et les enseignements transférables qu’ils ont retenus pour monter des campagnes similaires à l’avenir.
L’étincelle
L’idée leur est venue en travaillant sur Hamara Internet (« Notre Internet »), une initiative visant à former des jeunes femmes en sécurité numérique et leur permettre de réclamer leur place sur le web. De nombreuses femmes ont indiqué à la Fondation avoir été victimes de harcèlement en ligne, et craindre de ne pas être prises au sérieux par les autorités pakistanaises. Celles qui ont fait part de leur expérience auprès des autorités expliquent avoir été ridiculisées ou blâmées.
Du côté des autorités, les organismes ont signalé avoir reçu plus de 400 rapports de cyber harcèlement entre 2015 et 2016, et bien qu’ils prennent ces crimes au sérieux, ils sont souvent lents à réagir, et ne possèdent ni l’expertise technologique, ni la formation pour s’entretenir avec les victimes.
La Fondation préconise toujours le respect de la vie privée et la confidentialité des données – mais pour les femmes et des communautés vulnérables, la confidentialité est particulièrement importante pour éviter de mettre en danger leur sécurité personnelle.
Le projet
Aujourd’hui, de 9 h à 17 h, sept jours par semaine, le service d’assistance téléphonique contre le cyberharcèlement de la Fondation reçoit les appels des femmes victimes de harcèlement en ligne. Bien que destiné aux jeunes femmes, 37 % des appelants se sont avéré être des hommes – même si beaucoup d’entre eux appellent au nom d’un membre de leur famille ou d’une amie.
Même si nous sommes critiques à l’égard de Service fédéral des enquêtes (FIA) et de la police, il y a un véritable problème de capacité avec la FIA qui ne peut être abordée qu’au niveau politique. Il y a des personnes qui veulent aider et qui sont disposées à nous entendre, malgré leur approche parfois brusque ou impatiente.
Principaux défis
- Comment offrir un service sécurisé et anonyme qui ne permet pas d’identifier les personnes qui appellent? La culture du qu’en-dira-t-on et de la délation, qui est à l’origine de création de ce service, pose des problèmes particuliers en matière de protection des victimes. De nombreuses femmes ne se sentent pas à l’aise de partager leurs expériences, de peur d’être harcelées encore plus.
- Comment connecter cette ligne d’assistance à celles qui en ont besoin? Il est encore difficile de rejoindre les régions les plus reculées où les femmes sont les plus vulnérables et ont besoin d’un service d’urgence.
- Quelle relation entretenir avec le gouvernement? La lenteur et l’insuffisance des réponses du gouvernement pakistanais et des autorités sont à l’origine de ce service d’assistance téléphonique – Quelle relation ce service devrait-il entretenir avec les services gouvernementaux?
Nous avons reçu plusieurs appels d’amis et de membres de la famille d’anciens clients souhaitant discuter de leurs propres expériences. Nous sommes fiers d’offrir une écoute empathique et nous espérons que les utilisateurs reconnaissent la valeur de notre approche lorsqu’ils nous recommandent à d’autres.
Les enseignements retenus
- La protection de la vie privée et le respect de la confidentialité des appelants doivent être la priorité principale. Dans le centre d’assistance téléphonique du DRF, les appels ne sont pas enregistrés, il n’y pas de répondeur, et les appelants sont traités de façon anonyme à moins qu’ils préfèrent le contraire. Les bureaux sont à l’écart du bureau principal de DRF et sont insonorisés et l’accès y est restreint au personnel autorisé. Bien que parfois difficiles, ces précautions sont nécessaires pour bâtir et maintenir une relation de confiance avec leurs clients. La Fondation entretient une politique qui définit les buts et les modalités de la procédure d’assistance et de protections dans différentes situations.
- Existe-t-il un plan de développement pour gérer une augmentation potentielle du volume d’appels? En inaugurant le centre d’assistance, DRF savait que la demande serait importante, mais le volume d’appels – près de 100 au cours du premier mois, et 160 le mois suivant – les a vraiment surpris. Le centre d’assistance téléphonique a rapidement recruté du personnel, et envisage l’acquisition d’un espace séparé avec une meilleure insonorisation. Définir des plans qui peuvent s’adapter à une multitude de possibilités pour répondre aux besoins de ressources et de personnel avant le lancement du programme permettra d’offrir un service consistant et sans interruption lorsque la demande augmente.
- Les équipes de soutien de première ligne nécessitent un budget émotionnel. Bien que la Fondation avait anticipé les besoins physiques et administratifs du service d’assistance téléphonique, il est devenu évident, assez rapidement, que le personnel avait besoin de soutien psychologique, surtout après des appels particulièrement difficiles. Prévoir du temps et de l’espace pour décompresser et proposer un soutien psychologique s’est révélé important pour que le travail se poursuive.
- Entretenir des lignes de communication positives avec le gouvernement peut vous aider. Le personnel de la Fondation a travaillé avec Service fédéral des enquêtes afin de leur déférer des affaires et compléter leurs services en offrant un soutien psychologique et sexo-spécifique dont la FIA ne dispose pas actuellement. Le personnel du service d’assistance avise leurs clients sur le type d’information qu’ils devront fournir pour déposer une plainte.
- Le bouche-à-oreille est la meilleure forme de promotion. Bien que la Fondation ait obtenu une couverture médiatique écrite et télévisuelle lors de l’inauguration du service dans plusieurs organes de presse pakistanais, c’est le bouche-à-oreille entre les utilisateurs du service d’assistance qui a contribué aux efforts de sensibilisation.
Le service d’assistance téléphonique vient compléter le travail qu’entreprend la Fondation. Nos ateliers de sensibilisation sont plus solides parce que les participants peuvent prendre contact avec d’autres ressources une fois la formation terminée. Nos activités de plaidoyer ont plus de résonances, car maintenant nous pouvons prouver nos déclarations sur le harcèlement par des chiffres et des expériences concrètes. Nighat Dad, Directeur général, Digital Rights Foundation
La prochaine étape
La popularité du service d’assistance a déjà conduit à l’expansion des services de cinq à sept jours par semaine, et l’embauche de personnel supplémentaire.
Les plans pour l’avenir : développer de nouveaux centres d’assistance pour mieux desservir les zones géographiques éloignées de Lahore. Le centre d’assistance développe son réseau de référencement afin d’offrir de meilleurs services sur le terrain avec l’aide de ses partenaires et de structures existantes.
Pour en savoir plus
Pour obtenir plus de détails sur le service d’assistance téléphonique contre le cyberharcèlement, vous pouvez consulter le rapport d’évaluation semi-annuel de Digital Rights Foundation, publié en juillet 2017.