Cette perquisition est menée dans le cadre de l’enquête en cours contre le journaliste de "Tchernovik", Abdoulmoumine Gadjiev, incarcéré depuis la mi-juin.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 2 octobre 2019.
Plusieurs dizaines d’hommes cagoulés et armés : c’est à une véritable démonstration de force qu’ont assisté les deux journalistes présents dans les locaux de Tchernovik à Makhatchkala, la capitale du Daghestan, ce matin vers dix heures. Après les avoir enfermés dans un bureau, les forces de l’ordre ont immédiatement commencé à perquisitionner, sans attendre l’avocat de la rédaction, ni un représentant de sa direction. Rapidement présent sur les lieux, le rédacteur en chef du journal indépendant Novoe Delo, Gadjimourad Saguitov, a été prévenu que son téléphone serait brisé s’il se mettait à filmer.
Cette perquisition est menée dans le cadre de l’enquête en cours contre le journaliste de Tchernovik, Abdoulmoumine Gadjiev, incarcéré depuis la mi-juin. Devant la faiblesse de l’accusation initiale de “financement du terrorisme”, les enquêteurs ont été contraints de la requalifier en “incitation à financer” ces activités. Mais une expertise de la police, remise aux enquêteurs le 30 septembre, achève de ruiner cette théorie : elle conclut à l’absence de tout élément à charge dans l’interview incriminée.
“Tout porte à croire que les services de sécurité jouent le tout pour le tout pour sauver une enquête dont le dernier pan vient de s’effondrer, déclare Johann Bihr, responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de RSF. Cette opération musclée compromet gravement le secret des sources de Tchernovik et sa capacité de mener à bien ses enquêtes sensibles. Elle envoie un signal d’intimidation très clair à toute la profession, qui s’est mobilisée comme rarement en soutien à Abdoulmoumine Gadjiev. Les autorités locales et fédérales doivent immédiatement siffler la fin de cette intolérable chasse aux sorcières.”
L’un des titres les plus populaires au Daghestan, Tchernovik est coutumier des pressions. Déjà accusé de collusion avec le terrorisme pendant trois ans, l’hebdomadaire avait finalement été acquitté en 2011. Son fondateur, Khadjimourad Kamalov, avait été assassiné quelques mois plus tard.
La Russie occupe la 149e place sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2019, publié par RSF.