RSF est profondément choquée par l’arrestation du citoyen-journaliste Ali Mahmoud Othman et de l'activiste Noura Al-Jizawi.
(RSF/IFEX) – Reporters sans frontières est profondément choquée par l’arrestation, par les autorités syriennes, du citoyen-journaliste, Ali Mahmoud Othman, et de l’activiste, Noura Al-Jizawi, le 28 mars 2012. L’organisation est particulièrement inquiète pour leur vie.
“Les citoyens-journalistes dont les seuls crimes sont d’avoir témoigné, filmé et photographié les violences d’un régime qui s’enferme dans une folie meurtrière, sont traqués, arrêtés, torturés, voire assassinés. Figures emblématiques de la résistance, ils bravent tous les dangers pour empêcher le black-out de l’information sur l’horreur de la répression en Syrie. Nous tiendrons pour responsables les autorités syriennes de ce qui pourrait leur arriver”, a déclaré Reporters sans frontières.
“Le régime syrien est plus que jamais déterminé à ne laisser sortir aucune information sur la répression. La Syrie est un véritable enfer pour les professionnels des médias et les citoyens-journalistes”, a ajouté l’organisation.
Ali Mahmoud Othman, 34 ans, un des citoyens-journalistes les plus actifs de la région de Homs, a été interpellé par les services de renseignement syrien, à Alep, le 28 mars dernier. Deux jours plus tard, il a été transféré à Damas. Le pire est à craindre, comme l’exprime le photographe Paul Conroy, reprenant les propos du porte-parole de la diplomatie britannique.
Ali Othman, surnommé “Al-Jed” (“grand-père” en arabe), est l’un des responsables du Centre des médias de Bab Amr. Marchand de légumes avant les événements, il s’est transformé en résistant de l’information, filmant les manifestations et les bombardements de la ville de Homs afin de documenter, au plus près, la révolte et sa répression. Contact privilégié pour les journalistes étrangers, il a été d’une immense aide lorsque les deux journalistes français Edith Bouvier et William Daniels, le photographe britannique Paul Conroy et le journaliste espagnol Javier Espinosa ont été pris au piège dans l’enfer de Bab Amr, suite au bombardement du Centre des médias le 22 février 2012. Il a joué un rôle prépondérant dans leur exfiltration vers le Liban. Reporters sans frontières rappelle que l’attaque du Centre des médias à Homs avait coûté la vie à la reporter américaine, Marie Colvin, et au photographe français, Rémi Ochlik.
L’activiste Noura Al-Jizawi, 24 ans, a quant à elle été enlevée par les services de sécurité, le 28 mars 2012, à Damas. Membre de la Commission générale de la révolution syrienne et de Flash News Network, elle collabore au journal révolutionnaire syrien Hurriyat.
Le jour de sa disparition, Noura Al-Jizawi avait sur elle six appareils photos contenant de nombreux clichés et vidéos de manifestations. Depuis, sept femmes et cinq hommes, tous activistes, sont portés disparus. On peut craindre que la liste s’allonge…
Reporters sans frontières rappelle que, le 26 mars 2012, à Darkush, à la frontière syro-turque, deux journalistes indépendants, Walid Blidi, de nationalité britannique, et Nassim Terreri, dont la nationalité reste à déterminer, ont été tués par balles par des militaires syriens.
Le 25 mars 2012, Jawan Mohamed Qatna, photographe amateur, enlevé à son domicile de la ville de Derbassieh (au nord d’Al-Hassakeh située à l’est de la Syrie), a été retrouvé mort, son corps portant les traces de mauvais traitements. Activiste au sein du mouvement des jeunes kurdes, Jawan Mohamed Qatna était photographe pour le comité de coordination kurde (Free Derbassiyeh Coordination Committee). Il couvrait régulièrement les manifestations qui se tiennent dans cette région à très forte majorité kurde et envoyait ses clichés à différents médias. A ce jour, l’organisation ignore l’identité des responsables de cet assassinat ciblé.
Reporters sans frontières a aussi appris l’arrestation, par les services de renseignement, du journaliste Wassim Zakaria Al-Dahan, le 26 mars 2012, à Damas. Il travaillait pour le journal Qassioun. Sa famille et ses proches sont sans nouvelles de lui.
Le poète et blogueur Dia’a Al-Abdullah est détenu depuis le 13 février 2012, pour avoir posté sur Facebook une lettre ouverte adressée au président Bachar Al-Assad, intitulée “As A Syrian Citizen I Announce”, dans laquelle il l’exhorte à stopper le bain de sang.
Par ailleurs, l’organisation n’a aucune nouvelle des blogueurs et activistes Jamal Al-Omas et Mohamed Abu Hajar, arrêtés respectivement le 15 et le 14 mars dernier. Mêmes incertitudes sur le sort de Yara Michael Shamas, le blogueur Jehad Jamal connu sous le nom de “Milan”, et l’étudiante en journalisme Etab Labbad, 20 ans, qui a travaillé pour différents journaux et sites Internet tels que Qassioun et Baladna. Ils ont été tous arrêtés le 7 mars 2012 dans la capitale.
Rudy Othman, arrêté le 15 mars dernier, a été relâché.
Huit personnes sont toujours maintenues en détention, sur les seize victimes de la rafle au Centre Syrien des Médias et de la Liberté d’Expression (CSM), le 16 février dernier, à Damas : le directeur Mazen Darwish, Hussein Gharir, Hani Zitani, Joan Fersso, Bassam Al-Ahmed, Mansour Al-Omari, Abdel Rahman Hamada et Ayham Ghazzoul. D’après les informations recueillies, ils auraient entamé une grève de la faim. Reporters sans frontières réitère son appel en faveur de leur libération.
On est toujours sans nouvelles des deux journalistes turcs, Adem Özköse, correspondant pour Gerçek Hayat et le quotidien Milat et Hamit Coşkun, cameraman, kidnappés le 10 mars dernier dans la région d’Idlib par des Shabiha et remis depuis aux renseignements syriens.
Par ailleurs, plusieurs journalistes et net-citoyens sont toujours détenus ou n’ont plus donné de nouvelles. Voilà une liste non-exhaustive (avec le soutien du Centre syrien pour les médias et la liberté d’expression) :
-Said Dairky, ingénieur qui travaille à la télévision nationale, arrêté le 14 janvier dernier ;
-Alaa Shueiti, cyberactiviste, arrêté le 15 octobre 2011, à Homs ;
-Mos’ab Massoud, journaliste pour Addounia, arrêté le 1er octobre 2011, après avoir publié un article sur Elaph, intitulé “The ministry of media and information and the question of sectarianism”;
-Firas Fayyad, réalisateur, arrêté le 1er décembre 2011, à l’aéroport de Damas, alors qu’il voulait se rendre à Dubaï ;
-Bilal Ahmed Bilal, réalisateur pour la chaîne Falesteen, arrêté à Mo’adamieh dans la banlieue de Damas, le 13 septembre 2011 ;
-Abdelmajid Rashed Al-Rahmoun, arrêté le 23 août 2011 à Hama ;
-Tarek Said Balsha, photographe arrêté à Latakiya le 19 août 2011. On est sans nouvelles de lui depuis ;
-Mohamed Nihad Kurdiyya, ingénieur mécanique, arrêté à Latakiya alors qu’il devait être interviewé sur Al-Jazeera, le 18 août 2011 ;
-Abdelwalid Kharsah, reporter, arrêté le 17 août 2011 alors qu’il couvrait les manifestations à Deraa ;
-Olwan Zouaiter, journaliste, a collaboré pour de nombreux quotidiens libanais. Il avait été arrêté par les services de renseignements dans la ville de Raqqa, le 16 mars 2011. Suite à une condamnation initiale à cinq ans de prison, pour avoir contacté l’opposition syrienne, sa peine a été allégée à treize mois de prison ferme. Il purge sa peine à la prison de Raqqa.
Par ailleurs, depuis le 10 février dernier, la rumeur circule que le corps sans vie de l’écrivain et activiste, Hussein ‘Issou, arrêté le 3 septembre 2011 dans la ville d’Al-Hassakah (Nord-Est), aurait été transféré à la morgue de l’hôpital militaire de Damas. Depuis, nous assistons à une guerre de l’information, ou de la désinformation, sur le sort de cet opposant. Le 13 février, Reporters sans frontières a exhorté les autorités syriennes à faire toute la lumière sur l’état de santé de Hussein ‘Issou. Sa famille est toujours sans nouvelles.
Par ailleurs, Moheeb Al-Nawathy, journaliste palestinien vivant en Norvège depuis 2007, est porté disparu depuis le 5 janvier 2011, quelques jours après son arrivée à Damas. Le journaliste, affilié au Fatah, travaillait auparavant pour le site internet de la chaîne satellitaire Al-Arabiya. Tal Al-Mallouhi, une étudiante et blogueuse de 21 ans, est détenue depuis la fin du mois de décembre 2009, a comparu de nouveau, le 17 janvier 2011, devant la Haute Cour de sécurité de l’Etat. Elle serait accusée d’“espionnage” au profit des Etats-Unis et détenue à la prison de Douma, près de Damas. Les internautes du monde entier se sont mobilisés en ligne pour réclamer sa libération.