Ces attaques mortelles contre le personnel d'"Al Jazeera" ont coïncidé avec une campagne de diffamation continue des autorités israéliennes.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 1 août 2024.
Le 31 juillet, une frappe israélienne a tué les journalistes d’Al Jazeera Ismail al-Ghoul et Rami al-Rifi, alors qu’ils étaient en reportage dans le nord de la bande de Gaza. Reporters sans frontières (RSF) exprime son indignation face à cette nouvelle attaque et appelle à une pression internationale accrue sur le gouvernement israélien pour qu’il mette immédiatement fin au massacre des journalistes par ses forces armées.
Le journaliste Ismail al-Ghoul et le photographe Rami al-Rifi étaient en reportage pour Al Jazeera, en direct depuis le camp de réfugiés d’Al-Shati, à l’ouest de la ville de Gaza, lorsqu’une frappe israélienne a frappé leur voiture, les tuant tous les deux. Des images publiées par leur collègue Anas al-Sharif peu après la frappe, vers 16 h mercredi 31 juillet, montrent les deux reporters tués à l’intérieur d’une voiture blanche isolée au milieu d’une rue vide, visiblement endommagée par une frappe directe. Anas Al-Sharif a déclaré que les deux reporters avaient été retrouvés décapités. Ils portaient leurs gilets de presse, selon les informations de RSF.
Un communiqué du réseau Al Jazeera Media a qualifié ces assassinats d’“assassinats ciblés” par les forces israéliennes et s’est engagé à “utiliser toutes les voies légales pour poursuivre les auteurs de ces crimes”. Selon le média, les deux journalistes avaient contacté leur rédaction 15 minutes avant la frappe mortelle. Lors de l’appel, ils avaient fait état d’une attaque à proximité et il leur avait été alors conseillé de quitter la zone. Ismail al-Ghoul, l’un des reporters les plus reconnus de Gaza, avait déjà été arrêté par les forces israéliennes à l’hôpital Al-Shifa le 18 mars et avait été libéré 12 heures plus tard.
Ismail al-Ghoul et Rami al-Rifi étaient en reportage avec d’autres reporters dans le camp de réfugiés d’al-Shati, près de la maison du leader politique du Hamas, Ismail Haniyeh. Ils couvraient les conséquences de l’assassinat de ce dernier, en Iran, la nuit précédente. L’armée israélienne n’a pas commenté la frappe qui a tué les deux reporters, mais nie constamment cibler des journalistes à Gaza. Cependant, selon les informations de RSF, plus de 120 journalistes ont été tués par les forces israéliennes dans la bande de Gaza depuis le 7 octobre 2023. Au moins 29 d’entre eux ont été tués dans des circonstances qui indiquent un ciblage intentionnel, en violation du droit international. RSF a déposé trois plaintes auprès de la Cour pénale internationale (CPI) depuis lors, appelant la Cour à enquêter sur ces crimes de guerre contre les journalistes en priorité.
« Nous sommes consternés par cette violente attaque contre deux éminents journalistes d’Al Jazeera – le dernier incident en date de ces près de dix mois de crimes contre les journalistes à Gaza, où plus de 120 journalistes ont perdu la vie. RSF exhorte le gouvernement israélien à s’engager immédiatement à cesser les violences contre les journalistes, qui continuent d’être commises impitoyablement par les forces de défense israéliennes, et constituent des exemples flagrants de crimes de guerre. Nous appelons également à une pression internationale accrue pour garantir que les journalistes travaillant encore à Gaza puissent faire leur travail en toute sécurité et pour obtenir justice pour les trop nombreux tués. Ce massacre doit cesser maintenant. »
Rebecca Vincent, Directrice des campagnes de RSF
Avec la mort d’Ismail al-Ghoul et Rami al-Rifi, le nombre de journalistes d’Al Jazeera tués à Gaza s’élève à cinq, tous ciblés par des frappes directes selon les informations de RSF. Le journaliste Hamza al-Dahdouh – fils de Waël al-Dahdouh, chef du bureau d’Al Jazeera à Gaza – et son collègue Moustafa Thuraya – ont été tués par une frappe israélienne ciblée début janvier. Un mois plus tard, Waël al-Dahdouh a lui-même été blessé par une autre frappe de drone ciblée qui a tué le caméraman d’Al Jazeera Samer Abu Daqqa.
Ces attaques mortelles contre le personnel d’Al Jazeera ont coïncidé avec une campagne de diffamation continue des autorités israéliennes, qui ont accusé Al Jazeera d’être un “porte-parole du Hamas” qui “menace l’armée israélienne”, et qui a conduit à une interdiction temporaire du média en Israël et en Palestine. L’interdiction a été renouvelée pour 45 jours le 5 mai, puis pour encore 45 jours le 9 juin. RSF a averti à plusieurs reprises que la campagne contre Al Jazeera, ainsi que l’amalgame incessant du journalisme avec le “terrorisme”, met en danger les reporters et menace le droit à l’information partout.