Ali Ferzat a été consacré "Journaliste de l'année 2011" pour sa défense de la liberté de la presse alors que le "Weekly Eleven News" a été jugé "Média de l'année" pour son traitement des sujets jugés "sensibles" par les autorités.
(RSF/IFEX) – Le 8 décembre 2011 – Reporters sans frontières et Le Monde, avec le soutien de TV5MONDE, sont heureux de décerner le prix 2011 à deux symboles de courage, le dessinateur de presse syrien Ali Ferzat et le média birman Weekly Eleven News. La 20e cérémonie du prix de la liberté de la presse s’est tenue à l’auditorium du Monde, à Paris, le mercredi 7 décembre 2011.
« Nous honorons cette année un journaliste courageux, victime de la répression brutale d’un régime archaïque. Ali Ferzat mérite largement cette récompense. Ses dessins pointent du doigt les dérives d’un pouvoir aux abois et encouragent les Syriens à revendiquer leur droit à s’exprimer librement. Nous avons aussi récompensé un média qui n’a jamais cédé face aux ciseaux des censeurs. Le Weekly Eleven News s’est toujours dressé face à la junte militaire au pouvoir en Birmanie. L’hebdomadaire a fait preuve d’une ingéniosité extraordinaire pour passer à travers les mailles du filet de la censure et informer la population birmane. Ses dirigeants et ses journalistes ont pris des risques considérables. À ce titre, ils méritent notre soutien et nos encouragements. À l’heure où la Birmanie semble faire preuve d’une certaine ouverture politique et sociale, le Weekly Eleven News a, plus que jamais, un rôle essentiel à jouer », a déclaré Jean-François Julliard, secrétaire général de Reporters sans frontières.
Le caricaturiste syrien Ali Ferzat a été consacré « Journaliste de l’année 2011 » pour la qualité de son travail et son engagement pour la défense de la liberté de la presse. Original et rebelle, son esprit non-conformiste et sa créativité lui attirent très vite des ennemis de taille, tel que Saddam Hussein, en Irak, qui le menace de mort en 1989 suite à une exposition à Paris de ses caricatures. Pendant longtemps, il lui sera interdit de se rendre en Jordanie, en Irak ou en Libye. En 2000, il crée le premier quotidien privé indépendant sous le régime baassiste – Al-Doumari – et fera de cette publication une revue satirique que les autorités ne manqueront pas de fermer trois ans plus tard. Les mouvements de protestation et la vague de répression sont au coeur de son travail au printemps 2011. Dénonçant la corruption et les dysfonctionnements du régime de Bachar Al-Assad, Ali Ferzat a été agressé par des hommes armés et masqués qui lui ont brisé les deux mains en guise d’avertissement.
« J’aurais aimé être parmi vous ce soir pour participer à cette belle soirée, a déclaré Ali Ferzat dans une lettre lue par le caricaturiste français Plantu. Je dédis ce prix aux martyrs, aux blessés et à ceux qui luttent pour la liberté. Que soient remerciés tous ceux qui ont fait du Printemps arabe une victoire contre les ténèbres et la répression. »
Jean Rolin, écrivain et journaliste, prix Albert Londres en 1988 est venu remettre le prix du « média de l’année » à Weekly Eleven News. Il a salué le travail des correspondants locaux de Reporters sans frontières et plus largement celui des journalistes, sur le terrain, dans les zones difficiles.
La Birmanie est l’un des pays les plus répressifs envers la presse, et Weekly Eleven News un hebdomadaire qui publie fréquemment des articles sur des sujets jugés « sensibles » par les autorités. Ses journalistes risquent la prison pour la publication de ce type d’informations. Lors des inondations de Mandalay en août 2011, le journal a couvert les événements malgré les injonctions contraires des autorités. Le prix de cette conscience professionnelle a été élevé : plusieurs journalistes ont été arrêtés et le journal interdit de publication pendant quelques semaines.
« Au Weekly Eleven News, nous croyons fermement et nous soutenons que rien ne peut être plus puissant que la vérité, a déclaré le porte-parole du journal. Nous sommes honorés de recevoir cette récompense, mais nous sommes aussi très tristes en pensant aux journalistes birmans toujours emprisonnés. Nous ne devons jamais oublier les sacrifices faits par certains afin que des changements voient le jour en Birmanie. »
Depuis 1992, le prix Reporters sans frontières honore le travail d’un journaliste et d’un média, ayant contribué de manière notable à la défense ou à la promotion de la liberté de la presse dans n’importe quelle région du monde. Il est décerné par un jury international composé de professionnels des médias et de défenseurs des droits de l’homme.
En 2011, Le Monde a décidé de s’associer à ce Prix. « De Sidi Bouzid à Sanaa, de Rangoon à Benghazi, de Damas au Caire, l’année 2011 n’aura pas été avare en grands événements, explique Erik Izraelewicz, directeur du journal. Les médias internationaux en ont rendu compte, n’oubliant pas que depuis des années, parfois au péril de leur vie, des journalistes luttaient sur place pour une liberté de la presse sans cesse bafouée. Depuis 20 ans, le prix Reporters sans frontières pour la liberté de la presse est là pour sensibiliser le grand public et rappeler que les combats de ses confrères sont aussi les nôtres. Le Monde est heureux d’accompagner Reporters sans frontières dans cet engagement. »
Pour la première fois, le prix pour la liberté de la presse reçoit le soutien de TV5MONDE. Pour Marie-Christine Saragosse, sa directrice générale, « l’implication de la chaîne francophone est évidente : ses valeurs universelles sont portées chaque jour dans les 200 pays où nous sommes présents. Si TV5MONDE a choisi de participer à ce prix, c’est pour s’engager aux côtés de ceux qui oeuvrent au quotidien pour témoigner, parfois au prix de leur liberté ou de leur vie, de ce monde en rébellion, de cette actualité de guerre ».