Le TMG de l'IFEX est vivement préoccupé par l'incertitude qui règne et l'obstruction qui ont conduit l'INRIC à mettre fin à son travail, ainsi qu'une virulente campagne de diffamation contre cette organisation de la défense des libertés des médias et son Président.
(TMG de l’IFEX) – Le 9 juillet 2012 – Le Groupe d’observation de la Tunisie organisé par l’Échange international de la liberté d’expression (TMG de l’IFEX), coalition de 21 groupes membres de l’IFEX, est vivement préoccupé par l’incertitude qui règne et l’obstruction qui ont conduit l’Instance nationale pour la réforme de l’information et de la communication (INRIC) à mettre fin à son travail.
Les membres du TMG de l’IFEX sont extrêmement inquiets de la fermeture de l’INRIC, des échecs répétés du gouvernement à donner suite à ses recommandations, et des conséquences de cette décision pour l’avenir de la réforme des médias en Tunisie.
Depuis le début du mandat de l’INRIC, les membres de cette organisation ont souligné la réticence du gouvernement à s’engager en faveur des réformes nécessaires qui permettraient le renouveau du cadre dans lequel opèrent les médias tunisiens et qui préserveraient la liberté d’expression.
L’INRIC a donné comme une des raisons fondamentales de sa décision de mettre fin à son travail l’incapacité à appliquer les décrets 115 (daté du 2 novembre 2011 sur la Liberté de la presse, de l’imprimerie et de l’édition) et 116 (daté du 2 novembre 2011 sur la Liberté des communications audiovisuelles et l’établissement d’un organe suprême indépendant de la communication audio et visuelle), décrets conçus pour assurer la protection des journalistes et fournir la base d’un cadre réglementaire des nouveaux médias audiovisuels.
Selon le Président de l’INRIC, Kamel Labidi, « l’organisme ne voit pas de raison de continuer et annonce qu’il met fin à ses activités », justifiant la décision du comité en affirmant que le gouvernement était revenu à « la censure et la désinformation ».
Les quotidiens al-Chourouk et Essiwar, favorables au gouvernement, ont réagi à cette annonce en lançant une virulente campagne de diffamation contre l’INRIC et son Président. La désinformation et les insultes publiées dans les deux journaux rappellent l’ère Ben Ali, où les journalistes indépendants et les défenseurs des droits de la personne subissaient régulièrement les attaques du régime et de ses partisans.
En tant qu’autorité indépendante chargée de recommander les réformes nécessaires dans le secteur des les médias, les médias d’État en particulier, afin de garantir la liberté de la presse en Tunisie, l’INRIC, avec l’appui de médias locaux et internationaux et de partenaires chez les groupes de défense des droits de la personne, dont le TMG de l’IFEX, critique régulièrement le manque de volonté du gouvernement à adopter les mesures requises afin d’assurer l’indépendance des médias.
« Le temps est venu pour les anciens membres de l’INRIC de travailler main dans la main avec les journalistes et les défenseurs de la société civile soucieux de protéger le journalisme indépendant », a déclaré Labidi au TMG de l’IFEX.
Les accusations de retour à la censure et à la désinformation portent un coup grave à la crédibilité du gouvernement tunisien en ce qui a trait à sa détermination à réformer le secteur des médias et à créer des institutions inclusives, transparentes et démocratiques. La réticence à appuyer le travail de l’INRIC, considérée par beaucoup en Tunisie et sur la scène internationale comme l’une des initiatives démocratiques les plus réussies de la phase post-révolutionnaire, fait douter de l’orientation future de tout le processus de réforme en Tunisie.
Le TMG de l’IFEX s’inquiète tout particulièrement du glissement alarmant de la situation de la liberté d’expression, auquel on assiste depuis les élections d’octobre. La dissolution de l’INRIC ne peut donc que contribuer à ce qui apparaît comme un grave recul des libertés chèrement gagnées depuis la révolution.
Les membres du TMG de l’IFEX appellent donc le gouvernement à clarifier sa position sur les droits fondamentaux, à apporter aux médias, à la société civile et aux groupes de défense des droits de la personne du pays des garanties fortes et vérifiables quant à la façon dont la liberté d’expression sera protégée à l’avenir, et à adhérer, tant en principe qu’en action, aux valeurs énoncées à l’Article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, qui stipule que :
« Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontière, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit. »
Le dernier rapport du TMG de l’IFEX, intitulé Du printemps à l’hiver ?, qui sera présenté aux autorités tunisiennes cette semaine, met en lumière les acquis toujours précaires de la démocratie.