Trois des quatres journalistes condamnés à mort par les rebelles houthis en 2020 ont été torturés en détention pendant au moins 45 jours.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 10 décembre 2022.
Pendant 45 jours, le journaliste Tawfik al-Mansouri, détenu à Sanaa, a été torturé. Lui et deux des autres journalistes condamnés à mort en 2020 par les Houthis ont été mis à l’isolement et sévèrement maltraités durant plusieurs semaines. Reporters sans frontières (RSF) dénonce ces actes de torture et alerte le représentant spécial des Nations unies pour le Yémen, leur vie étant en réel danger.
Trois des quatres journalistes condamnés à mort par les rebelles houthis en 2020 ont été torturés en détention pendant au moins 45 jours. Depuis août, l’un d’entre eux, Tawfik al-Mansouri, est régulièrement sorti de la cellule de détention commune par les autorités pénitentiaires pour être torturé et battu brutalement, et confiné dans une cellule d’isolement durant de longues périodes. D’après les différents témoignages recueillis par RSF, le journaliste a eu le crâne fracturé et n’a ensuite reçu aucun soin approprié. Cette blessure s’ajoute à ses problèmes de diabète, de rhumatisme cardiaque et de douleurs au côlon. Selon son frère, Abdallah al-Mansouri, le journaliste a développé ces différentes pathologies en détention, où il subit des mauvais traitements depuis 2015. Les Houthis ont refusé toute visite médicale malgré les supplications de sa famille.
“Les Houthis exécutent leur sentence de mort à petit feu en torturant ces journalistes, dénonce le responsable du bureau Moyen-Orient de RSF, Jonathan Dagher. Nous demandons à l’envoyé spécial des Nations unies pour le Yémen, Hans Grundberg, de tout mettre en œuvre pour obtenir leur libération immédiate, et nous appelons les Houthis à donner suite à leur propre proposition de permettre à des représentants des Nations unies de rendre visite aux otages et à une équipe médicale de venir les examiner.”
Abdallah al-Mansouri a exprimé ses inquiétudes auprès de RSF :
“Nous demandons à l’envoyé de l’ONU et à l’organisation internationale d’enquêter sur ce crime et de punir ses auteurs. Nous devons protéger Tawfik et ses collègues de toute attaque future. Ils sont en train de mourir en prison.”
Deux des autres journalistes condamnés à mort, Abdul Khaleq Amran et Hareth Humaid, ont également été mis à l’isolement et battus, pour des raisons inconnues. Les trois journalistes ont été transférés dans des cellules souterraines de la prison centrale de Sanaa où ils sont détenus depuis 2020. Les cellules d’isolement sont petites, sans fenêtre et sans accès aux sanitaires. Les otages sont sous-alimentés, privés de soins médicaux et de leurs appels téléphoniques mensuels. Selon Abdallah al-Mansouri, le dernier contact avec son frère a été un bref appel téléphonique en juin 2022. Les quatre journalistes otages – le quatrième s’appelle Akram al-Walidi – étaient absents du “tribunal” houthi le 4 décembre 2022, pour un pseudo-procès destiné à examiner l’appel de leur condamnation.
“Nous avons demandé au juge houthi d’enquêter sur leur absence, en l’informant de leur torture et du fait qu’ils n’avaient pas été présentés par ceux qui les détiennent, a déclaré leur avocat Abdel Majid Sabrah à RSF. Ignorant ces faits, le juge a reporté l’audience au 20 janvier 2023.”
Négociations politiques au détriment des journalistes otages
Les quatre journalistes sont considérés comme un atout par les rebelles houthis, qui ont demandé en 2020 à les échanger contre des prisonniers politiques détenus par le gouvernement internationalement reconnu d’Aden. Selon leur avocat, leur condamnation à mort, leur emprisonnement et leur torture sont des moyens de pression pour leur échange.
Une lettre de la famille de Tawfik al-Mansouri accuse le chef du comité national des Houthis pour les affaires des prisonniers, Abdul Qader al-Mortada, d’avoir supervisé la torture. Le ministre de l’Information du gouvernement à Aden a également nommé Abdul Qader al-Mortada dans un tweet, comme étant la personne qui a transféré les otages en isolement et les a torturés. Ce dernier a démenti les accusations, proposant qu’une commission d’enquête des Nations unies et de la Croix-Rouge, avec la participation des deux parties, visite les prisons.
Les quatres journalistes Abdul Khaleq Amran, Akram al-Walidi, Hareth Humaid et Tawfiq al-Mansouri, détenus par les rebelles houthis depuis 2015, ont été condamnés à la peine maximale en 2020. Le tribunal (non reconnu) a arbitrairement déterminé qu’ils étaient coupables d’avoir « créé et maintenu plusieurs sites et pages sur Internet et sur les réseaux sociaux » dans l’intention de « diffuser des informations et des rumeurs fausses et malveillantes ».
Neuf journalistes sont actuellement otages des rebelles houthis au nord du Yémen. Plusieurs d’entre eux ont purgé leur peine mais sont maintenus en captivité, dans l’attente d’un échange de prisonniers. Le 7 décembre, les Houthis ont libéré le journaliste Younis Abdusalam après 15 mois d’arrestation arbitraire. Younis a également été longuement torturé et maltraité en prison.