RSF met en garde contre le risque réel d'impunité entourant l'assassinat, en mars 2008, de Carlos Quispe Quispe, journaliste de la station Radio Municipal Pucarani.
(RSF/IFEX) – Reporters sans frontières met en garde contre le risque réel d’impunité et d’oubli entourant l’assassinat, en mars 2008, de Carlos Quispe Quispe, journaliste de la station Radio Municipal Pucarani dans la ville du même nom (Ouest). Reporté trois fois, le procès des auteurs présumés de son assassinat a été ajourné il y a un an, le 18 juin 2008, à l’issue d’une journée d’audience sans qu’aucune nouvelle date ait jamais été fixée. Plombé par les négligences judiciaires, peu couvert par la presse, le dossier reste en souffrance depuis un an.
« Ni le contexte de violence politique à l’époque des faits, ni les mouvements de personnel au sein de l’appareil judiciaire ne justifient pareille inertie. Le report sine die du procès des responsables présumés de la mort de Carlos Quispe Quispe a causé la déperdition du dossier. Cette situation relève au pire d’une volonté assumée de ne pas le ressortir, au ‘mieux’ de l’indifférence. Elle est d’autant moins compréhensible que les responsabilités ont été établies, étayées par des témoignages. Il importe que la ministre de la Justice, Celima Torrico Rojas, intervienne afin que la procédure reprenne, et que soient connues les raisons d’une telle lenteur », a déclaré Reporters sans frontières.
L’assassinat de Carlos Quispe Quispe est intervenu dans un contexte de crise politique, locale et nationale. Le 27 mars 2008, deux mois après la mise en cause du maire pour « corruption », quelque 300 personnes ont pris d’assaut le bâtiment municipal. Des manifestants ont investi la rédaction de Radio Municipal Pucarani, située dans l’édifice, où Carlos Quispe Quispe occupait son poste. Roué de coups et laissé à moitié inconscient, le journaliste est décédé le 29 mars des suites de ses blessures, à l’âge de 31 ans.
Les événements du 27 mars 2008 ont donné lieu à l’ouverture de deux procédures : l’une pour « vol aggravé » et l’autre pour « homicide ». En un an, pas moins de sept procureurs se sont succédé pour instruire l’affaire. L’enquête a cependant mis au jour la responsabilité de six membres de l’administration municipale dans les violences qui ont causé la mort du journaliste. Il s’agit des conseillers municipaux Edwin Huampu Espinoza, Basilio Poma Poma, Nicolasa Cruz Quispe et Rufina Zerna Flores, du fonctionnaire du comité de vigilance (l’instance de contrôle municipal) Efraín Bonifacio Ticonipa, et du président du comité Julio Quisberth Quispe.
Deux de ces six personnes, accusées au procès avorté du 18 juin 2008, ont fait l’objet d’un ordre de détention pour le saccage du palais municipal : Rufina Zerna Flores et Efraín Bonifacio Ticonipa. Tous deux ont été libérés après avoir déposé un recours constitutionnel en habeas corpus. Une partie de la procédure a été annulée pour vices de forme. Edwin Huampu Espinoza ne s’est jamais présenté aux audiences ultérieures et a pris la présidence du conseil municipal de Pucarani. L’avocat de la famille du journaliste a fini par abandonner le dossier en janvier 2009. Aucun autre avocat ne l’a repris depuis.