Un tribunal de Laghouat a déclaré les 26 accusés coupables le 18 juin à l’issue d’un procès d’une journée. Neuf d’entre eux ont été condamnés à six mois de prison et les 17 autres ont été condamnés par contumace à 2 ans de prison.
Des militants algériens et d’autres individus accusés d’avoir participé à un « attroupement armé » et commis des actes de violence contre la police auraient été condamnés à l’issue d’un procès inéquitable lors duquel ils n’ont pas eu l’occasion de réfuter les preuves présentées à leur encontre, ont déclaré aujourd’hui le Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH) et Human Rights Watch. Selon le jugement écrit, le tribunal de première instance aurait fondé son verdict sur des témoignages de la police qui n’établissent pas la preuve de la participation des accusés aux actes de violence présumés commis lors de la manifestation qui s’est déroulée à Laghouat, une ville du sud de l’Algérie, le 8 juin 2014.
Un tribunal de Laghouat a déclaré les 26 accusés coupables le 18 juin à l’issue d’un procès d’une journée. Neuf d’entre eux ont été condamnés à six mois de prison et les 17 autres ont été condamnés par contumace à 2 ans de prison. La plupart des accusés condamnés par défaut sont des militants locaux bien connus qui nient avoir participé à la manifestation ce jour-là.
« Les tribunaux devraient déterminer la responsabilité pénale de chaque accusé en leur donnant l’occasion de réfuter les preuves présentées à leur encontre, au lieu d’appliquer ce qui apparaît comme une volonté de “faire payer quelqu’un à tout prix” », a déclaré Michel Tubiana, le président du REMDH.
Dans le sillage de la condamnation prononcée par le tribunal de Laghouat, quatre accusés jugés par contumace se sont rendus aux autorités et deux autres ont été arrêtés. Tous ont exercé leur droit à la tenue d’un nouveau procès et le tribunal, dans le cadre de ces nouveaux procès individuels, les a acquittés pour manque de preuves, a expliqué au REMDH et à Human Rights Watch leur avocat, Noureddine Ahmine.
Djilali Ben Safieddine, l’un des 17 accusés condamnés par contumace, a affirmé au REMDH et à Human Rights Watch qu’il ne se trouvait même pas à proximité du lieu où a été organisée la manifestation du 8 juin, qu’il n’avait pas été informé des accusations portées à son encontre et qu’il n’avait jamais reçu de convocation pour le procès. M. Ben Safieddine, un agent de sécurité privé membre du Comité pour la défense des droits des chômeurs à Laghouat, a voulu éviter une arrestation et a donc décidé de se cacher.
Un autre militant local, Mohamed Rag, a été arrêté le 30 juin près de son domicile à Laghouat et placé en détention préventive dans l’attente du procès. Il a été acquitté le 13 juillet.
Les audiences d’appel des neuf accusés condamnés le 18 juin sont prévues le 4 août prochain.
Aissa Dahb, un militant qui a participé à la manifestation du 8 juin, a expliqué au REMDH et à Human Rights Watch qu’environ 20 personnes issues d’organisations locales de la société civile s’étaient réunies devant la daïra pour protester contre la manière dont le gouvernement attribuait les logements sociaux.
Il a affirmé que les manifestants avaient tenté de s’entretenir avec le chef de la daïra, mais que celui-ci avait refusé de les recevoir. Les manifestants se sont ensuite rendus au siège de la wilaya afin de rencontrer le wali, mais celui-ci a également refusé de les recevoir. M. Dahb a précisé que six ou sept agents de sécurité de la wilaya avaient agressé El Taher Yacoub, l’un des militants locaux, en le frappant à la tête, ce qui a entraîné des affrontements entre les militants et les agents de sécurité. Ensuite, la police est arrivée, a-t-il expliqué.
Selon M. Dahb, après ces affrontements, M. Yacoub et un autre membre du groupe, Ben Safieddine Khamisati, se sont rendus à la police pour déposer plainte contre les officiers qui selon eux les avaient frappés. M. Dahb les a suivis avec son propre véhicule et il a vu MM. Khamisati et Yacoub ainsi qu’un troisième manifestant, Mohamed Ziyadi, entrer dans le poste de police. Au bout d’un certain temps, il a appris qu’ils avaient été arrêtés.
M. Ahmine, qui représente l’ensemble des accusés, a déclaré que pour rendre leur verdict de culpabilité, les juges ne s’étaient appuyés que sur les déclarations d’agents des forces de sécurité qui affirmaient que des manifestants les avaient blessés. M. Ahmine a ajouté qu’aucune des preuves présentées n’établissait que l’un ou l’autre des accusés avaient participé directement à des actes de violence ou de dégradation de propriété.
Le jugement écrit ne cite par ailleurs aucune preuve incriminant les accusés de manière individuelle. Il précise que 22 officiers de police ont déposé plainte et ont témoigné par écrit qu’ils avaient été victimes de la violence des manifestants. Lors de l’audience du 18 juin, les juges ont entendu trois officiers de police sur 22. Ils ont décrit les circonstances générales de la journée en question, mais ils n’ont identifié aucun des accusés comme étant les auteurs d’actes de violence.
Plusieurs accusés ont admis avoir participé à la manifestation, mais ils ont nié avoir commis des actes de violence. Dans son jugement, le tribunal a cité des preuves de cette violence, telles que des déclarations et des plaintes de la police, des photos de fenêtres brisées et la description des dégâts matériels par le procureur, sans toutefois fournir aucune preuve reliant les accusés à ces actes de violence.
Selon M. Ahmine, la police aurait porté atteinte au caractère public du procès, dans la mesure où des agents ont repéré les militants pour ensuite les empêcher d’accéder à la salle d’audience. La salle du tribunal n’était pas pleine et il n’y avait aucune raison d’empêcher les militants d’être présents lors du procès, a ajouté M. Ahmine.
M. Dhab a également expliqué au REMDH et à Human Rights Watch que la police l’avait empêché lui et d’autres individus d’entrer dans la salle.
Interdire l’accès au tribunal à certaines personnes constitue une infraction à l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui stipule que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi ».
« Le simple fait d’être un militant, sans preuve que vous ayez commis un crime ou même que vous étiez à proximité de l’endroit des événements, ne devrait pas déboucher sur une condamnation à une peine de prison », a déclaré Eric Goldstein, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord chez Human Rights Watch. « Cela ne devrait pas non plus vous empêcher d’avoir droit à un procès public. »