Nabeel Rajab a été libéré sous caution le 28 mai 2012, mais il a été arrêté à nouveau. De nombreux autres défenseurs des droits de la personne demeurent en prison, incluant le fondateur du BCHR, Abdulhadi Al-Khawaja. Al-Khawaja a annoncé la fin de sa grève de la faim, après 110 jours.
(BCHR/IFEX) – Voici une lettre qui demande à la famille royale de Bahreïn de libérer les défenseurs des droits de la personne et les citoyens en ligne incarcérés, notamment le fondateur et président du BCHR, groupe membre de l’IFEX. Les organisations signataires demandent en outre au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, au Parlement européen, à la Secrétaire d’État des États-Unis Hillary Rodham Clinton et à tous les gouvernements concernés d’user de leur influence auprès de la famille régnante afin que cessent les violations des droits de la personne à Bahreïn:
Shaikh Hamad bin Isa al-Khalifa
Roi; Commandant en chef des Forces armées
Bureau du Roi, C.P. 555.
Palais de Rifa’a
Manama, Bahreïn
Prince Salman bin Hamad bin Isa Al Khalifa
Prince héritier de Bahreïn
Palais de Rifa’a
Manama, Bahreïn
Sheikh Khalifa ibn Salman Al Khalifa
Premier ministre
Ministre des Affaires étrangères
C.P. 547
Government Road
Manama, Royaume de Bahreïn
Le 18 mai 2012
Nous les soussignées, organisations mondiales de défense des droits de la personne, demandons au Roi, au Prince héritier et au Premier ministre de Bahreïn de libérer immédiatement tous les défenseurs des droits de la personne, militants sur Twitter et blogueurs, qui sont détenus pour la seule raison qu’ils exercent leur droit à la libre expression pacifique, que ce soit en ligne ou lors de manifestations qui se sont déroulées l’an dernier. Nous demandons en outre au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, au Parlement européen et à tous les gouvernements concernés d’user de leur influence auprès de la famille régnante pour que cessent les violations des droits de la personne à Bahreïn.
Nous demandons la remise en liberté immédiate et l’administration de soins médicaux à Abdulhadi Al-Khawaja, éminent défenseur des droits de la personne, fondateur du Centre des droits de la personne de Bahreïn (Bahrain Centre for Human Rights, BCHR) et du Centre du Golfe pour les Droits de la personne (Gulf Centre for Human Rights, GCHR), et ancien membre du groupe Front Line Defenders. Al-Khawaja a entrepris le 8 février 2012 une grève de la faim pour défendre les droits civils et les droits de la personne du peuple de Bahreïn. Al-Khawaja possède la double citoyenneté, de Bahreïn et du Danemark. C’est pourquoi nous demandons aux autorités de Bahreïn de lui permettre de se rendre au Danemark afin d’y recevoir des soins pour les blessures résultant de la torture subie en détention, ainsi que pour les troubles de santé qu’a suscités sa longue grève de la faim.
Al-Khawaja a été condamné à la prison à vie pour son rôle dans l’organisation des manifestations de l’an dernier, en même temps que le blogueur, dirigeant d’opposition et défenseur des droits de la personne Abduljalil Al-Singace. Le blogueur Ali Abdulemam, de BahrainOnline, a été condamné in absentia à 15 ans de prison dans cette même affaire. Leur affaire, qui a fait l’objet d’un procès collectif regroupant 21 activistes, blogueurs et défenseurs des droits, devra faire l’objet d’un nouveau procès. La prochaine audience est prévue pour le 22 mai, au lendemain de la Revue périodique universelle (RPU) de Bahreïn des Nations Unies à Genève.
Les organisations soussignées se disent également extrêmement inquiètes à la suite de l’arrestation à Manama, le 5 mai, d’un important défenseur des droits de la personne, à savoir Nabeel Rajab, Président du BCHR et du GCHR, à son arrivée de Beyrouth où s’est tenu un atelier sur les droits de la personne. Le procès de Rajab doit commencer le 16 mai 2012, où les prévenus devront répondre à des chefs d’accusation d’« insulte à des corps constitués » dans un procès qui pourrait être décrit comme une attaque contre la liberté en ligne ou un « procès de la diffamation sur Twitter », le premier du genre à Bahreïn. Rajab doit également comparaître en cour le 22 mai pour une autre affaire, à savoir « participation à un rassemblement illégal et appel à d’autres à se joinde à lui ». Il s’est vu refuser tout cautionnement et il est détenu pour une deuxième semaine dans l’attente de son procès.
Rajab est un militant bien connu des droits de la personne qui travaille avec les organisations de défense des droits de la personne du monde entier. En plus d’être Président du BCHR, un groupe membre de l’Échange international de la liberté d’expression (IFEX), il est aussi membre du Comité consultatif de la Division Moyen-Orient de Human Rights Watch, Secrétaire général adjoint de la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH) et Président de CARAM Asie. Nous croyons fermement que Nabeel Rajab est visé en raison de ses efforts inlassables pour souligner, au moyen de Twitter, Facebook et d’autres médias sociaux, les violations massives des droits de la personne commises contre la population de Bahreïn.
Nous sommes aussi très préoccupés par les attaques constantes qui visent Zainab Al-Khawaja (@angryarabia), championne des droits de la personne et militante sur Twitter. Zainab Al-Khawaja se voit nier continuellement son droit de rendre visite à son père Abdulhadi Al-Khawaja à l’hôpital de la prison. Elle a au contraire été arrêtée à répétition et elle est incarcérée depuis le 21 avril 2012, date à laquelle elle a dit à sa mère avoir été « frappée extrêmement fort dans les jambes, poussée contre le mur et presque étouffée par un bâton ». Elle doit répondre à des accusations de rassemblement illégal, d’obstruction à la circulation, d’assaut sur la personne d’un officier et d’avoir proféré des jurons contre un officier.
Plutôt que de mettre en oeuvre les recommandations de novembre 2011 de la Commission d’enquête indépendante de Bahreïn (Bahrain Independent Commission of Inquiry, BICI) qui demandent de manière particulière la libération des personnes détenues en violation de leur droit à la libre expression, les autorités bahreïnies continuent de violer les normes internationales en matière de droits de la personne. Les manifestants continuent d’être arrêtés et tués, et il y a peu de justice pour ceux qui ont été torturés et qui sont morts en détention l’an dernier, notamment les journalistes Zakariya Al Asheri et Karim Fakhrawi. Les médecins et les infrmiers arrêtés et torturés l’an dernier pour avoir dénoncé publiquement la violence contre les manifestants sont toujours passibles de 15 ans de prison. De plus, les autorités continuent non seulement de recourir aux gaz lacrymogènes contre les manifestants, mais elles visent même des domiciles, dont celui de Nabeel Rajab où, fait sans précédent, on a eu recours aux gaz lacrymogènes.
Nous sommes très inquiets que la série d’attaques contre les défenseurs des droits de la personne, des activistes sur Twitter et des blogueurs dont les noms sont mentionnés plus haut, représente une tendance croissante qui consiste à cibler les défenseurs de la liberté de parole et des droits de la personne à Bahreïn, où le système judiciaire sert d’outil pour les faire taire, en particulier en leur niant toute caution tandis que les causes civiles restent pendantes.
Nous demandons au gouvernement de Bahreïn de :
1. Libérer immédiatement et sans conditions tous les défenseurs des droits de la personne, blogueurs et activistes sur Twitter qui sont détenus, parce que nous croyons qu’ils sont détenus uniquement en raison de leur travail légitime de défense des droits de la personne et parce qu’ils exercent de manière pacifique leur droit à la libre expression;
2. à défaut de les libérer sous caution ou autrement, d’accorder aux défenseurs des droits de la personne l’accès immédiat et sans entraves à leurs avocats et à leurs familles;
3. prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir l’intégrité physique et psychologique, ainsi que la sécurité d’Abulhadi Al-Khawaja, d’Abduljalil Al-Singace, de Nabeel Rajab, de Zainab Al-Khawaja et de tous les autres défenseurs des droits de la personne qui sont détenus;
4. faire rendre des comptes aux personnes responsables de la torture du défenseur des droits de la personne Abdulhadi Al-Khawaja et des autres personnes détenues parce qu’elles exercent leur droit de s’exprimer paisiblement, conformément aux recommandations du rapport de la BICI;
5. prendre des mesures afin de prévenir d’autres violations contre les personnes en détention et faire rendre des comptes aux personnes responsables des mauvais traitements infligés à Zainab Al-Khawaja;
6. garantir en toutes circonstances que tous les défenseurs des droits de la personne à Bahreïn sont en mesure de se livrer à leurs activités légitimes de défense des droits de la personne sans crainte de représailles ni d’attaques contre leur personne ni de restrictions, notamment de harcèlement judiciaire.
Ont signé,
Membres de l’IFEX: