Par ailleurs, un journaliste britannique a déclaré avoir été mené, avec des collègues, dans un traquenard par les rebelles, afin qu’ils soient tués sous le feu de l’armée syrienne.
(RSF/IFEX) – Le 12 juin 2012 – Un journaliste brésilien, arbitrairement arrêté par l’armée syrienne, le 19 mai 2012, a passé six jours en prison, coupé du monde. Contacté par Reporters sans frontières, il raconte ici la difficile épreuve qu’a été la sienne. Par ailleurs, un journaliste britannique a déclaré avoir été mené, avec des collègues, dans un traquenard par les rebelles, afin qu’ils soient tués sous le feu de l’armée syrienne.
Visa officiel en poche, le journaliste Klester Cavalcanti, 42 ans, du magazine brésilien IstoÉ, comptait aller en Syrie faire un reportage sur les conditions de vie des habitants de Homs, ville ravagée par les affrontements entre rebelles et forces gouvernementales en février dernier. Il arrive le 19 mai à Damas et prend immédiatement le bus pour Homs.
Vers trois heures de l’après-midi, le journaliste arrive à la gare routière et prend un taxi pour se rendre dans le centre-ville. Le véhicule est aussitôt arrêté par l’armée syrienne. Malgré son visa de journaliste, les soldats décident d’emmener Klester Cavalcanti au poste de police.
Menotté, le journaliste passe un bref interrogatoire. À l’instar des soldats, précédemment, les policiers veulent savoir ce qu’il fait à Homs. “Je suis ici pour faire mon travail et ma présence a été autorisée par le gouvernement syrien,” repète le journaliste. Il demande a passer un coup de fil mais la police refuse.
À un moment, un policier lui présente une feuille blanche et sort une cigarette de sa poche. “Si tu ne signes pas cette feuille, je te brûle l’œil.” Klester Cavalcanti refuse d’obtempérer. Le policier allume la cigarette et l’écrase sur son visage, à côté de l’œil. Le journaliste signe.
Le lendemain à l’aube, Klester Cavalcanti est transféré dans une prison où il est enfermé dans une cellule avec une vingtaine d’autres détenus. L’un d’eux parle un peu anglais ce qui lui permet de communiquer. Certains ont combattu contre l’armée syrienne, d’autres ont commis de simples délits. En comparaison avec le poste de police, “ce n’était pas si mal”, se souvient le reporter, si ce n’est l’incertitude totale dans laquelle il est plongé. “Je ne savais rien sur rien”. Il est resté dans le noir total six jours durant.
Le 25 mai, sans plus d’explication, il est sorti de sa cellule et emmené à Damas. Libéré, Klester Cavalcanti reste néanmoins coincé deux jours dans la capitale, son visa ayant expiré. Une fois sa situation régularisée, il peut quitter la Syrie pour le Liban, dans une voiture de l’ambassade brésilienne. C’est seulement une fois la frontière passée qu’il se sent libre. De Beyrouth, il s’envole pour São Paulo.
Malgré sa libération, Klester Cavalcanti demeure dans l’incompréhension totale. “Je pense encore à ce qu’il m’est arrivé”, dit le journaliste, expliquant que, “jusqu’à ce jour, personne ne m’a dit ce que j’avais fait de mal.”
“Depuis des mois, le régime de Damas menace les journalistes entrés illégalement dans le pays. Le 31 mai dernier, il n’a pas hésité à en publier la liste. Or avec le témoignage de ce journaliste brésilien, on voit clairement que même lorsqu’ils sont munis d’un visa, les professionnels de l’information ne sont pas protégés de l’arbitraire des forces de sécurité affiliées au régime. Ces pratiques doivent cesser”, a déclaré Reporters sans frontières.
“La sécurité des émetteurs d’information, journalistes ou citoyens-journalistes, syriens ou étrangers, doit être garantie, non seulement par l’armée syrienne, mais également par l’Armée libre syrienne”, a insisté l’organisation, préoccupée par le témoignage d’Alex Thomson, journaliste de la chaîne britannique Channel 4, publié le 8 juin 2012 et intitulé ‘Set up to be shot’.
Dans son article, le journaliste décrit comment les rebelles, opposants au régime de Bashar Al-Assad, lui auraient tendu un piège, à la sortie d’Al-Qusayr, l’emmenant, lui et ses collègues, dans une zone où les soldats de l’armée nationale syrienne tiraient à vue. Le journaliste conclut : “Pour moi, il est tout à fait clair que les rebelles nous ont délibérément mis face à ce scénario pour que nous soyons abattus par l’armée syrienne. La mort de journalistes est nuisible au régime de Damas”.
En janvier dernier, Reporters sans frontières avait déjà reçu le témoignage de journalistes étrangers menacés par des rebelles de l’Armée libre syrienne, accusés d’avoir fourni des données sur ses positions à l’armée régulière.