Un procès sans précédent dans le monde a lieu aujourd'hui en Colombie. L'affaire relative à la torture psychologique infligée à la journaliste Claudia Julieta Duque marque un tournant dans la lutte contre l'impunité.
Cet article a été initialement publié sur derechos.org le 1er mars 2016.
Un procès sans précédent dans le monde a lieu aujourd’hui en Colombie. L’affaire relative à la torture psychologique infligée à la journaliste et défenseur des droits de l’homme Claudia Julieta Duque, dont le témoignage est attendu cet après-midi, marque un tournant dans la lutte contre l’impunité face à des graves violations des droits de l’homme commises par des fonctionnaires de l’État, dans ce cas, des fonctionnaires du Departamento Administrativo de Seguridad (DAS), aujourd’hui supprimé.
Il s’agit du premier cas dans le monde dans lequel la justice pénale parvient à identifier les responsables présumés du délit de torture psychologique non seulement en tant que crime indépendant, c’est-à-dire non lié à la commission d’autres crimes, mais également en tant que crime d’État, mis en oeuvre par l’agence de renseignements lors du mandat de l’ex-président Álvaro Uribe Vélez.
C’est la première fois qu’une affaire de cette nature se base sur des documents de l’agence de renseignements elle-même, comme preuve du modus operandi des actions entreprises contre les défenseurs des droits de l’homme et les journalistes sous le gouvernement d’Álvaro Uribe, ce qui en fait une affaire paradigmatique à propos de l’utilisation des techniques de contre-intelligence dans un but de contrôle politico-social.
Duque est devenue une victime du DAS à cause de son enquête sur l’assassinat de Jaime Garzón Forero, également journaliste, en 1999.
Après une longue bataille contre l’impunité et des années de menaces, de campagnes de discréditation et de stigmatisation, la journaliste a réussi à prouver que ses dénonciations concernant le grave harcèlement dont elle était victime étaient véridiques. Aujourd’hui, c’est la seule affaire dans laquelle trois hauts fonctionnaires de l’État ont avoués et ont été condamnés pénalement pour s’être livrés à de la torture psychologique.
De plus, cinq autres anciens hauts fonctionnaires du DAS, parmi lesquels trois sont en fuite, répondent en justice de ces faits graves. Parallèlement, les enquêtes contre l’ex-président Álvaro Uribe et l’ancien directeur du DAS Jorge Noguera, ordonnées par le Parquet général il y a plusieurs années, sont restées sans effet.
Les organisations nationales et internationales de défense des droits de l’homme et de la liberté d’expression qui apparaissent ci-dessous ont accompagné et suivi la lutte pour la justice et le coût que celle-ci a représentée pour Claudia Julieta Duque et sa famille.
Nous sommes préoccupés par le fait que les intimidations sont devenues plus fréquentes au cours de la dernière année, alors que se rapprochait sa déclaration dans le procès, et ont touché son avocat, Víctor Javier Velásquez Gil, et leurs familles respectives.
Par conséquent, nous signalons que les procès en cours feront l’objet d’une observation permanente et demandons aux autorités colombiennes :
– De fournir les mesures nécessaires afin de garantir l’indépendance de la justice et la protection de tous les intervenants au procès, y compris la victime Claudia Julieta Duque, et d’empêcher que le procès ne devienne un autre lieu de harcèlement ;
– De rendre effectifs sans délais les mandats d’arrêt délivrés contre Gian Carlo Auqué De Silvestri, Rodolfo Medina Alemán et Enrique Alberto Ariza Rivas, qui ont fuit la justice ;
– De progresser dans les enquêtes relatives à la torture psychologique ordonnées contre l’ex-président Álvaro Uribe et l’ancien directeur du DAS Jorge Noguera, qui sont en attente depuis plusieurs années ;
– D’unifier les enquêtes concernant les graves attaques dont ont été victimes la journaliste, son avocat et leurs familles ces dernières années.
Nous continuerons à apporter notre soutien et à surveiller le déroulement des enquêtes et des procès dans l’affaire Claudia Julieta Duque, et réclamons à l’État colombien que soient menées les enquêtes sur des faits similiares dont sont victimes d’autres défenseurs et journalistes et qu’il respecte son devoir fondamental de fournir les garanties pour que ces faits ne se reproduisent plus.
Signataires :