L'IFEX souligne le Jour de la Terre en rendant hommage à ceux et celles qui prennent la parole pour défendre l'environnement, et qui mettent ainsi en danger leur travail, leur sécurité, leur liberté et parfois même leur vie.
Le 20 avril 2014, à peine deux jours avant le Jour de la Terre, Human Rights Watch a lancé un urgent appel à des renseignements sur les allées et venues de l’activiste thaï Por Cha Lee Rakchongcharoen, surnommé « Billy ». L’éminent activiste d’ethnie karène est partie à une poursuite judiciaire contre les autorités à propos de l’utilisation de terres dans un parc national de Thaïlande. Les habitants de la région subissent de l’intimidation de la part des autorités du parc, et un activiste relié au réseau de Billy a été tué en 2011 après avoir aidé des villageois karènes à rapporter des allégations d’abus, de coupe de bois illégale et de braconnage commis par des responsables du parc.
Bien qu’on ne sache pas si Billy a été ciblé à cause de son activisme, son cas est emblématique des dangers que courent ceux qui s’occupent ouvertement de questions environnementales. L’organisation Global Witness, dont le siège est à Londres, a constaté un net accroissement du nombre des personnes tuées parmi les défenseurs des droits environnementaux au cours de la dernière décennie. « Un grand nombre de ceux qui doivent faire face à des menaces sont des gens ordinaires qui s’opposent à l’accaparement des terres, à l’exploitation minière et au commerce industriel du bois d’œuvre; ils sont souvent forcés d’abandonner leurs maisons et gravement menacés par la dévastation environnementale », indique le rapport intitulé « Deadly Environment » (Environnement mortel).
Hommage à la libre expression à l’occasion du 44e anniversaire du Jour de la Terre
Chaque année, le 22 avril, des événements sont organisés partout dans le monde pour démontrer un appui à la protection de l’environnement. Le Jour de la Terre a été célébré pour la première fois en 1970, à la suite d’une proposition présentée lors d’une conférence de l’UNESCO en 1969.
Le Jour de la Terre, c’est aussi un rappel des décisions complexes auxquelles sont confrontées les communautés tandis que l’accroissement de la demande mondiale en ressources stimule le développement. Souvent, les résidents locaux sont aux prises avec l’industrie et les gouvernements, parce qu’ils ne profitent pas directement des ressources, mais subissent directement la pollution et la dégradation environnementales qui en résultent. La liberté d’expression, y compris le droit d’accès à l’information, le droit de partager l’information, le droit de critiquer et de protester, est crucial pour un processus participatif de prise de décision.
Honorons ceux et celles qui exercent leur droit à la libre expression pour rehausser cette discussion. Ce sont les reporters et des journalistes citoyens qui sont visés parce qu’ils couvrent les questions environnementales, les activistes qui luttent pour accéder à l’information, et les gens qui descendent dans la rue pour protester contre la destruction de l’écologie.
Parfois les reporters environnementaux paient le prix ultime
Le Honduras est le deuxième pays du monde où il est le plus dangereux de défendre l’environnement, selon le rapport de Global Witness. En septembre 2013, les membres de la communauté de Tolupán ont mis en branle une campagne d’urgence afin de sauver la vie de dirigeants autochtones locaux et celle de leurs familles après qu’ils eurent reçu des menaces anonymes. José Maria Pineda et ses compagnons militants travaillent à protéger les richesses naturelles de la région. À peine quelques semaines auparavant, à la fin août, trois de leurs collègues avaient été tués tandis qu’ils menaient un sit-in pour protester contre l’extraction minière.
Le Centre des droits de la personne du Cambodge (Cambodian Center for Human Rights) a couvert le meurtre survenu en 2014 du journaliste Suon Chan par des pêcheurs locaux, qui aurait été commis en raison de ses reportages sur la pêche illégale pratiquée dans la région. Il règne au Cambodge une culture d’impunité autour de ce genre de crime, comme le montre l’enquête bâclée sur le meurtre en 2012 du défenseur des droits environnementaux Chut Wutty.
Des activistes se font journalistes en Russie
Selon un rapport spécial du Comité pour la protection des journalistes (CPJ), à l’approche des Jeux d’hiver de Sotchi en Russie, la répression officielle et l’autocensure ont limité la couverture de l’information sur les questions délicates entourant la tenue des Olympiques, y compris la destruction environnementale. Dans le vide local de l’information, une communauté d’activistes environnementaux et de défenseurs des droits de la personne ont assumé quelques fonctions journalistiques, se servant des médias sociaux et des blogues pour mettre en lumière des questions importantes; des questions comme la destruction systématique des zones forestières de Sotchi, la pollution de l’eau, les coulées de boue et autres dommages reliés aux préparatifs olympiques.
Les organisations de défense de l’environnement ont subi des pressions pour qu’elles mettent fin à leurs activités et cessent de publier des dossiers critiques sur les Jeux, tandis que certains activistes ont été visés par des mesures directes d’intimidation et de représailles. En février, l’activiste Evgeny Vitishko a été condamné à purger trois ans dans une colonie pénitentiaire, ce que dans certains milieux on qualifie de poursuite politique. Vitishko est membre d’un groupe indépendant qui a publié un rapport sur les dégradations environnementales qu’a entraînées la préparation des Jeux.
Entre-temps, les éco-protestations sont prises à partie en Chine et à Oman
À la fin mars, les résidents de Maoming, dans la province du Guangdong, en Chine, sont descendus dans la rue pour protester contre des plans visant de construction d’une usine de fabrication d’un produit chimique toxique. Le groupe Human Rights Watch a fait part de sa préoccupation concernant l’usage de force excessive après que la police eut réprimé les manifestations, qui ont causé de nombreuses victimes. Entre-temps, les nouvelles au sujet des protestations ont apparemment été censurées, parce que certains affichages ont été retirés des médias sociaux et que la couverture par les médias de la Chine continentale a été limitée à de brèves déclarations et séquences vidéos fournies par les autorités.
On fait appel à un type différent d’intimidation pour étouffer l’expression à Oman. Le politicien Taleb El-Mamaari doit répondre à des accusations d’« incitation à manifester » après avoir participé en août 2013 à une manifestation organisée pour attirer l’attention sur la pollution de l’environnement dans le port de Sahar. « L’arrestation de Taleb El-Mamaari par les autorités omanaises pour s’être montré solidaire des familles de sa circonscription constitue un empiétement évident de la liberté d’opinion et d’expression », a déclaré le Réseau arabe d’information sur les droits de la personne (Arabic Network for Human Rights Information). « C’est une violation du droit des citoyens de participer à l’édification de leur pays par l’entremise de leurs représentants élus. »
Absence de débat ouvert sur l’énergie nucléaire et son utilisation
Le Center for Supporters of Human Rights, basé au Royaume-Uni, que dirige la lauréate iranienne du prix Nobel de la paix Shirine Ébadi, a lancé en 2013 un appel en faveur d’un « dialogue national sur l’énergie nucléaire » en Iran. La question a toujours été laissée au gouvernement du jour. « Mais ce n’est pas qu’une question politique. Elle concerne aussi l’économie, la société et l’environnement, et concerne par conséquent tous les citoyens iraniens… Les Iraniens ne disposent pas de suffisamment d’informations sur les avantages et les désavantages de l’énergie nucléaire pour leur pays », dit Ebadi dans son appel.
En même temps, un climat de censure et d’autocensure persiste dans les discussions sur l’énergie nucléaire au Japon, trois ans après le désastre à la centrale nucléaire Daiichi de Fukushima. « Le Japon est actuellement libre du nucléaire, mais le gouvernement tente de redémarrer certaines centrales », a déclaré au CPJ un journaliste basé à Tokyo. « Ils sont très intéressés à influencer les médias pour qu’ils disent que c’est business as usual et qu’ils minimisent les conséquences du désastre de Fukushima ». Dans un article de mars 2014, Reporters sans frontières (RSF) critiquait le fait que des journalistes et des blogueurs indépendants critiques à l’égard du gouvernement et du lobby nucléaire s’exposent à des poursuites judiciaires et à de l’intimidation.
Des groupes rapportent des différences dans la façon dont s’expriment les tensions entre préoccupations environnementales et intérêts politiques aux États-Unis et au Canada.
En ce qui concerne le gouvernement Harper au Canada, l’inquiétude se concentre sur les tentatives du gouvernement pour supprimer les communications sur les sciences du climat et de l’environnement par les scientifiques du gouvernement, au moyen de compressions financières systématiques dans la recherche environnementale et la collecte des données.
La situation aux États-Unis diffère considérablement, « mais laisse aussi entrevoir la nature problématique du soutien gouvernemental à une expansion accrue de l’extraction et de la production d’énergie fossile », indique Index on Censorship. « L’administration paraît sensible aux pressions de l’industrie qui vise à minimiser les conséquences environnementales et sociétales de l’extraction et de l’utilisation des ressources énergétiques d’origine fossile. »
Résister par la transparence et une meilleure information
Les groupes de défense des droits de la personne, dont Human Rights Watch, Amnistie Internationale et la Coalition pour la liberté d’accès à l’information (Freedom of Information Coalition) de la Sierra Leone ont salué en octobre 2013 l’adoption d’une loi d’accès à l’information en Sierra Leone. Pendant que les investisseurs étrangers retournent dans ce pays riche en ressources, le gouvernement cède en location des terres à l’agriculture commercialisée et à l’exploitation minière. Certains résidents, touchés par ces décisions, qui veulent obtenir davantage de renseignements ou qui contestent ces ententes, sont confrontés à des représailles allant du harcèlement jusqu’à l’arrestation. On espère que la ratification de la loi et son entrée en vigueur vont accroître la transparence gouvernementale.
Le Bangladesh dispose déjà d’une Loi d’accès à l’information, dont se prévalent des activistes pour exiger des comptes des autorités au sujet de la création d’un environnement sain et durable. ARTICLE 19 a couvert récemment cette question et son travail auprès des communautés à travers le pays afin de les habiliter pour qu’elles se servent de la Loi. Le leader d’une communauté entreprend par exemple des démarches judiciaires contre les autorités et fait campagne pour obtenir le retrait des usines polluantes établies dans l’illégalité.
L’accès à des renseignements fiables et précis figure également en bonne position dans le document d’ARTICLE 19 « Free Flow Principles » (Principes de libre écoulement). Ces principes, élaborés en collaboration avec des experts et des activistes de partout dans le monde, offrent des conseils aux décideurs et aux activistes sur la façon dont la liberté d’expression et d’information peut contribuer à assurer les droits à l’eau et à des systèmes sanitaires. Les principes ont été rendus publics à la veille de la Journée Mondiale de l’Eau, en mars 2014.
Enfin, ceux qui veulent couvrir ces questions complexes tireraient profit du guide pour les reporters de 2013, de l’Institut international de la presse, sur les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) de l’ONU. Il s’agit d’un manuel sur la façon de couvrir avec efficacité les questions liées au développement et, ainsi, de rappeler au public les engagements pris par les gouvernements pour la réalisation des OMD.
Ce qui précède ne sont que des exemples de quelques histoires sur l’environnement et des protestations publiées sur IFEX.org. Pour en savoir plus, consulter le site web de l’IFEX au moyen de mots clés comme « environnemental », « exploitation forestière » et « extraction minière ». Des rapports spéciaux sont souvent rendus publics en certaines occasions, comme la Journée Mondiale de l’Eau chaque année en mars, ou la Journée mondiale de l’environnement, en juin, et vous trouverez beaucoup de documentation sur ce sujet si vous suivez les discussions en cours entourant les Objectifs du Millénaire pour le développement.
Environnemental Watch on North Caucasus/Facebook