Peu de temps après l'intervention du président, une levée massive de la censure sur Internet semble avoir été constatée.
(RSF/IFEX) – Le 14 janvier 2011 – Reporters sans frontières prend acte, avec toute la prudence nécessaire, des déclarations d’intention de Zine el-Abidine Ben Ali, le 13 janvier 2011. Au cours de son discours à la nation, le président de la République tunisienne a annoncé la « liberté totale » de l’information et d’accès à l’Internet. La parole doit maintenant passer aux actes. Les journalistes et blogueurs tunisiens et étrangers doivent être libres de couvrir et de commenter la situation politique et sociale du pays, en ce moment crucial pour la Tunisie, et dans les mois et les années à venir.
Peu de temps après l’intervention télévisée du président tunisien, une levée massive de la censure sur Internet semble avoir été constatée. Des sites Internet, jusque là bloqués en Tunisie depuis des années, ont enfin été rendus accessibles depuis le pays. Parmi eux, Dailymotion, YouTube, mais aussi le site de la radio indépendante d’opposition Radio Kalima, ou encore celui du Parti démocratique progressiste, le PDP. La centaine de pages Facebook liées aux événements de Sidi Bouzid, et bloquées ces dernières semaines, sont désormais accessibles. Les internautes tunisiens peuvent enfin découvrir le livre de Nicolas Beau et Catherine Graciet, « la régente de Carthage », disponible sur Facebook. De même pour le livre blanc de Mohamed Bouebdelli, « Le jour où j’ai réalisé que la Tunisie n’est plus un pays de liberté ». Le site du journal français Le Monde était à nouveau accessible jeudi soir après plusieurs mois de blocage.
Peu de temps après la fin du discours, Reporters sans frontières a appris avec soulagement les libérations, le 13 janvier au soir, du journaliste de radio Kalima Nizar Ben Hassen, arrêté le 11 janvier ; du responsable des pages « Jeunesse » de l’hebdomadaire d’opposition Al-Maouqif, Wissem Sghaier, arrêté le 7 janvier ; et des deux internautes Slim Amamou et Azyz Amamy, arrêtés le 6 janvier.
Disparition d' »Ammar 404″ ?
Ces mesures sont certes positives et constituent un signe apparent de la bonne volonté des autorités tunisiennes. Toutefois, la prudence s’impose. Quid de la cyber-police ? Assiste-t-on à la fin d’Ammar 404, l’organe de la censure sur Internet, ou à un répit de courte durée ? La surveillance des internautes tunisiens va-t-elle devenir une réalité ?
Quid également de la presse écrite, dans un pays où les trois journaux d’opposition, trois seulement, Al-Mouatinoun, Al-Maouqif, Attariq Al-Jadid, ont la plus grande difficulté à être imprimés et distribués sur place.
Quid des radios et télévisions, dans un pays où les médias audiovisuels sont contrôlés par le pouvoir ou dirigés par des proches du pouvoir, avec un système d’octroi de licences totalement opaque.
Quid du harcèlement policier, des tracasseries administratives, des vexations, des convocations arbitraires, des passages à tabac et des emprisonnements ?
Quid de Hammama Hammami et de Ammar Amroussia ?
« Monsieur le Président. Nous vous avons entendu. Nous voulons des actes. Il ne suffit pas de déverrouiller YouTube et Dailymotion pour que soit garantie la liberté d’expression dans votre pays », a déclaré Jean-François Julliard, secrétaire général de Reporters sans frontières.
L’organisation rappelle que seraient toujours détenus :
– Hamma Hammami, porte-parole du Parti communiste des ouvriers tunisiens et ancien directeur du journal Alternatives, interdit par les autorités, toujours détenu depuis son arrestation d’une extrême violence le 12 janvier 2011.
– Mohamed Mzem, avocat et modérateur du groupe « Il nous faut 25 milles tunisiens pour que l’ATI réouvre FACEBOOK », et Monia Abid, enseignante. Plusieurs administrateurs de comptes Facebook liés aux manifestations auraient été arrêtés ces derniers jours.
– Ammar Amroussia, le correspondant du site d’informations http://www.Albadil.org , arrêté le 29 décembre 2010, incarcéré à la prison de Gafsa (400 km au sud de la capitale). Il est poursuivi en vertu des articles 42, 44 et 49 du code de la presse, des articles 121, 131, 132, 220 bis, 315 et 316 du code pénal et de l’article 26 de la loi n°4 du 24 janvier 1969 relative à l' »organisation de réunions publiques, convois, expositions, manifestations et rassemblements ». Il risque près de vingt ans de prison. Ammar Amroussia dénonçait notamment la corruption dans le pays et appelait à combattre « la dictature ». Il assurait la couverture des évènements récents à Sidi Bouzid pour le quotidien Al-Badil, interdit dans le pays, et avait participé à de nombreuses manifestations de solidarité à Gafsa.