Le 13 août, les journalistes libanais Dima Sadek et Hasan Shaaban ont été victimes d'une nouvelle campagne de menaces et d’intimidation orchestrée par des partisans du Hezbollah.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 17 août 2022.
Deux journalistes régulièrement pris pour cible par des militants du Hezbollah ont fait l’objet simultanément d’une nouvelle vague de harcèlement et de menaces. RSF condamne ces intimidations et rappelle qu’une trentaine d’autres journalistes ont déjà été victimes de telles méthodes depuis l’explosion du port de Beyrouth.
“RSF dénonce la dernière vague de haine lancée par des représentants du Hezbollah contre les journalistes au Liban, déclare le bureau Moyen Orient de RSF. Ces menaces violentes sont récurrentes et aboutissent souvent à des violences physiques voire à un assassinat. Nous appelons les autorités libanaises à protéger les journalistes en question et à enquêter sur les intimidations dont ils font l’objet.”
Le 13 août, les journalistes libanais Dima Sadek et Hasan Shaaban ont été victimes d’une nouvelle campagne de menaces et d’intimidation orchestrée par des partisans du Hezbollah.
La journaliste et présentatrice sur MTV Dima Sadek, célèbre au Liban, a publié un tweet satirique sur le rôle joué par l’Iran dans la tentative d’assasinat de l’écrivain Salman Rushdie aux États-Unis. On y voit le titre de son roman, Les versets sataniques, illustré par un montage photo de l’ayatollah Khomeini (ancien guide suprême de l’Iran) et de Qassem Soleimani (ancien commandant de la force Al-Qods, soit l’unité d’élite des gardiens de la révolution, assassiné en 2020 par une frappe américaine).
Par la suite, la journaliste a été ciblée directement par Jawad Nasrallah, membre du Hezbollah et fils de Hassan Nasrallah, le chef de ce mouvement chiite. Jawad Nasrallah a partagé le tweet de la journaliste et l’a accusée d’être un “instrument” des puissances étrangères. À son tour, le chanteur Ali Barakat, célèbre auteur de nombreux hymnes à la gloire du Hezbollah, a publié une vidéo en s’adressant aux militants du parti chiite : “Chaque personne qui croit que Khomeini et Soleimani sont sacrés saura quoi faire de Dima Sadek.” Peu après, de nombreux profils Twitter ont identifié la présentatrice en la menaçant de meurtre, de viol, de violence, et en publiant même son lieu de résidence.
Ce n’est pas la première fois que la journaliste et présentatrice, par ailleurs chiite elle-même, connue pour ses positions critiques du Hezbollah, se retrouve au centre d’une tempête de menaces par ses partisans et leurs alliés.
“Je fais l’objet depuis ce matin d’une campagne de dénigrement qui est allée jusqu’à appeler à mon meurtre, a réagi Dima Sadek sur son compte twitter. Par ce tweet, j’en informe officiellement les autorités libanaises. Je tiens également les dirigeants du Hezbollah publiquement et officiellement pleinement responsables de tout mal qui pourrait m’arriver à partir de maintenant.”
Le même jour, le photojournaliste de Bloomberg Hasan Shaaban a retrouvé le pneu de sa voiture crevé avec un bâton de fer devant son domicile au sud du Liban. Une note figurait dessus : “Sors du village, traître, chien.” Quelques jours auparavant, le photographe avait été attaqué par des partisans du Hezbollah qui l’accusaient de trahison en raison de sa couverture d’une manifestation qui critiquait le Hezbollah dans le même village. Le lendemain, le reporter avait trouvé une balle accrochée à la fenêtre de sa voiture.
Hasan Shaaban comme Dima Sadek ont tous les deux déposé plainte auprès de la police.
Depuis deux ans, près d’une trentaine de journalistes ont été harcelés ou menacés par des membres du Hezbollah, selon un décompte de RSF. Les auteurs de ses intimidations peuvent passer à l’acte, comme l’a montré l’assassinat du journaliste et écrivain Lokman Slim, le 4 février 2021. Il avait lui-même été menacé pendant des mois, et recevait les mêmes accusations : “traître”, ou encore “agent de l’étranger”.