Le 10 juillet 2016, l'activiste et commentateur politique populaire cambodgien, Kem Ley, a été abattu, deux jours seulement après avoir critiqué publiquement la famille Hun Sen d'abus de pouvoir afin d'accumuler de vastes richesses personnelles. Bien que le tireur ait été condamné à la prison à vie, de nombreuses questions subsistent et notamment la plus évidente : qui a ordonné le meurtre de Kem Ley?
Kem Ley était un militant et commentateur politique populaire connu pour ses vives critiques du parti du peuple cambodgien (RPC). Il a été abattu, le 10 juillet 2016, dans le café d’une station-service sur le Boulevard Monivong en plein centre de Phnom Penh.
Le 23 mars 2017, un homme prénommé Oeuth Ang – ou « Choub Samlab » (Mortelle rencontre en français), comme il prétendait être surnommé – a été reconnu coupable de meurtre avec préméditation, de possession et de transport d’armes sans autorisation, et condamné à perpétuité par le tribunal municipal de Phnom Penh. Oeuth Ang a avoué le meurtre, prétendant que son mobile aurait été la somme de 3 000 $ que Kem Ley lui devait.
Même si Oeuth Ang a appuyé sur la gâchette, beaucoup de questions entourant l’enquête et le procès restent sans réponse, laissant penser à bon nombre de personnes qu’il existe un cerveau derrière ce meurtre. Une vidéo de la scène du meurtre a révélé les circonstances suspectes entourant la fuite d’Oeuth Ang, comme le fait que l’agent de police à sa poursuite ait laissé passer plusieurs occasions de procéder à son arrestation, de même que la présence d’un autre individu, inconnu, qui a poursuivi Oeuth Ang muni d’un AK-47.
Le présumé motif de l’assassinat a également fait l’objet de suspicions, y compris par des proches de Kem Ley et de Oeuth Ang. De plus, en janvier 2017, plusieurs déclarations de témoins sont apparues, indiquant que de hauts responsables militaires et de district avaient rencontré Oeuth Ang une semaine avant le meurtre. Le juge d’instruction n’a pas examiné ces questions comme il aurait dû pendant le procès d’Oeuth Ang.
Kem Ley avait des doutes et avait même laissé entendre qu’il était pris pour cible dans les jours qui ont précédé sa mort. En juin 2016, lors d’une rencontre avec son ami et collègue analyste politique, il aurait dit : « [Mon ami], nos vivons sous une épée de Damoclès. Nous pouvons être assassinés à tout moment ».
La mort de Kem Ley fait partie d’un ensemble et suit le modèle d’assassinat d’un certain nombre de personnes ayant critiqué le gouvernement au cours des dernières années, comme le dirigeant syndical Chea Vichea en 2004, et l’écologiste Chut Wutty en 2012.
Les acteurs principaux
Oeuth Ang est l’homme reconnu coupable du meurtre de Kem Ley. Il purge actuellement une peine de prison à vie pour meurtre avec préméditation et possession et transport d’armes sans autorisation, prononcée par le tribunal municipal de Phnom Penh.
Kim Sok est un analyste politique et une voix critique du gouvernement qui a affirmé que le gouvernement était responsable du meurtre de Kem Ley. Il a été reconnu coupable de diffamation et de provocation en août 2017; il a été condamné à 18 mois de prison et au paiement d’environ 200,000 US $ de compensation au CPP.
Sam Rainsy est le co-fondateur du Parti de sauvetage national du Cambodge (CNRP). Il a porté plainte contre Chevron, une société d’énergie américaine qui possède Caltex, exigeant la mise à disposition des images de vidéo surveillance montrant le meurtre de Kem Ley. Venant s’ajouter aux nombreuses accusations portées contre lui, il a également été reconnu coupable de diffamation et d’incitation et condamné à un an et huit mois de prison pour ses critiques répétées de l’enquête. M. Rainsy vit actuellement en exil volontaire en Europe.
Bou Rachna est la veuve de Kem Ley. Elle a maintes fois critiqué l’enquête du meurtre de son mari assassiné, affirmant que le véritable assassin court toujours. Après le meurtre, craignant pour sa sécurité et celle de ses cinq enfants, elle a fui le Cambodge avec sa famille. Ils sont toujours en attente d’une réponse favorable à leur demande d’asile.
Le juge d’instruction de la ville de Phnom Penh, Tribunal de Première Instance: Le juge d’instruction serait en train d’enquêter sur deux complices, « Pou Lis » et « Chak ».
« Pou Lis » et « Chak »: Selon le témoignage d’Oeuth Ang, « Pou Lis » lui aurait présenté Kem Ley. « Chak » serait celui qui aurait vendu l’arme à Oeuth Ang utilisée pour assassiner Kem Ley. La validité de ce témoignage est actuellement à l’étude.
Chum Hour et Chum Hout sont frères jumeaux et des militants écologistes qui ont fourni des éléments de preuve laissant penser qu’il existerait d’autres complices. Ils ont ensuite pris la fuite et ont obtenu un asile temporaire à l’étranger, mais sont maintenant de retour au Cambodge.
Thak Lany est une ancienne sénatrice du parti de l’opposition Sam Rainsy (PSR), qui a accusé Hun Sen d’avoir commandité l’assassinat de Kem Ley. Elle a été reconnue coupable de diffamation et d’incitation et condamnée à un an et demi de prison, mais a depuis reçu l’asile en Europe.