L'activiste des droits humains Leyla Yunus et son mari historien, Arif, sont menacés d'extradition en Azerbaïdjan pour être jugés pour des chefs d'accusation fallacieux de trahison, d'évasion fiscale et de fraude. Tous les deux ont passé du temps en prison, ont souffert de graves problèmes de santé et ont finalement obtenu l'asile politique aux Pays-Bas, mais une cour d'appel à Bakou exige qu'ils retournent pour être personnellement interrogés par le tribunal.
Dans une lettre écrite durant sa détention en mars 2015 et adressée à son mari Arif Yunus, également emprisonné, Leyla Yunus écrit : Je ne t’ai pas écrit depuis longtemps. Ils m’entourent d’une cloison épaisse. Ils craignent mes mots plus que les munitions.
Le 13 août 2015, Leyla Yunus, activiste des droits humains, a été condamnée à 8 ans et demi de prison, et son mari historien, Arif, à 7 ans, dans ce qui a été décrit comme un simulacre de procès. Condamnés pour des accusations fantaisistes de trahison, d’évasion fiscale et de fraude, ceci a servi d’avertissement à d’autres qui osent contester le gouvernement. Tous les deux sont au début de leur soixantaine et étaient en très mauvaise santé, ce qui pousse à des craintes qu’ils ne pourraient pas survivre en prison.
Leyla Yunus est directrice de l’Institut pour la Paix et la Démocratie, établi en 1995 pour promouvoir et défendre les droits des femmes, mettre un terme aux poursuites judiciaires motivées par des raisons politiques et aux expulsions musclées, et enfin, résoudre le conflit dans la région contestée du Haut-Karabagh, prise à l’Azerbaïdjan par des séparatistes soutenus par l’Arménie dans les années 90. Arif Yunus est un historien spécialisé dans l’histoire de la région. Avant sa détention, Leyla Yunus a également travaillé sur un projet de documentation des prisonniers politiques en Azerbaïdjan. Leyla s’est vu décerné le titre de Chevalier de la Légion d’honneur à l’Ambassade de France de Baku en 2013, en reconnaissance de son travail.
Le 30 juillet 2014, le couple est arrêté. Ayant été récemment victime de deux AVC et ayant une santé fragile, Arif est libéré durant l’attente de son procès, alors que Leyla est condamnée à une mise en détention de trois mois. Ignorant les mises en garde lui interdisant de donner des interviews sous peine de retourner en prison, Arif s’est immédiatement tourné vers les médias pour dénoncer leurs arrestations. Il a déclaré à Human Rights Watch qu’on les avait accusé d’être des espions pour l’Arménie, une accusation qu’il décrit comme ‘humiliante et absurde’. Ils étaient également accusés d’espionnage, de diriger une ONG non enregistrée et de ne pas avoir payé d’impôts. Le 5 août, Arif est arrêté alors qu’il se rend à la prison pour apporter un colis de nourriture à Leyla qui souffre d’un diabète grave. Tous deux sont alors détenus jusqu’à leurs condamnations un an plus tard.
En juillet 2014, l’Institute for Reporters Freedom and Safety expliquait comment les campagnes de diffamation des médias gouvernementaux, les descentes de police, les fermetures de comptes bancaires et les intimidations contre les employés des ONG sont utilisés par les autorités pour mettre à terre la société civile. L’Institute for Peace and Democracy de Yunus a longtemps été victime de graves répercussions à cause de ses activités, notamment en 2011 lorsque ses bureaux, tout comme ceux de deux autres ONG, ont été démolis sans avertissement, pour faire place à un projet de pré-dédouanement terrestre du gouvernement. L’institut avait fait campagne contre les saisies des terres au nom du développement.
Les problèmes rencontrés par le couple couvaient depuis plusieurs mois. En avril 2014, ils ont été appréhendés à l’aéroport de Baku alors qu’ils essayaient de quitter le pays. Leurs passeports ont été confisqués et ils ont été interrogés pendant 24 heures avant d’être cités à comparaître comme témoins dans l’affaire d’un journaliste expulsé de Turquie pour des accusations de trahison. Dans les mois qui suivirent, le couple fut à maintes reprises appelés pour des interrogatoires – auxquels ils ont refusés de se soumettre – et exigeant d’abord que leurs passeports leur soient retournés. Un jour avant leur arrestation, Leyla Yunus avait publié une lettre ouverte au président Alivev dénonçant les arrestations de jeunes activistes intitulée ‘De qui avez-vous peur, M. le président ?’ .
Le procès du couple s’est ouvert le 30 juillet 2015, exactement un an après leur arrestation, un procès décrit comme un « cirque » au cours duquel il a été dit aux amis et à la famille qu’ils ne pourraient pas y assister pour cause « d’espace insuffisant ». Amnesty International décrit le malaise dont a été victime Arif Yunus au cours des auditions. Depuis la période de harcèlement et son arrestation qui a suivi en 2014, il a subi deux AVC.
Des appels internationaux pour la libération de Leyla Yunus ont apparemment été entendus et, le 13 août 2015, elle a été libérée pour des raisons médicales. Le 9 décembre de cette année-là, sa peine a été commuée en une libération conditionnelle de cinq ans. Arif Yunus avait été transféré en résidence surveillée en novembre 2015 aussi en raison de sa santé, et sa peine a aussi ensuite été réduite à un sursis de cinq ans. En avril 2016, le couple a été autorisé à quitter l’Azerbaïdjan pour rejoindre leur fille aux Pays-Bas et ont maintenant l’asile politique.
Cependant, la situation du couple reste volatile. Lorsqu’ils ont quitté l’Azerbaïdjan, leur affaire a été portée en appel. En décembre 2016, la Cour suprême d’Azerbaïdjan l’a renvoyé à la Cour d’appel de Bakou qui, en mai 2017, a rejeté la demande de l’avocat de Yunus d’être autorisés à témoigner via Internet et, à la place, a exigé qu’ils retournent en Azerbaïdjan pour passer au procès en personne. On craint que les autorités azerbaïdjanaises n’aient demandé à Interpol l’extradition du couple. En juin 2017, une pétition a été envoyée à cette agence, signée par 25 ONG internationales et azerbaïdjanaises qui ont demandé que, si une telle demande avait été faite, qu’elle ne soit pas honorée. La lettre souligne qu’agir autrement serait un coup fatal aux garanties constitutives d’Interpol selon lesquelles il ne prendra aucune action contre les personnes recherchées par les gouvernements uniquement pour des raisons politiques et où leurs droits humains sont menacés.