Au cours d'un récent déplacement dans la région, RSF a constaté l'impasse totale dans les différentes enquêtes.
(RSF/IFEX) – Le 19 novembre 2010 – Quatre journalistes sont toujours portés disparus dans l’État de Michoacán (Sud-Ouest), l’un des épicentres de l’offensive fédérale contre les cartels de la drogue, engagée peu après l’investiture du président Felipe Calderón, en décembre 2006. La disparition de José Antonio García Apac, le 20 novembre 2006, a précédé de peu le déclenchement des opérations. Quatre ans plus tard, personne ne sait ce qu’il est advenu du directeur de l’hebdomadaire local « Ecos de la Cuenca ».
Le Michoacán est notamment connu pour son redoutable cartel – « La Familia » – dont l’un des chefs, Arnaldo Rueda, a été arrêté en 2009. Au cours d’un récent déplacement dans la région, Reporters sans frontières a malheureusement constaté l’impasse totale dans les différentes enquêtes. Pourtant, comme nous l’a confié son président Víctor Manuel Serrato Lozano, la Commission des droits de l’homme de l’État (CEDH) a diligenté quelque 600 actions concernant 123 affaires de disparitions survenues dans la période 2008-2010.
Onze dossiers de plaintes concernant des agressions contre des journalistes s’empilent dans les bureaux de la CEDH. La plupart de ces violences ont trait à des perquisitions illégales et des menaces impliquant la police ou les forces armées. Les attaques envers la presse sont tout autant imputables aux fonctionnaires qu’au crime organisé. Les pesanteurs bureaucratiques, tant au niveau des États qu’à l’échelon fédéral, expliquent également la déperdition de dossiers qui se devaient d’être traités en priorité.
Au Mexique, le code pénal fédéral définit la notion de « disparition forcée » uniquement dans des cas impliquant des fonctionnaires ou les dépositaires d’une charge publique. Par ailleurs, la qualification de « disparition » n’entre pas dans le cadre des délits punis par le code pénal de l’État de Michoacán. Juridiquement donc, les quatre affaires récentes concernant des journalistes sont instruites en tant que « privations illégales de liberté ». En réponse à ce flou légal, les différentes administrations concernées, qu’elles soient locales ou fédérales, n’ont de cesse de se renvoyer mutuellement les dossiers.
Pendant ce temps, les familles des quatre journalistes disparus du Michoacán s’épuisent à relancer les autorités afin d’obtenir des réponses.
L’enquête sur la disparition de José Antonio García Apac est pratiquement revenue au point mort. Le dossier a fait l’objet d’une procédure dite de « réserve » à trois reprises – la dernière remontant à mars 2008 -, faute d’éléments nouveaux susceptibles de relancer les recherches. D’après ses proches, le journaliste détenait des informations concernant les collusions avec le narcotrafic de fonctionnaires de l’État et de municipalités du Michoacán. Une situation dont José Antonio García Apac avait, à plusieurs reprises, tenté d’alerter les autorités fédérales peu avant sa disparition.
Le cas de Mauricio Estrada Zamora n’a guère plus avancé. Le journaliste, correspondant du quotidien régional La Opinión de Apatzingán, est porté disparu depuis le 12 février 2008. Au lendemain de sa disparition avait paru un article signé de lui, relatif à la détention d’une bande de narcotrafiquants dans la localité d’Aguililla. Un agent du groupe « anti-enlèvement » avait alors confié à la famille y voir un lien de cause à effet. Selon une autre version, le journaliste entretenait un différend avec un surnommé « El Diablo » (le diable), en fait un policier de l’ex-Agence fédérale d’investigation (le FBI mexicain) entièrement affectée à la lutte antidrogue. Les raisons du conflit n’ont jamais été révélées et « El Diablo » a été muté hors du Michoacán, le 11 février 2008, veille de la disparition du journaliste de La Opinión.
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