"Israël ne peut décemment pas continuer à promouvoir ce logiciel comme un fleuron technologique et comme s’il s’agissait de n’importe quel produit commercial", dénonce RSF.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 21 juillet 2021.
Pegasus, le logiciel de surveillance qui a infiltré des dizaines de milliers de téléphones de journalistes et de défenseurs des droits humains, est fabriqué par une entreprise israélienne, NSO Group. Pour Reporters sans frontières (RSF), l’Etat israélien ne peut tolérer l’exportation d’une technologie aussi dangereuse pour les libertés.
Comme celui des armes, les décisions sur les exportations de technologies sensibles relèvent des Etats qui ne sauraient se voiler les yeux sur leurs effets illégitimes, notamment lorsqu’ils permettent une féroce répression. A l’évidence, les logiciels développés par des sociétés israéliennes, tels que le “Pegasus” de NSO Group, engagent l’Etat d’Israël. Même si les autorités de l’Etat hébreu ne sont qu’un acteur indirect, elles ne peuvent se délester de leur responsabilité. Elles délivrent à NSO, et à d’autres entreprises spécialisées dans la surveillance, les licences d’exportation nécessaires à la commercialisation avec des États étrangers.
Il est d’ailleurs à noter un lien entre les exportations et les orientations diplomatiques d’Israël. Parmi les principaux pays qui ont fait l’acquisition de cette technologie, les Émirats arabes unis et le Maroc, qui ont pour point commun d’avoir officiellement normalisé leurs relations diplomatiques avec Israël en 2020. Si l’Arabie saoudite, qui a également acquis ce logiciel, n’a pas de relations officielles avec l’Etat hébreu, le gouvernement israélien a autorisé l’entreprise à commercer avec le Royaume malgré l’affaire Khashoggi, comme le révèle le New York Times.
“Permettre à des États d’installer des mouchards qui servent de facto à espionner des centaines de journalistes et leurs sources dans le monde pose un véritable problème démocratique, dénonce le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire. Aussi performant que soit cet outil, Israël ne peut décemment pas continuer à promouvoir ce logiciel comme un fleuron technologique et comme s’il s’agissait de n’importe quel produit commercial. Nous demandons au Premier ministre israélien, Naftali Bennett, de décider d’un moratoire immédiat sur les exportations de matériel de surveillance, le temps qu’un cadre protecteur puisse être posé.”
Une enquête du quotidien israélien Haaretz parle même de « diplomatie NSO« , en montrant comment Pegasus est devenu à Israël ce que le Rafale est à la France : un fleuron de son industrie. L’enquête retrace les visites de l’ancien Premier ministre Benyamin Netanyahou en Inde, en Hongrie, au Rwanda, au Mexique ou encore en Azerbaïdjan, qui ont été suivies par l’achat de licences de NSO par tous les pays concernés quelques mois plus tard.
Avant d’invoquer la responsabilité de l’État d’Israël, RSF et une coalition d’ONG ont adressé en avril 2021 une lettre ouverte à NSO pour pointer la responsabilité de l’entreprise et la rappeler à l’ordre sur ses engagements concernant la mise en œuvre des principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits humains.
Israël occupe la 86e place au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF.