(RSF/IFEX) – Dans une lettre adressée à la Présidente de la République, Mireya Moscoso, RSF a protesté contre l’adoption de la loi 38, dont certaines dispositions restreignent l’accès à l’information publique, et contre l’incarcération de Carlos Singares, directeur du quotidien « El Siglo ». L’organisation s’est étonnée de ces mesures « alors que [la Présidente avait] pris l’engagement […]
(RSF/IFEX) – Dans une lettre adressée à la Présidente de la République, Mireya Moscoso, RSF a protesté contre l’adoption de la loi 38, dont certaines dispositions restreignent l’accès à l’information publique, et contre l’incarcération de Carlos Singares, directeur du quotidien « El Siglo ». L’organisation s’est étonnée de ces mesures « alors que [la Présidente avait] pris l’engagement de réformer la législation panaméenne en supprimant les textes portant atteinte à la liberté de la presse ». « Nous vous demandons de mettre en oeuvre une telle réforme dans les plus brefs délais et de suspendre l’application de la loi 38 à titre de mesure conservatoire, » a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de RSF.
Selon les informations obtenues par RSF, la loi 38, qui définit le statut et les obligations des fonctionnaires, a été promulguée le 31 juillet 2000 par Moscoso. L’article 70 de cette loi régule l’accès à l’information publique. Il définit comme « information confidentielle ou d’accès restreint, toute information qui, pour des raisons d’intérêt public ou privé, ne pourrait être diffusée au risque de porter gravement préjudice à la société, à l’État ou à la personne concernée ». Parmi les informations concernées, le texte mentionne celles relatives « à la sécurité nationale, à l’état de santé, aux idées politiques, à l’état civil, aux penchants sexuels, aux antécédents pénaux et policiers, aux comptes bancaires ainsi que toute autre information de même nature et définit comme telle par la loi ». Le 12 juillet, Santiago Canton, Rapporteur spécial pour la liberté d’expression de l’Organisation des Etats américains (OEA), avait recommandé aux autorités panaméennes d’adopter des lois « en vue de garantir une application efficace du droit à l’accès à l’information ».
De plus, le 28 juillet, Singares a été incarcéré à la prison de Tinajitas, à 25 km au nord-ouest de la capitale. Trois jours plus tôt, la Cour suprême avait déclaré légal un mandat d’arrêt de huit jours délivré contre lui par José Antonio Sossa, procureur général de la Nation, le 22 juin. Ce dernier reprochait à Singares la publication d’informations qui « offensaient [sa] dignité, [son] honneur et [son] rang ». Le quotidien avait publié un article dans lequel un avocat accusait le procureur général de la Nation de pratiques pédophiles.
Au Panama, les délits d' »atteinte à l’honneur » et de « diffamation » envers les fonctionnaires sont passibles de peines de prison en vertu de textes hérités de la dictature, plus connus sous le nom de « lois bâillons ». La décision de Sossa repose sur l’article 386 du Code de procédure judiciaire, qui autorise le procureur général à prononcer une peine de prison maximale de huit jours, sans procès, pour « atteinte à [son] honneur ». Cette mesure s’appuie sur l’article 33 de la Constitution panaméenne, qui permet aux magistrats d' »ordonner l’arrestation de fonctionnaires ou de particuliers s’ils considèrent que leurs actions offensent ou affectent l’autorité publique ». Par ailleurs, le 14 juillet, Jean Marcel Cherry, du quotidien « El Panamá América », avait été condamné pour « diffamation » à dix-huit mois de prison, commuables en une amende de 1 800 dollars. Selon le défenseur du peuple, Italo Antinori, au moins quarante journalistes sont actuellement poursuivis devant les tribunaux pour ce motif et risque des peines similaires.
RSF a rappelé à la Présidente ses déclarations du 20 décembre 1999 qualifiant « d’épée de Damoclès » les « lois bâillons » et affirmant qu' »il ne devait exister aucune loi ou action qui restreignent la liberté de la presse » au Panama. Un premier pas avait été réalisé avec l’adoption par le Parlement panaméen, le 30 novembre 1999, d’une loi abrogeant les lois 11 et 68, qui prévoyaient la fermeture des journaux et de fortes amendes pour des délits de presse.
L’organisation a également rappelé que les institutions internationales en matière de liberté de la presse se sont prononcées unanimement contre les peines de prison pour délit de presse et pour une réforme de la législation au Panama. En janvier, le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression des Nations Unies a demandé « à tous les gouvernements de veiller à ce que les délits de presse ne soient plus passibles de peines d’emprisonnement, sauf pour les délits tels que les commentaires racistes ou discriminatoires ou les appels à la violence » considérant que « l’emprisonnement en tant que condamnation de l’expression pacifique d’une opinion constitue une violation grave des droits de l’homme ». Le 12 juillet dernier, Canton avait demandé au gouvernement panaméen de dépénaliser les délits de diffamation envers certains fonctionnaires et d’abroger les textes permettant d’incarcérer les journalistes pour « atteinte à l’honneur » sans jugement.