(RSF/IFEX) – Deux ans après l’assassinat de Brignol Lindor, journaliste de la radio Echo 2000, une station de Petit-Goâve (70 kilomètres au sud-ouest de Port-au-Prince), RSF dénonce l’impunité qui règne dans cette affaire. « En Haïti, les assassins des journalistes font la loi. En avril 2001, la famille de Brignol Lindor avait dû quitter le pays […]
(RSF/IFEX) – Deux ans après l’assassinat de Brignol Lindor, journaliste de la radio Echo 2000, une station de Petit-Goâve (70 kilomètres au sud-ouest de Port-au-Prince), RSF dénonce l’impunité qui règne dans cette affaire.
« En Haïti, les assassins des journalistes font la loi. En avril 2001, la famille de Brignol Lindor avait dû quitter le pays en raison de menaces. Depuis, la famille de Géraud Louis, cousin de la victime, a dû à son tour prendre le chemin de l’exil ainsi qu’Arbrun Alezi, directeur d’Echo 2000, suite à des menaces attribuées aux partisans du gouvernement », a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de RSF.
Selon l’organisation, sur le plan judiciaire, aucun progrès n’a été réalisé depuis que le juge d’instruction a publié ses conclusions en septembre 2002. « Au contraire, la décision de la justice haïtienne, cette année, de ne pas reconnaître le statut de partie civile à la famille de Brignol Lindor est un facteur supplémentaire d’impunité. Elle prive cette dernière de son droit légitime de faire appel des conclusions controversées de l’instruction », s’est inquiétée RSF.
« Nous souffrons toujours mais nous ne baisserons pas les bras tant que la lumière ne sera pas faite sur ce crime odieux », a déclaré la famille Lindor depuis Paris où elle a obtenu l’asile politique. Cette dernière s’est félicitée des sanctions prises par les autorités françaises et européennes à l’encontre du gouvernement haïtien, les appelant à aller plus loin en ne délivrant aucun visa au président Jean-Bertrand Aristide et plusieurs autres responsables du gouvernement.
À l’occasion du deuxième anniversaire de l’assassinat du journaliste, les parlementaires français ont souhaité exprimer leur solidarité à la famille Lindor. Le 3 décembre 2003, celle-ci a été reçu au Sénat par le sénateur Michel Dreyfus-Schmidt, président du groupe d’amitié France-Caraïbes. Le député Edouard Landrain, président du groupe d’amitié France-Haïti, à également rencontré RSF et Moréno Lindor, le frère cadet de Brignol, à l’Assemblée nationale pour aborder la situation de la liberté de la presse en Haïti.
Le 31 août, Simone Louis, la femme de Géraud Louis, et ses enfants, Samora, Rachelle, Dodell et Uriel, ont quitté Haïti pour la France où ils ont obtenu l’asile politique. Géraud Louis est le cousin de Brignol Lindor. Le jour du crime, il s’était rendu sur place pour récupérer le corps du journaliste. Depuis cette date, sa famille était la cible répétée de menaces et d’actes d’intimidation : tentative d’incendie et tirs contre sa maison, menaces de mort avec armes, placardages de photos d’Aristide sur les murs, etc. Parmi les auteurs de ces actes, la famille a pu identifier les dénommés « Ti Harry », « Ti Yayan », « Baboute », « Haugou » et « Valmy Colbert ». Bien qu’ils aient été identifiés, les agresseurs n’ont pas été inquiétés. Ancien directeur de Echo 2000, Arbrun Alezi a également pris le chemin de l’exil fin août dernier, après avoir reçu de nombreuses menaces.
Plus tôt cette année, la cour d’appel de Port-au-Prince a déclaré irrecevable l’appel présenté par Belosier et Moréno Lindor contre les conclusions de l’enquête sur l’assassinat de leur proche. Le 27 mars, la cour a jugé que le père et le frère de la victime, qui souhaitaient que l’enquête soit réouverte, ne s’étaient pas formellement constitués parties civiles. Un pourvoi en cassation a été présenté par l’avocat de la famille, Jean-Joseph Exumé. Selon ce dernier, en droit haïtien, la constitution de partie civile n’est pas nécessairement formelle lorsque l’action publique a été mise en mouvement par le ministère public. « Le pourvoi en cassation n’a toujours pas été examiné », s’est également plaint Exumé qui déclare par ailleurs ne disposer d’aucune information sur l’incarcération, ou non, des inculpés.
Publiées le 16 septembre 2002, les conclusions de l’enquête ne retenaient aucune charge contre l’ancien maire-adjoint de Petit-Goâve, Dumay Bony, qui, trois jours avant les faits, avait appelé à appliquer la formule « zéro tolérance » au « terroriste » Lindor. Au terme de l’enquête, le juge inculpait également dix personnes pour leur participation au meurtre.
La formule « zéro tolérance » est considérée par beaucoup comme une légitimation implicite du lynchage. Elle a été utilisée par le président Aristide comme consigne à la police pour le traitement des délinquants. Depuis, les exécutions extra-judicaires se sont multipliées.
Lindor avait été tué à coups de pierres et de machettes le 3 décembre 2001 par des membres de l’organisation Domi Nan Bwa, proche de Fanmi Lavalas (au pouvoir), qui avaient ensuite revendiqué être les auteurs du crime auprès de Guyler Delva, responsable de l’Association des journalistes haïtiens (AJH). Bony avait appelé à appliquer la « tolérance zéro » à Lindor, deux jours après que ce dernier avait invité des personnalités de l’opposition à intervenir dans son émission « Dialogue ».