La justice doit mener une révision indépendante de l'arrestation des cinq militants et de leur procès, a déclaré une coalition internationale de sept organisations de défense des droits humains.
(ANHRI/Human Rights Watch/Index on Censorship/IFEX) – Abou Dabi, le 30 novembre 2011 – La décision de commuer les peines de cinq militants est la reconnaissance du fait qu’ils n’auraient pas dû être poursuivis en premier lieu, mais les autorités devraient également effacer les condamnations de leurs casiers judiciaires, a déclaré aujourd’hui une coalition internationale de sept organisations de défense des droits humains. Le 28 novembre 2011, le président des Émirats arabes unis a commué les peines prononcées par la Cour suprême fédérale pour « insulte publique » de dirigeants des Émirats.
Alors que la décision de commuer les peines était un pas positif, les autorités émiriennes devraient à présent protéger les militants, surnommés par leurs défenseurs « les cinq des Émirats », ainsi que leurs proches, contre toute action d' »auto-justice » par des partisans du gouvernement et enquêter immédiatement sur les nombreuses menaces qu’ils ont reçues, a ajouté la coalition. Les sept organisations qui constituent la coalition sont Alkarama (Dignité), Amnesty International, le Réseau arabe d’information sur les droits humains (ANHRI), Front Line Defenders, le Centre du Golfe pour les droits humains (GCHR), Human Rights Watch et Index On Censorship. Les autorités devraient en outre mener une révision judiciaire indépendante des arrestations des cinq hommes et de leur procès, qui ne s’est pas déroulé selon les critères internationaux en vigueur, et les dédommager pour leur emprisonnement de plus de sept mois.
« Libérer les ‘cinq des Émirats’ est un pas positif, mais ils n’auraient jamais dû passer un seul jour derrière les barreaux, sans parler de sept mois », a déclaré Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Une simple commutation de peine ne suffira pas à annuler le traitement désastreux de cette affaire par le gouvernement. »
Le 27 novembre, un jury composé de quatre juges a déclaré les cinq hommes coupables et condamné Ahmed Mansoor, un éminent réformateur émirien, à trois ans d’emprisonnement, et les autres à deux ans. En violation des critères internationaux définissant un procès juste, les détenus n’avaient aucun droit de faire appel, vu que, dans cette affaire, les poursuites étaient engagées selon des procédures de la sécurité d’État.
Les hommes ont été libérés dans la soirée du 28 novembre, après la commutation de leurs peines par le président émirien, Cheikh Khalifa Ben Zayed Al Nahyan. Des représentants de la coalition des droits humains ayant rencontré Mansoor à sa sortie de prison ont déclaré qu’il avait l’air fragile et amaigri suite à son incarcération, incluant une grève de la faim de deux semaines. Mansoor a déclaré qu’il avait perdu 24 kilos pendant la période qu’il a passée en prison.
Malgré la commutation des peines, les militants pourraient garder un casier judiciaire, a déclaré un de leurs avocats. Les autorités des Émirats devraient les innocenter et effacer la condamnation de leurs dossiers, sinon ils pourraient rencontrer des difficultés pour trouver du travail ou voyager, a déclaré la coalition.
« La libération de ces personnes n’empêchera pas une telle parodie de justice de se reproduire», a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord à Amnesty International. « Pour que cette libération soit davantage qu’une opération de relations publiques, il faudrait aussi décriminaliser immédiatement la diffamation et refondre le système judiciaire. »
La coalition a déclaré que les Émirats devraient inviter des experts de l’ONU spécialistes de la liberté d’expression et de l’indépendance des juges et des avocats. Un rapport rédigé par une observatrice représentant la coalition a trouvé des erreurs flagrantes dans le traitement de cette affaire. Elle recommandait entre autres de prononcer un non-lieu concernant les chefs d’inculpation contre les cinq militants.
Les militants et leurs familles ont été la cible d’une violente campagne de dénigrement faite de menaces, calomnies et intimidations, pour laquelle les autorités n’ont lancé aucune enquête ni procédure judiciaire, ont déclaré les organisations de défense des droits humains. Lors de l’incident le plus récent, le 27 novembre, un partisan du gouvernement a agressé un parent de l’un des détenus et lui a hurlé des menaces et des grossièretés à l’extérieur du tribunal, malgré toute la sécurité déployée après le verdict. Un rapport indépendant du 25 novembre, rédigé au nom du Centre du Golfe pour les droits humains, avec l’aide de chercheurs de Human Rights Watch, a détaillé les menaces des sympathisants du gouvernement et l’atmosphère d’impunité dans laquelle elles ont été émises.
« Les ‘cinq des Émirats’ ont beau être enfin libres, leur sécurité est toujours menacée à cause d’une campagne de diffamation menée impunément », a déclaré Rachid Mesli, directeur du département juridique à Alkarama. « Les autorités devraient cesser de regarder ailleurs, et commencer à poursuivre ceux qui émettent des menaces de mort. »
Les cinq militants ont été arrêtés en avril. Leur procès s’est ouvert le 14 juin à Abou Dabi. Ce sont : Ahmed Mansoor, ingénieur, blogueur et membre du comité consultatif de Human Rights Watch pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, ainsi que du réseau ANHRI ; Nasser Bin Ghaith, économiste et conférencier à l’Université Sorbonne-Abou Dhabi ; et les cyber-activistes Fahad Salim Dalk, Ahmed Abdul-Khaleq et Hassan Ali Al Khamis.
Tous les cinq ont été inculpés en vertu de l’article 176 du code pénal, qui criminalise l’insulte publique de hauts responsables, et pour avoir utilisé le forum politique en ligne interdit UAE Hewar. Les organisations de défense des droits humains ont examiné les messages prétendument postés par les accusés, tous se contentent de critiquer la politique du gouvernement ou des responsables politiques. Il n’y a aucune preuve que ces personnes aient utilisé ou incité à la violence dans le cadre de leurs activités politiques. Les organisations des droits humains ont déclaré que les poursuites contre les cinq hommes violait le droit à la libre expression garanti par la constitution des Émirats aussi bien que le droit international relatif aux droits humains.