A l’approche du scrutin qui opposera, le 7 octobre 2012, le président Hugo Chávez à son rival d’opposition Henrique Capriles Radonski, l’affrontement bat déjà son plein dans la sphère médiatique bien au-delà des conditions normales d’un débat démocratique serein et pluraliste.
(RSF/IFEX) – A l’approche du scrutin qui opposera, le 7 octobre 2012, le président Hugo Chávez à son rival d’opposition Henrique Capriles Radonski, l’affrontement bat déjà son plein dans la sphère médiatique bien au-delà des conditions normales d’un débat démocratique serein et pluraliste. La haine, l’invective, la course à la rumeur et parfois la violence envers des journalistes “coupables” d’appartenir à leur média prennent une ampleur préoccupante à sept mois de l’échéance. Si toutes les agressions ne sont pas liées directement au contexte préélectoral, les tensions générées par celui-ci rendent de plus en plus difficile l’exercice du journalisme de terrain.
“La responsabilité de cette situation se situe évidemment à plusieurs niveaux. Elle concerne, d’une part, le gouvernement et les forces politiques en présence qui doivent urgemment rappeler leurs militants aux principes fondamentaux du débat, au lieu d’accuser systématiquement l’autre camp. Elle incombe également aux médias eux-mêmes, qui doivent s’engager – et quel que soit leur statut, public ou privé -, à assurer un réel équilibre du temps de parole et à éviter des surenchères de nature à exposer leurs propres employés à la colère de la rue. Un code de bonne conduite à l’initiative des états-majors et des différents médias est-il envisageable? Enfin, Reporters sans frontières appelle à l’apaisement dans la blogosphère. Nous condamnons sans réserve les spéculations morbides et dégradantes sur l’état de santé du président Hugo Chávez, comme les propos homophobes et antisémites adressés à Henrique Capriles Radonski. Ces messages, répercutés sur des comptes Twitter parfois piratés, sont indignes du choix politique qui s’annonce”, a déclaré l’organisation.
Durant la première quinzaine du mois de mars, certains épisodes ont mis en évidence un climat de polarisation politique qui peut aujourd’hui mettre en danger les journalistes. Au cours d’une visite du candidat Henrique Capriles Radonski dans le quartier San José de Cotiza à Caracas, le 4 mars, des militants armés du Parti socialiste uni du Venezuela (PSUV, au pouvoir) ont menacé une équipe de la chaîne d’informations Globovisión composée de la journaliste Sasha Ackerman, du cameraman Frank Fernández et de l’assistant Esteban Navas. Des coups de feu ont été tirés et une balle a blessé le fils d’un député d’opposition. Coursés alors qu’ils se réfugiaient dans une maison, les journalistes ont dû livrer leurs enregistrements à leurs agresseurs.
Haïe du gouvernement, qui ne lui pardonne pas son attitude complaisante lors du coup d’État d’avril 2002, Globovisión continue de batailler contre une lourde procédure administrative que lui a valu sa couverture, en juin dernier, d’une mutinerie au pénitencier d’El Rodeo. Le siège de la chaîne a fait l’objet, le 11 mars, d’une vindicte publique, heureusement sans violence, du collectif La Piedrita. Les militants radicaux pro-gouvernementaux ont accusé le média de “financer des groupes paramilitaires”, et d’être ainsi à l’origine de l’assassinat de deux des leurs, la veille dans un quartier populaire de la capitale.
Quatre jours plus tard, les représentants d’un conseil communal ont agressé l’équipe de l’émission “El Radar de los Barrios”, venue s’entretenir avec les habitants d’une communauté locale de l’État de Carabobo au sujet d’une affaire de pollution industrielle des eaux.
Depuis le 21 mars 2012 et sur ordre d’un tribunal de Caracas, aucun média écrit, audiovisuel ou en ligne n’a désormais plus le droit de faire mention d’une présumée pollution industrielle affectant l’eau destinée à la consommation courante dans la région métropolitaine de Caracas et dans les états centraux de Miranda, Aragua et Carabobo.
Cette mesure fait suite à une demande de trois citoyens, dont l’objet est de vérifier si la “campagne” menée par les médias constitue un éventuel délit, passible d’une réponse pénale. D’après la Procureur générale de la République, Luisa Ortega, aucun élément sérieux ne viendrait corroborer cette affaire de contamination des eaux. Une version contestée par les déclarations de certains fonctionnaires régionaux.
“Il s’agit d’un acte de censure pure et simple, politiquement motivé. Parler d’un sujet qui fâche reviendrait forcément, selon l’habituelle rhétorique gouvernementale, à tenter de ‘déstabiliser’ le pouvoir en place. Les citoyens sont-ils à ce point incapables de se forger leur propre opinion ? Faut-il taire une information d’intérêt général parce qu’elle pourrait provoquer la ‘panique’ ? Contestable sur le fond et inopportune, cette décision de justice ne peut qu’ajouter à la détérioration du climat politique et médiatique préélectoral”, a déclaré Reporters sans frontières.
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