Ce rapport, intitulé Du printemps à l'hiver? Réalisations précaires et défis exceptionnels pour les défenseurs tunisiens de la liberté d'expression, souligne brièvement la situation des libertés d'expression et d'association et celle de l'indépendance de la magistrature.
(TMG de l’IFEX) – Le 10 juillet 2012 – Pour que la révolution et la période de transition réussissent vraiment, le gouvernement tunisien doit adopter et mettre en œuvre des garanties constitutionnelles et des réformes juridiques qui consacrent et préservent la liberté d’expression, la liberté d’association et l’indépendance de la magistrature, souligne un nouveau rapport du Groupe d’observation de la Tunisie organisé par l’Échange international de la liberté d’expression (TMG de l’IFEX). Le TMG de l’IFEX est une coalition of 21 groupes membres de l’IFEX qui suit de près les violations de la libre expression en Tunisie depuis 2004.
Ce rapport final, intitulé Du printemps à l’hiver? Réalisations précaires et défis exceptionnels pour les défenseurs tunisiens de la liberté d’expression, sera présenté cette semaine lors de rencontres avec le Ministre des Droits de l’homme et de la Justice transitionnelle, Samir Dilou, et les membres de l’Assemblée Constituante. Il a pour ambition de souligner brièvement la situation de la liberté d’expression et de la liberté d’association et de celle de l’indépendance de la magistrature.
« La liberté d’expression n’est pas un privilège, c’est un droit fondamental pour lequel les Tunisiens se sont battus et qu’ils ont gagné. La réalisation de ce droit et d’autres aussi semble de plus en plus compromise par l’incertitude, l’inaction et l’obstruction; le TMG de l’IFEX demande au gouvernement d’inverser cette tendance et de s’engager résolument dans la voie des réformes », dit Virginie Jouan, Présidente du TMG de l’IFEX.
Le rapport souligne la situation de la libre expression dans le pays, il décrit les réformes juridiques et structurelles apportées au secteur des médias, qui se sont dessinées après la révolution et suggère d’autres mesures jugées nécessaires pour habiliter les médias à jouer un rôle dans la consolidation de la démocratie.
Le rapport décrit aussi la situation de la liberté d’association en Tunisie ainsi que les obstacles pratiques auxquels se heurtent les ONG et les associations de fondation récente.
Enfin, le rapport passe en revue la question critique de la réforme judiciaire en Tunisie après des décennies d’interventions du pouvoir exécutif. Il décrit les réformes qui ont déjà été promulguées, ainsi que la campagne en cours des juges et des associations tenus à l’écart pendant l’ère Ben Ali en faveur d’une magistrature agissant comme autorité indépendante.
Dans une série de recommandations détaillées, le rapport souligne le travail que doivent accomplir le gouvernement de transition et l’Assemblée constituante pour préserver la libre expression, la liberté d’association et l’indépendance de la magistrature. Parmi les préoccupations les plus immédiates, il y a :
• Garantir dans la Constitution la liberté d’expression, l’indépendance des médias et l’accès à l’information, y compris en ligne, notamment l’indépendance des médias de service public et celle de la Haute autorité de l’information et de la communication audiovisuelle (HAICA). Les principes d’égalité et de non-discrimination dans l’exercice de la liberté d’expression doivent être reconnus, tandis que la censure préalable et l’existence d’un système d’attribution de permis ou d’enregistrement de la presse écrite et des journalistes doit être prohibée.
• Mettre en application un cadre juridique et institutionnel qui permette l’avènement d’un paysage médiatique qui soit à la hauteur des défis politiques, économiques et sociaux auxquels la Tunisie est confrontée et qui soutienne l’émergence d’une information libre et indépendante, soutenue par un système judiciaire indépendant.
• Commencer la rédaction d’une loi sur l’audiovisuel, pour compléter la loi sur l’HAICA, dans le but de renforcer l’encadrement juridique de l’attribution des autorisations de diffusion et de la gestion du spectre des fréquences, de la réglementation du contenu et de la diversité, ainsi que du pluralisme des médias.
• Démanteler le système complexe de la censure établi sous Ben Ali et prévenir la résurgence de cette dernière, notamment au nom de la morale, notamment par la proposition de lois sur le sacrilège.
• Dépénaliser les délits de presse tout en renforçant l’adhésion à l’éthique journalistique et en promouvant l’auto régulation.
• Adopter une loi détaillée sur l’accès à l’information pour corriger les lacunes du Décret 2011-54, notamment l’absence de mécanismes précis pour faciliter l’accès, comme un organisme de surveillance indépendant.
• Consacrer dans la constitution la liberté d’association et le droit de se rassembler.
• Établir un cadre institutionnel permettant des consultations régulières et la collaboration entre les acteurs de l’État et les organisations de la société civile.
• Préserver l’indépendance judiciaire dans le cadre de la Constitution, et promouvoir des mécanismes pour mettre les juges à l’abri des pressions émanant du pouvoir exécutif dans les nominations, en matière de discipline et d’attribution des dossiers, de façon à ne pas donner au pouvoir exécutif un pouvoir décisif sur la carrière des juges en exercice.