Les blogueurs Zone 9 sont un groupe de militants en ligne qui se consacrent à la dénonciation de la corruption, à la revendication du respect des droits humains et à la promotion de la responsabilité du gouvernement en Éthiopie.
Dans une interview accordée au magazine Sampsonia Way, Soleyana Gebremichael, une co-fondatrice du blog Zone 9 qui vit en exil, revient sur le travail que ses collègues et elle-même ont accompli avant d’être inculpés : Vous ne pouvez pas arrêter de faire ce que vous faites parce que ce n’est pas un crime … .Ce que nous faisions et ce que nous demandions étaient nos droits garantis par notre constitution.
Les blogueurs Zone 9 sont un groupe de militants en ligne qui se consacrent à la dénonciation de la corruption, à la revendication du respect des droits humains et à la promotion de la responsabilité du gouvernement en Éthiopie. Ils ont dénommé leur collectif à l’image des zones de la prison de Kality, où de nombreux prisonniers politiques Ethiopiens sont détenus. Alors que la prison de Kality est subdivisée en huit zones différentes, les blogueurs s’identifient à l’ensemble de l’Éthiopie comme étant la « Zone 9 » en raison de son manque de libertés démocratiques, selon le Comité de Protection des Journalistes (CPJ).
En février 2014, le collectif a arrêté d’alimenter son blog après que des responsables de la sécurité les ont harcelés et accusés d’avoir des liens avec des partis politiques de l’opposition ainsi que des groupes de défense des droits humains, selon Human Rights Watch.
Le 23 avril 2014, Zone 9 a annoncé sur Facebook qu’ils allaient de nouveau recommencer à alimenter leur blog. Les 25 et 26 avril 2014, six des blogueurs – Abel Wabella, Atnaf Berhane, Mahlet Fantahum, Natnail Feleke, Zelalem Kibret et Befekadu Hailu – ont été arrêtés et jetés en prison.
Ils ont passé neuf semaines derrière les barreaux avant d’être finalement inculpé en vertu de la très critiquée loi éthiopienne anti-terrorisme de 2009, que des défenseurs de la libre expression tels que PEN International ont qualifié de « draconienne ». Cette loi avait déjà été utilisée pour emprisonner d’autres journalistes et des adversaires du gouvernement, parmi lesquels le chroniqueur Eskinder Nega.
Plus précisément, les blogueurs ont été accusés de vouloir « déstabiliser la nation », en ayant des connexions avec des organisations interdites, en utilisant le cryptage numérique pour communiquer et en planifiant des actions terroristes.
Human Rights Watch a documenté la façon dont le gouvernement éthiopien surveille les emails et les communications téléphoniques, souvent à l’aide des informations recueillies illégalement pendant les interrogatoires. « Le fait que les blogueurs ont utilisé des mesures de sécurité numérique n’est pas du terrorisme mais du bon sens, surtout dans un environnement répressif comme l’Ethiopie », a déclaré en juillet 2014 Leslie Lefkow, directeur adjoint pour l’Afrique à Human Rights Watch.
Soleyana Gebremichael, co-fondatrice du blog, qui était hors du pays lorsque les arrestations ont eu lieu, a été accusée de terrorisme par contumace.
Entre avril 2014 et septembre 2015, le procès des blogueurs a été ajourné 30 fois. Dans une journée typique dudit procès, les blogueurs ont passé moins de 8 minutes dans la salle d’audience sans arguments juridiques importants, écrit Endalk, un membre de Zone 9 dans un article pour Global Voices.
En février 2015, l’organisation Freedom House a cité des rapports selon lesquels le blogueur Abel Wabella avait été maintenu enchaîné toute la nuit et avait eu sa prothèse auditive retirée à la suite d’une comparution devant le tribunal.
En avril 2015, Human Rights Watch a écrit que plusieurs des blogueurs avaient allégué qu’ils avaient été maltraités en détention, même si ils ont noté qu’il n’y avait pas eu de véritable enquête sur ces allégations de maltraitance.
Le 8 juillet, 2015, deux des blogueurs, Mahlet Fantahum et Zelalem Kibret, ont été libérés de prison et toutes les charges contre eux ont été abandonnées. Ils ont été libérés en même temps que trois autres journalistes: Asmamaw Hailegiorgis, Edom Kassaye et Tesfalem Waldyes. Il n’y avait aucune explication officielle sur le pourquoi de ces libérations, mais beaucoup d’observateurs ont noté le fait que ces abandons de charges et libérations ont eu lieu quelques semaines avant la visite en Ethiopie du président américain Barack Obama.
Le lendemain, la chroniqueuse critique Reeyot Alemu, qui avait passé 4 ans en prison, et dont le cas avait été présenté en 2012 à la Journée internationale de l’IFEX de la Campagne pour mettre fin à l’impunité, a également été libérée.
Le 16 octobre 2015, les blogueurs restants de Zone 9 ont été acquittés des accusations de terrorisme. Abel Wabella, Atnaf Berhane, et Natnail Feleke devaient être libérés ce jour-là. La blogueuse en exil Soleyana S. Gebremichael a été acquittée par contumace, selon des rapports de presse cités par le CPJ. Un autre blogueur du collectif, Befekadu Hailu, a également été acquitté des charges de terrorisme, mais continue à être détenu pour des accusations d’incitation à la violence, disent des rapports.
« Le tribunal a dit que toute la preuve présentée était très faible pour prouver qu’ils planifiaient un quelconque acte de terrorisme – le tribunal a relié leurs écrits à la liberté d’expression », a déclaré l’avocat de la défense Ameha Mekonnen après la décision du tribunal, selon l’AFP.
Récemment, l’organisation Electronic Frontier Foundation (EFF) a inclus Zone 9 dans leur campagne « Hors ligne », qui « présente des cas clés qui ne reçoivent peut-être pas une large couverture, mais nous croyons parler à un large public concerné par la question de la liberté en ligne ».
En 2014, PEN International a exhorté ses partisans à envoyer des appels aux autorités éthiopiennes, appelant à la libération de blogueurs et à l’abrogation de la législation anti-terrorisme.
Les blogueurs de Zone 9 sont récipiendaires du Prix International 2015 de la Liberté de la Presse du CPJ.