(RSF/IFEX) – Dans une lettre adressée à la présidente de la République, Mireya Moscoso, RSF a exprimé sa préoccupation à l’égard de deux projets de lois actuellement en discussion. Le premier texte de loi imposerait aux journalistes l’adoption d’un « code d’éthique » qui remet en cause le secret des sources. Il prévoit également qu’il faut être […]
(RSF/IFEX) – Dans une lettre adressée à la présidente de la République, Mireya Moscoso, RSF a exprimé sa préoccupation à l’égard de deux projets de lois actuellement en discussion. Le premier texte de loi imposerait aux journalistes l’adoption d’un « code d’éthique » qui remet en cause le secret des sources. Il prévoit également qu’il faut être titulaire d’un diplôme pour exercer le métier de journaliste et établit des discriminations à l’égard des journalistes étrangers. « Nous vous demandons de tout mettre en oeuvre pour que ces dispositions soient supprimées et que le projet de loi soit conforme à la Déclaration de principes sur la liberté d’expression adoptée par la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) », a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de RSF. Dans son article 6, celle-ci stipule que « l’obligation d’appartenir à une association ou d’être titulaire de certains diplômes pour exercer le métier de journaliste constitue une restriction illégitime à la liberté d’expression. Le journalisme doit être régi par une éthique qui, en aucun cas, ne peut être imposée par l’État ». La Déclaration stipule également que toute personne, « sans discrimination » (article 2), a le droit de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et reconnaît au journaliste « le droit de protéger ses sources d’informations, ses notes et archives personnelles et professionnelles » (article 8).
Un second projet de loi sur le droit de réponse vise à protéger « la personnalité, l’intimité ou l’honneur » des individus. « Tel qu’il est rédigé, ce projet de loi peut donner lieu à des interprétations subjectives et arbitraires », s’est inquiété Ménard. RSF a demandé à Moscoso de veiller à ce que cette loi s’aligne sur la Charte de Munich qui donne aux journalistes le devoir de rectifier l’information publiée uniquement lorsque celle-ci « se révèle inexacte ». Enfin, RSF a exprimé sa préoccupation suite aux déclarations de la Présidente donnant l’ordre au procureur général de demander aux journalistes qui dénonceraient des affaires de corruption d’apporter la preuve de ce qu’ils avancent. « Nous serons attentifs au fait que cette démarche ne remette pas en cause le secret des sources et ne devienne pas une mesure d’intimidation à l’égard des journalistes d’investigation », a précisé Ménard. Ce dernier a rappelé que le procureur général est à l’origine de plusieurs plaintes déposées contre des journalistes.
Selon les informations recueillies par RSF, la présidente Moscoso, a demandé, le 20 juin 2001, au procureur général de la Nation, José Antonio Sossa, d’enquêter sur les affaires de corruption dénoncées par la presse. La Présidente a notamment chargé le haut fonctionnaire de s’assurer que les journalistes qui révéleraient de telles affaires apportent la preuve de ce qu’ils avancent. « Nous ne pouvons pas permettre que l’on dise de nous, membres du gouvernement, que nous sommes corrompus », a souligné Moscoso. Sossa est à l’origine d’une partie des 70 plaintes pour « diffamation » ou « atteinte à l’honneur » actuellement déposées contre des journalistes. Ces deux délits sont sanctionnés par des peines de prison par la législation panaméenne. Fin juillet 2000, Sossa avait ordonné l’incarcération pour huit jours de Carlos Singares, directeur du quotidien « El Siglo », pour outrage. « El Siglo » avait publié les déclarations d’un avocat l’accusant de pratiques pédophiles (consulter les alertes de l’IFEX des 27, 21 et 7 juillet, 30 et 26 juin et 31 mai 2000).
Toujours selon des informations recueillies par RSF, un avant-projet de loi a été rédigé, fin mai, par le ministre de l’Intérieur et de la Justice, Winston Spadafora. Dans son article 7, cet avant-projet restreint aux seuls titulaires d’un diplôme de journalisme, la possibilité d’être accrédité. Le texte prévoit que les journalistes non panaméens ne pourront travailler dans un média que lorsque le poste ne pourra être assumé par un panaméen et pour un délai ne dépassant pas un an (article 8). L’article 11 stipule que « les postes qui induisent une responsabilité légale seront occupés par des journalistes de nationalité panaméenne. »
Le projet prévoit également l’adoption d’un « code d’éthique » pour la presse (article 22) qui soumet le secret des sources à la condition que le journaliste « ne soit pas l’objet d’une tromperie ou d’une manipulation ». D’après ce texte, les journalistes auront l’interdiction de publier des informations à caractère confidentiel et devront s’abstenir d’accepter des documents concernant des activités sanctionnées par la loi. Enfin, ils devront répondre aux injonctions de la justice à révéler leur source lorsque les faits concernés sont passibles de poursuites pénales. De plus, l’avant-projet de loi du ministre de l’Intérieur prévoit la création d’un Conseil supérieur du journalisme qui aura pour fonction d’attribuer les accréditations et de sanctionner les manquements au code d’éthique. Cet organisme comprendra, parmi ses membres, un représentant du ministère de l’Intérieur et de la Justice.
Enfin, un second projet de loi, présenté le 16 mai à l’Assemblée nationale, prévoit que toute personne qui voit « sa personnalité, son intimité ou son honneur » mis en cause par la publications d’informations « erronées, diffamatoires, injurieuses ou offensantes », puisse exiger la publication d’un droit de réponse ou de rectification. À ce sujet, RSF rappelle que la Charte de Munich établit que les journalistes ont le devoir de « rectifier toute information » uniquement lorsque celle-ci « se révèle inexacte ». Cette charte, qui a été adoptée en 1971 par plusieurs organisations de journalistes, dresse la liste des droits et des devoirs des journalistes.