La décision du 6 février 2015 marque la première fois dans les 15 ans de son existence que le seul tribunal du Royaume-Uni habilité à superviser le GCHQ, le MI5 et le MI6, a rendu un jugement défavorable aux services de renseignement et de sécurité.
Un jugement récent prononcé par le Tribunal sur les pouvoirs d’enquête du Royaume-Uni (Investigatory Powers Tribunal, IPT) a provoqué chez Privacy International le tweet de victoire qui suit.
Victoire ! Tout#GCHQ–#NSA le partage de renseignements effectué dans le cadre du#PRISM effectué avant décembre 2014 a été déclaré illégal, #UK a tranché un tribunal du Royaume-Uni : https://t.co/3hCOKEOS1B
— PrivacyInternational (@privacyint) 6 février 2015
Une victoire en effet. Comme le rapporte Bytes for All , la décision du 6 février 2015 marque la première fois que le Tribunal, le seul du Royaume-Uni habilité à superviser le GHCQ [Quartier général des Communications du gouvernement], le MI5 le MI6, ait jamais rendu une décision défavorable aux services de renseignement et de sécurité depuis 15 ans qu’il existe. Le tribunal a en effet déclaré que le GCHQ avait agi de façon contraire à la loi en accédant à des millions de communications privées amassées jusqu’en décembre 2014 par la NSA (National Security Agency) des USA.
Les requérants dans cette affaire sont Privacy International (PI), Bytes for All, Liberty, et Amnistie Internationale.
« La décision de l’IPT en faveur des citoyens crée un précédent merveilleux pour les jugements à venir, non seulement pour les tribunaux du Royaume-Uni, mais aussi pour des pays en développement comme le Pakistan, qui s’inspirent des pays développés pour formuler leurs politiques. La décision prouve en outre qu’aucune autorité, et cela comprend l’armée et les renseignements, n’est au-dessus des lois, et que dans les pays où cela n’est pas le cas, la portée des lois doit être améliorée. »
Shahzad Ahmad, Directeur responsable de pays à Bytes for All, Pakistan
L’affaire n’a été rendue possible que grâce au lanceur d’alertes Edward Snowden, auparavant de la NSA, dont les documents qu’il a coulés ont fourni les faits nécessaires pour contester la relation déjà ancienne de partage des renseignements. Ce que Snowden craignait le plus, c’était que « rien ne change ». Le jugement de l’IPT justifie ses actions admirables et démontre la puissance de l’examen attentif du public et de la transparence du pouvoir d’État, a déclaré PI.
Selon Carly Nyst de Privacy International (PI), « il est rare de forcer à dire la vérité un des bras les plus puissants et les plus cachottiers de l’État. » Il est donc magnifique de voir que cette affaire a reçu une bonne couverture médiatique au Royaume-Uni.
Notre histoire sur le GCHQ qui a perdu une affaire devant les tribunaux est la plus lue dans le Guardian. Bien avant « Les 10 meilleures scènes de sexe », @privacyint elle se vend mieux que le sexe. cc @e3i5
— Eva Blum-Dumontet (@Arcadian_O) 6 février 2015
@privacyint @e3i5 @richietynan @GusHosein @carlynyst @RispoliMike @mattr3 A fait la une du@standardnews ! pic.twitter.com/BfwEZwPu1O
— Chris Weatherhead (@CJFWeatherhead) 6 février 2015
Une victoire douce-amère
Tandis que les félicitations continuent d’affluer, les requérants dans cette affaire ne peuvent se reposer sur leurs lauriers. Tout d’abord, PI et Bytes for All vont demander au tribunal de confirmer si leurs communications ont été enregistrées illégalement avant décembre 2014 et, le cas échéant, ils vont exiger qu’on les efface immédiatement.
Entre-temps, les contestations judiciaires de la « légalité » des pratiques du GCHQ vont se transporter devant la Cour européenne des droits de l’homme.
Alors qu’est bien accueillie la décision de l’IPT, nous devons continuer à nous battre. La divulgation des règles ne légalise pas les pratiques du #GCHQ https://t.co/USGgvLIgJS
— PrivacyInternational (@privacyint) 6 février 2015
Selon l’explication de PI, le jugement de l’IPT représente « à la fois le triomphe de la société civile et des défenseurs de la vie privée qui oblige le pouvoir à un exercice de vérité, et l’échec du système judiciaire qui s’avère incapable de contraindre ce pouvoir ».
« Tandis que Privacy International célèbre la victoire de vendredi contre les services de sécurité de Grande-Bretagne – la première du genre au XXIe siècle – nous ne pouvons nous empêcher d’éprouver le caractère doux-amer de ce succès.
Après tout, nous pouvons bien avoir convaincu le Tribunal sur les pouvoirs d’enquête que le GCHQ opérait dans l’illégalité quand il accédait aux bases de données de la NSA, remplies de milliards de courriels et de messages, mais, en procédant à quelques ajustements techniques, les services de renseignement se sont arrangés pour se prémunir contre toute contestation future, du moins devant les tribunaux nationaux. »
Eric King, Directeur adjoint de Privacy International
Entre-temps, de l’autre côté de la grande mare…
Pendant que se poursuit la lutte en Europe, une contestation de la surveillance exercée par la NSA aux États-Unis est tombée sur un os le 10 février lorsqu’une cour de district a même refusé d’examiner la constitutionnalité de cette surveillance.
L’affaire, Jewel vs NSA, a trait à la poursuite intentée depuis déjà longtemps par l’Electronic Frontier Foundation (EFF) contre la surveillance de masse, déposée au nom de clients de la société AT&T, et dont les communications et les dossiers téléphoniques sont épluchés par la NSA.
Élément important : le tribunal n’a pas conclu que la surveillance exercée par la NSA était légale. C’est plutôt que le secret d’État empêche nos clients de se faire entendre en audience publique.
— EFF (@EFF) 10 février 2015
« Un tribunal fédéral de San Francisco a donné raison au Département américain de la Justice, statuant que les plaignants ne pouvaient pas remporter une partie importante de l’affaire […] sans la divulgation de renseignements classifiés susceptibles de nuire à la sécurité nationale. En d’autres mots, le juge Jeffrey White a conclu que les « secrets d’État » peuvent l’emporter sur le processus judiciaire et donc que les clients de l’EFF ne pouvaient démontrer qu’ils ont qualité pour contester.
Soyons parfaitement clair : cette décision ne met pas fin à l’affaire de l’EFF. Le juge n’a pas conclu qu’il était légal pour la NSA de fouiller au cœur de l’Internet… L’EFF entend continuer à se battre en cour, tant dans l’affaire Jewel que dans les deux autres poursuites judiciaires que nous avons en cours et qui contestent la surveillance exercée par la NSA. »
Déclaration de la Electronic Frontier Foundation