Le 3 septembre 2013, de journalistes de radio publique ont fait la grève pour protester des nominations unilatérales du chef de la radio publique, et pour dénoncer l’interférence de la gestion avec des postes éditoriales.
ARTICLE 19 soutient pleinement le mouvement de grève observé par les journalistes des radios publiques tunisiennes, le mardi 03 Septembre 2013, pour protester contre les nominations unilatérales à la tête des radios publiques et dénoncer l’immixtion de la direction dans les lignes éditoriales.
Cette grève a été lancée à l’initiative du Syndicat National des Journalistes Tunisiens suite à la nomination, par le gouvernement, le 17 Août 2013, de cinq nouveaux directeurs à la tête de cinq radios publiques (Radio Nationale, Radio Culturelle, Radio Jeunes, Radio Gafsa et Radio Tataouine).
Ces nominations ont été opérées unilatéralement, sans en informer la Haute Autorité Indépendante de la Communication Audiovisuelle (HAICA). Ces nominations sont également contraires aux standards internationaux relatifs à la liberté d’expression, selon lesquels l’indépendance des médias de service public doit être protégée afin d’en garantir la crédibilité et la légitimité et promouvoir le pluralisme de l’information.
De plus, selon les standards internationaux, les règles régissant les autorités de régulation du secteur de l’audiovisuel, en particulier leur composition, sont un élément clé de leur indépendance. Il s’agit, notamment, de protéger ces instances contre toute forme d’ingérence, en particulier de la part des pouvoirs politiques ou des intérêts économiques. De même, les règles relatives à la désignation des membres de ces instances devraient être démocratiques et transparentes.
Il convient de rappeler que la Présidence de la République tunisienne a pris la décision, le 03 mai 2013, après plusieurs de tergiversation et de blocage, de mettre en œuvre le décret-loi 116-2011 relatif à la liberté de la communication audiovisuelle et portant création d’une Haute Autorité Indépendante de la Communication Audiovisuelle, en annonçant la composition de ladite instance.
Ce même décret-loi prévoit, dans son article 15, que « la HAICA veille à l’organisation et à la régulation de la communication audiovisuelle, conformément aux principes suivants:
- le renforcement de la démocratie et des droits de l’Homme,
- la consécration de la suprématie de la loi,
- la garantie et la protection de la liberté d’expression,
- le renforcement du secteur audiovisuel national, public, privé et associatif,
- la consécration du droit du public à l’information et au savoir, à travers la garantie du pluralisme et de la diversité dans les programmes se rapportant à la vie publique.
Les journalistes et employés des radios publiques concernées ont exprimé, à maintes reprises, au cours des deux dernières semaines, leur opposition à ces nominations unilatérales. La HAICA a aussi appelé le gouvernement à geler ces nominations, en attendant la désignation d’un nouveau président directeur général à la tête de l’établissement de la radio tunisienne.
La HAICA a précisé dans une lettre ouverte adressée, le 3 septembre 2013, à la présidence du gouvernement et à l’opinion publique, que les réunions de la commission paritaire mixte composée de membres de la HAICA et de membres du gouvernement « n’ont pas atteint des résultats escomptés, en raison de l’insistance des représentants du gouvernement à considérer comme étant parfaitement légales les nominations à la tête des médias audiovisuels publics».
Ladite commission a été créée, à la suite des dernières nominations, afin de fixer les critères qui seront appliqués pour la désignation des dirigeants des établissements médiatiques publics. La HAICA a annoncé, dans sa lettre ouverte, son rejet de la demande du gouvernement de procéder à une « lecture unifiée » du décret-loi 116, partant du principe que la plupart des dispositions de ce texte de loi ne relèvent pas des compétences du gouvernement.
ARTICLE 19 considère que les dernières décisions du gouvernement laissent planer le doute quant à la volonté des autorités publiques de faire progresser le processus de réforme du secteur de l’information en Tunisie. Il est important de rappeler que l’article 6 du décret-loi 116 prévoit que la « HAICA exerce ses prérogatives en toute indépendance, sans intervention d’aucune partie, quelle qu’elle soit, susceptible d’influer sur ses membres ou ses activités ».
ARTICLE19 appelle les autorités tunisiennes à respecter le décret-loi 116-2011 et à respecter le rôle régulateur de la HAICA ainsi que son indépendance. L’organisation appelle également le gouvernement doter la HAICA de toutes les ressources logistiques, humaines et financières nécessaires, afin de lui permettre d’exercer pleinement ses prérogatives et de régler tous les problèmes dont souffre le secteur de l’audiovisuel en Tunisie.
ARTICLE 19 appelle toutes les parties concernées à œuvrer en vue réunir les conditions propres à favoriser l’indépendance et la liberté du secteur de l’information afin de lui permettre de jouer le rôle qui lui revient dans la réussite de la transition démocratique en Tunisie.